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4.1 Méthode de collecte de données

Les exploitants agricoles ont été interrogés sur les raisons d’adoption et d’abandon de l’AC durant l’enquête avec des questions ouvertes. Ensuite, les réponses ont été traduites et catégorisées en utilisant le cadre SRL comme grille d’analyse. Cette méthode, sans modalités préétablies, est intéressante parce que la question n’influence pas l’exploitant, mais les exploitations peuvent oublier de mentionner certaines raisons importantes ou évitent d’en parler.

4.2 Seuils d’adoption de l’agriculture de conservation définis à partir d’un faible échantillon

Dans cette étude, la taille de l’échantillon est un compromis entre d’une part l’objectif de disposer d’un nombre significatif d’exploitation de chaque catégorie pour capter au mieux la diversité des trajectoires d’adoption de l’AC, et d’autre part des moyens disponibles. Les trois statuts d’adoption de l’AC mis en évidence dans le chapitre 3 ont été utilisés comme critère de sélection de 70 exploitations enquêtées pour le présent chapitre. L’échantillon est suffisant pour l’analyse de la dynamique d’adoption de l’AC. Toutefois, les résultats sur les seuils d’adoption mériteraient d’être validés sur un échantillon plus grand.

4.3 Dynamique d’adoption de l’agriculture de conservation à affiner

L’enquête réalisée ne permet pas de cerner les raisons de non-adoption et les raisons de maintien de l’adoption de l’AC parce que la problématique initiale de l’étude s’est surtout focalisée sur l’adoption et l’abandon afin d’expliquer le fort taux d’abandon (chapitre 3). Les raisons de reprise de l’AC pour certaines exploitations n’ont également pas été prises en compte dans cette étude.

4.4 Difficulté à classer les raisons d’adoption et d’abandon dans les différentes composantes du cadre SRL

Le cadre SRL est la grille utilisée pour analyser la dynamique d’adoption de l’AC. Des difficultés ont été rencontrées pour classer les raisons d’adoption ou d’abandon de l’AC dans les composantes du cadre SRL. Par exemple, « les voisins ont adopté » donc l’exploitant a fait de même. Cette raison peut être du ressort du capital social comme on l’a justifié dans l’étude mais ce peut être une stratégie de moyens d’existence. Un autre exemple est que l’exploitant a adopté pour « bénéficier des intrants préfinancés par le projet ». Cette raison peut à la fois être un capital physique et dans la composante des résultats parce qu’il s’agit d’un moyen de réduction des charges de production ou encore une composante du volet

« institution et organisation » en lien avec les activités du projet. Tout comme le fait d’être « convaincus par la sensibilisation des techniciens » qui est un capital social mais aussi lié aux projet de diffusion comme les préfinancements des intrants. Notre analyse a dû faire des choix sur la catégorisation des comportements et des évaluations subjectives des circonstances extérieures exprimées par les acteurs, et qui influence leurs choix. Elle tente de représenter la diversité de la population étudiée et les contraintes qui lui sont associées.

5 Conclusion

Ce chapitre a apporté des éléments de précision sur la dynamique d’adoption de l’AC dans le Moyen Ouest du Vakinankaratra. Les résultats montrent l’existence d’exploitations qui ne sont pas dans une dynamique d’adoption de l’AC parce qu’elles ont des moyens d’existence faibles. Elles sont donc vulnérables au changement technique. Celles qui sont dans une dynamique d’adoption ont décidé d’adopter l’AC pour la première fois surtout dans une perspective d’amélioration de la fertilité du sol et donc d’amélioration des performances de leurs moyens d’existence. Toutefois, certaines exploitations ont ensuite abandonné, soit parce que l’AC ne leur permettait pas d’atteindre les résultats escomptés (ou promis lors de la dissémination) et les objectifs qu’ils s’étaient fixés lors de l’adoption initiale, soit parce que la technique ne correspondait pas à leur stratégie de production. D’autres exploitations ont abandonné après quelques années, par manque de capital adéquat (humain, naturel, physique et financier). Mais si les moyens nécessaires pour pratiquer convenablement l’AC sont à leur portée, ces exploitations peuvent se lancer dans une dynamique d’adoption continue de nouvelles techniques agricoles, même jugées complexes et en conséquence améliorer leurs moyens d’existence.

En plus des schémas d’adoption de l’AC couramment rencontrés que sont la non adoption, l’adoption puis abandon et l’adoption continue, cette étude a également permis de prouver empiriquement l’existence d’une pratique discontinue de l’AC (adoption-abandon-adoption). Les exploitations dans cette dynamique mettent en œuvre des stratégies adaptatives aux problèmes rencontrés en mélangeant leurs pratiques agricoles actuelles (non-AC) avec l’AC. Bien que les performances socio-économiques de ces pratiques adaptatives n’aient pas été étudiées en détail, ce résultat démontre déjà la capacité innovante et la capacité d’adaptation de ces exploitations face à des contraintes ainsi que la recherche de solutions hybridant les savoirs. Certaines de ces exploitations s’appuient sur les activités non-agricoles pour gérer les risques afférents à l’expérimentation de la nouvelle technique. D’autres sont de « grands propriétaires terriens » qui obtiennent des rentes foncières pour renforcer davantage le revenu non-agricole existant. Des petites exploitations mettent également en œuvre cette adoption discontinue de l’AC pour l’adapter à la logique de production. Mais une collaboration avec les

agronomes pour inventorier les itinéraires techniques réellement pratiqués à l’échelle de la parcelle serait nécessaire pour affiner cette analyse à l’échelle de l’exploitation.

Cette étude a également analysé l’implication de l’évolution du foncier dans la dynamique d’adoption de l’AC. Un seuil minimum d’adoption de 2 ha de tanety en propriété et un seuil minimum de maintien de cette adoption de 3 ha de tanety en propriété sont mis en évidence. Ces seuils sont spécifiques à l’adoption de l’AC à base de stylosanthes et sont applicables au contexte du Moyen Ouest du Vakinankaratra. Ces résultats remettent en question l’adaptabilité de ce type d’AC sur les Hautes Terres du Vakinankaratra ainsi que dans une grande partie de Madagascar où les surfaces moyennes sont bien inférieures à celle de la zone d’investigation. Les résultats de cette étude apporteront aux agents de développement des informations pour : (i) mieux cibler les adoptants potentiels de l’AC et les actions de développement ; (ii) faciliter la transition vers l’AC et une meilleure implication de la technique dans l’amélioration des conditions de vie des exploitations agricoles ; (iii) adapter les approches et les dispositifs d’appui-conseil aux exploitants agricoles à leurs besoins d’amélioration. Pour affiner l’analyse de la dynamique d’adoption de l’AC, des études approfondies sont encore nécessaires pour mieux : (i) comprendre les raisons de non-adoption des exploitations qui ne sont pas encore dans une dynamique d’adoption de l’AC et les raisons de maintien pour une adoption de façon continue ; (ii) pour valider les seuils d’adoption ; (iii) connaitre les exploitations avec une adoption discontinue de l’AC dont leurs caractéristiques, leurs raisons de reprise de l’AC ou encore le lien avec leurs stratégies de mise en location et/ou métayage des terres.