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3 La mitochondrie, centrale énergétique cellulaire & source de stress oxydatif

3.2 Centrale énergétique cellulaire

3.2.1 Théorie chimio-osmotique

L’alimentation permet à l’organisme un apport en molécules énergétiques (Glucides, Lipides et Protides) mais elles ne sont pas directement utilisables par la cellule. Les nutriments sont dégradés et leurs catabolites sont les substrats du cycle de Krebs. A l’issue de ce cycle, de nombreux catabolites sont générés, certains à l’origine de plusieurs voies de biogénèses, mais aussi des molécules de NADH et de FADH2. Ces équivalents réduits sont des molécules véhiculant des électrons extraits des nutriments et utilisés par la mitochondrie pour le processus de synthèse de l’ATP. La mitochondrie synthétise l’ATP grâce à un ensemble de complexes enzymatiques incrustés au niveau de sa membrane interne à partir de l’oxydation des équivalents réduits.

Figure 9 : Schéma des complexes de la chaîne respiratoire, de l’ATP synthétase et de la protéine découplante, UCP. Balaban et al., 2005

Les complexes enzymatiques I, II, III et IV forment la chaîne respiratoire, aussi appelée la chaîne de transport des électrons (figure 9). Les complexes I et II oxydent respectivement le NADH et le FADH2, libérant des électrons qui sont transportés le long de la chaîne respiratoire jusqu’à l’oxygène, l’accepteur final. Les électrons sont relayés entre ces complexes par deux transporteurs mobiles, l’ubiquinone (des complexes I et II au complexe III) et le cytochrome c (du complexe III au complexe IV) jusqu’à l’oxygène pour former une molécule d’eau. Comme il sera expliqué par la suite, la production de ROS est liée à ce flux d’électrons. Au niveau des complexes I, III et IV, chaque transfert d’électrons cause l’expulsion de protons (H+) de la matrice vers l’espace intermembranaire. L’accumulation de protons dans l’espace intermembranaire forme un gradient électrochimique de protons de part et d’autre de la membrane interne, que l’on nomme également force proton-motrice (ǻp). Cette force proton-motrice est utilisée pour synthétiser de l’ATP à partir d’ADP et de phosphate, lorsque les protons retournent dans la matrice par le complexe V, l’ATP synthétase. L’ensemble des réactions qui permet à la force proton-motrice de coupler les réactions d’oxydation, au niveau de la chaîne respiratoire, avec les réactions de phosphorylation, au niveau de l’ATP synthétase, est appelée la phosphorylation oxydative.

L’ATP produit est principalement utilisé dans l’anabolisme (majoritairement dans la synthèse de protéines) et le maintien des gradients ioniques transmembranaires (Hulbert et Else, 2000), mais aussi par l’activité contractile des muscles, ou encore par les processus impliqués dans la division cellulaire. Ainsi, la réalisation de ces processus est dépendante de la disponibilité cellulaire en ATP, elle-même dépendante des capacités de la mitochondrie à

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Introduction

synthétiser de l’ATP. En effet, le niveau d’activité ainsi que l’efficacité de transformation de l’énergie par la mitochondrie sont deux paramètres impliqués dans les capacités de synthèse d’ATP. Le nombre de molécules d’ATP synthétisées par atome d’oxygène consommé au cours des oxydations phosphorylantes est un ratio qualifié de P/O. Les mesures in vitro

montrent que le couplage entre l’ATP synthétisé et l’oxygène consommé est variable (Kadenbach, 2003 ; Brand, 2005 ; Hinkle, 2005). Le nombre de molécules d’ATP que peut produire la mitochondrie par molécule d’oxygène consommée pendant le processus de phosphorylation oxydative est donc une relation très importante dans la balance énergétique. La valeur du ratio P/O conditionne à la fois les besoins en oxygène et nutriments indispensables dans la réalisation des réactions biochimiques et constitue l’élément clé entre ces besoins en apport énergétique et la disponibilité énergétique.

3.2.2 Plasticité du rendement énergétique mitochondrial, le ratio P/O

Les complexes enzymatiques impliqués dans la transduction d’énergie des oxydations aux phosphorylations sont structurellement indépendants mais fonctionnellement connectés par le gradient de protons, générant une force électrochimique au niveau de la membrane interne mitochondriale. Ainsi, l’efficacité de conversion énergétique de la mitochondrie peut être affectée par différents mécanismes non exclusifs, que l’on peut regrouper en deux phénomènes bioénergétiques, au niveau de trois sites de la mitochondrie :

- Le premier phénomène, initialement suggéré par Nicholls (1974) est une fuite de protons de part et d’autre de la membrane interne liée à la conductance de cette membrane.

- Le second phénomène en cause dans la diminution du rendement énergétique mitochondrial est le changement de stœchiométrie H+/e- des pompes à protons, à savoir les complexes I, III et IV de la chaîne respiratoire et l’ATP synthétase.

Le principal mécanisme qui diminue l’efficacité mitochondriale est la fuite de proton liée aux membranes biologiques qui présentent toujours une certaine perméabilité aux protons (Brand et al, 1994 ; Porter et al., 1996 ; Rigoulet et al., 1998 ; Brand, 2005). Cette fuite est à l’origine d’un cycle futile qui consomme des substrats énergétiques et de l’oxygène pour assurer le transfert actif des protons de la matrice vers l’espace intermembranaire dans le but

(Brand et al, 1994). La perméabilité de la membrane est à la fois une propriété intrinsèque de la membrane, dépendante de sa composition (longueur et degré d’insaturation des acides gras des phospholipides, Porter et al., 1996 ; Hulbert et al., 2002 ; concentration et activation des protéines découplantes, Cannon et Nedergaard, 2004), mais aussi de la valeur de la force proton-motrice (Nicholls, 1974). Au niveau tissulaire, ou au niveau de l’organisme entier, il a été estimé que la fuite de protons serait responsable de 25% de la consommation d’oxygène chez différentes espèces de mammifères (Porter et Brand, 1995 ; Rolfe et Brand, 1996). Cela signifie qu’au niveau de l’organisme, un quart de la ressource alimentaire ne rentre pas dans le budget énergétique à allouer entre les investissements, mais sert à maintenir le gradient de protons dans la mitochondrie. Les conséquences de la dissipation de la force proton-motrice sont une augmentation du taux respiratoire et une diminution de la synthèse d’ATP ; et il en découle alors une diminution du ratio P/O (Brand, 1990).

Un certain nombre de controverses a porté sur le fait que les pompes à protons pourraient présenter des stœchiométries variables. L’hypothèse d’un changement de stœchiométrie a émergé de l’observation que la fuite des protons à elle seule ne serait pas suffisante pour expliquer la relation entre le taux de respiration mitochondriale et la synthèse d’ATP (Zoratti et al., 1986). D’autres études ont montré que l’effet du potentiel de membrane sur la stœchiométrie des pompes à protons variait en fonction de la pompe considérée (Pietrobon et al, 1981, 1983). En effet, le ratio H+/e- dans la chaîne respiratoire (donc le rapport H+/O), et la stœchiométrie H+/ATP au niveau de l’ATP synthétase, pourraient être réduits à fort potentiel de membrane (Pietrobon et al, 1981, 1983). Des mesures directes du ratio H+/e- ont permis de mettre en évidence que le cytochrome bc1 oxydoreductase (complexe III) possède une stœchiométrie constante quelque soit le potentiel, alors que la stœchiométrie du cytochrome c oxydase (complexe IV) est réduite à fort potentiel (Murphy et Brand, 1987, 1988). Par ailleurs, il a été observé chez des bactéries que le mécanisme de rotation de l’ATP synthétase peut ne pas toujours être parfaitement couplé au flux de protons, particulièrement quand les concentrations d’ADP sont faibles, conduisant à une production inférieure d’ATP (Feniouk et al., 2005). En revanche, l’existence de ce mécanisme est beaucoup moins certaine chez les animaux. Les connaissances actuelles suggèrent que la cytochrome c oxydase pourrait être particulièrement sujet à des changements de stœchiométrie H+/e-, cependant la présence d’un découplage H+/ATP dans l’ATP synthétase reste encore à être démontrer dans les mitochondries des animaux (Kadenbach, 2003 ; Brand, 2005 ; Hinkle, 2005).

Introduction

Dans un processus aussi complexes que les phosphorylations oxydatives, l’approche quantitative qui semble la plus adaptée est la mesure du rendement énergétique, soit le nombre de molécules d’ATP synthétisées par atome d’oxygène consommé (ATP/O). Par cette approche, les différents mécanismes pouvant faire varier le rendement énergétique sont pris en compte (Kadenbach, 2003 ; Brand, 2005 ; Hinkle, 2005).