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2 Le contexte et la dissémination de l’agriculture de conservation

2.4 Dissémination de l’agriculture de conservation

Il est à rappeler que l’AC est basée sur trois principes : (i) le non labour du sol pour minimiser la perturbation du sol et de la litière ; (ii) le maintien en permanence d’une couverture végétale morte (mulch) ou vivante ; (iii) la rotation culturale en faisant référence à l’utilisation d’une association dans l’espace et/ou d’une succession dans le temps d’une diversité de plantes aux fonctions multiples pour produire et restituer au sol une forte biomasse (FAO, 2017). L’AC a longtemps été dénommée Semis direct sur Couverture Végétale (SCV) à Madagascar. Ce terme a été largement utilisé dans la littérature notamment dans les manuels, les documents de travail des projets de dissémination et dans certains articles publiés.

Cette technique a été promue dans le Moyen-Ouest du Vakinankaratra en réponse aux problèmes de dégradation du sol et d’invasion du striga qui limitaient les possibilités de culture des céréales. Pour ce faire, différents projets et différentes institutions de recherche et/ou de développement se sont impliqués et se sont succédés à différentes périodes dans la promotion de l’AC.

Figure 7 : Striga asiatica sur maïs

Photo : Husson and Rakotondramanana (2006)

2.4.1 L’ONG Terre et développement (TAFA)

L’ONG TAFA a été créée en 1994. Avec l’appui technique du Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et l’appui financier de différents bailleurs de fonds dont l’Agence Française de Développement, TAFA a développé un noyau d’expérimentation de l’AC à Madagascar entre 1998 à 2007. En 2004, ses activités dans le Moyen-Ouest ont été intégrées dans le Projet National Agroécologie du GSDM.

Les activités de TAFA consistaient à mettre au point des systèmes de cultures en AC adaptés à différentes zones agro-écologiques de Madagascar par le biais de matrice d’expérimentation. Dans le Moyen-Ouest du Vakinankaratra, la station de recherche TAFA se situait à Ivory dans la commune de Vinany (une commune dans notre zone d’étude). La recherche a été concentrée sur la proposition de systèmes pouvant limiter les dégâts du striga (Michellon et al., 2005). Des tentatives de dissémination de l’AC ont eu lieu à Ivory (Vinany) entre 1998 et 2006 et dans la commune d’Ankazomiriotra (une autres commune dans notre zone d’étude) entre 2003 et 2006 auprès d’une quarantaine d’exploitants agricoles (Michellon et al., 2005) avec un succès très limité. La dissémination a été reprise par l’ONG Fafiala en 2005, puis à partir de 2006 par le projet de mise en valeur et de protection des Bassins Versants et Périmètres Irrigués-Sud Est et Hauts Plateaux (BVPI SE/HP). La dissémination de l’AC était une composante de ce projet. L’ONG TAFA s’est alors focalisée sur les activités de recherche en station en 2007 et a laissé les activités de dissémination en milieu paysan au projet BVPI.

2.4.2 Le projet BVPI

BVPI était un programme national du Ministère de l'Agriculture, de l'Elevage et de la Pêche appuyé par des bailleurs de fonds pour améliorer les productions agricoles en protégeant les sols sur les tanety et en améliorant les techniques agricoles sur les bas-fonds.

Parmi la gamme de systèmes d’AC élaborée par TAFA en 1998, le système AC utilisant le stylosanthes (voir détail en annexe 5) comme plante de couverture a été le seul disséminé dans le Moyen-Ouest par le projet BVPI. Ceux utilisant des cultures vivrières ont été disséminés la dernière année du projet. Mais, le manque de financement n’a pas permis une dissémination à grande échelle de ces autres systèmes d’AC. Dans cette section, nous nous référons au manuel pratique du SCV à Madagascar (Husson et al., 2008b) pour décrire l’AC à base de stylosanthes.

BVPI a fait appel à des prestataires de service pour les activités de dissémination dans les différentes zones d’intervention du projet. FAFIALA a été le prestataire sélectionné dans le Moyen-Ouest du Vakinankaratra.

 Première sensibilisation à l’AC

Les travaux de sensibilisation ont été réalisés dans huit communes du district de Mandoto. Le choix des communes était basé sur la présence de bassin-versant et périmètre irrigués. Des techniciens vulgarisateurs du projet ont sensibilisé directement les communautés locales dans les villages ou communes durant les jours du marché. Les exploitants intéressés et volontaires devaient contacter directement les techniciens vulgarisateurs de FAFIALA qui avait un bureau à Ankazomiriotra.

TAFA a mis au point une gamme de systèmes AC adaptés à différentes zones agroécologiques de Madagascar utilisant des couvertures mortes telles que les paillages ou des couvertures vives avec des cultures vivrières (niébé, soja…) ; ou des cultures fourragères (brachiaria ou stylosanthes). Des référentiels techniques ont été édité par le GSDM3 en 2008 pour aider les agents de vulgarisation à mieux comprendre les systèmes AC et à mieux transmettre les informations aux exploitants agricoles. Ces documents renseignent pour chaque système AC : les caractéristiques des plantes de couverture, la mise en pratique du système, leurs performances et leurs limites. Tous ces référentiels ont été rassemblés dans le manuel pratique du SCV, application à Madagascar par Husson et al. (2013). Le projet BVPI s’est beaucoup inspiré de ces informations pour disséminer l’AC dans le Moyen-Ouest du

Vakinankaratra.

 Dissémination à grande échelle de l’AC

La démarche de dissémination du projet s’est déroulée en deux phases (Cellule de projet BVPI SE/HP, 2013).

Première phase du projet (2006 à 2008)

Durant cette première phase, la dissémination de l’AC a été faite de façon individuelle avec des conseils techniques à la parcelle dans les 8 communes d’intervention du projet. Les communes, ainsi que les fokontany à l’intérieur des communes, pouvaient être distantes d’environ 30 km au moins. Certaines sont géographiquement très enclavées et très difficile d’accès, quelques fois uniquement accessible à pied.

Les exploitants volontaires ont été invités à adhérer à un groupement de paysans existant ou d’en constituer un nouveau nommé GSD (Groupement Semis Direct). Cette organisation, composée de 20 à 30 personnes, peut bénéficier d’un crédit à caution solidaire dont le financement de base a été au début assuré par le projet pour ensuite alimenter un fond “revolving ”. Ce crédit permettait de financer les intrants nécessaires préconisés par le projet.

3 Groupement de Semis Direct de Madagascar (GSDM) rassemblent les différents acteurs œuvrant pour la dissémination de l’AC à Madagascar. Actuellement, GSDM utilise le slogan GSDM, « professionnel de l’agroécologie ».

Les modalités de remboursement des intrants durant les périodes de récolte suivent les cahiers de charges du GSDM (Husson and Rakotondramanana, 2006) : les semences et les engrais (un crédit exempt d’intérêt) devaient être remboursés en nature (riz) et/ou en numéraire ; les produits phytosanitaires en numéraire avec un intérêt de 1% par mois. Le remboursement se fait sur le compte du GSD ouvert dans une institution de microfinance. En fait, l’AC était proposée et associée à une intensification classique avec des engrais chimiques pour obtenir des augmentations conséquentes et significatives de rendement. Des techniciens socio-organisateurs appuient l’OP pour l’accès au crédit et l’approvisionnement en intrants. Le projet a également permis la valorisation de la plante de couverture en achetant les semences de stylosanthes auprès d’exploitants producteurs à raison de 12 000 Ar le kilo. A ce prix, la production de semence est plus rentable que les autres cultures (Penot, 2016, p. 314). En conséquence, une forte dynamique de production de semence s’est créée. En 2009, les semences ont été produites en grande quantité alors que le faible nombre de nouveaux adoptants ne permettait pas d’absorber la quantité produite et le prix des semences a fortement diminué.

Cette première phase du projet a rencontré des difficultés de mise œuvre dues à une grande dispersion géographique des exploitants, un manque d’efficacité de l’appui-conseil individuel pour une diffusion de masse, un faible niveau de remboursement des crédits, un manque d’organisation de la production de semence et une multiplication de petits groupements de paysans opportunistes.

Deuxième phase du projet (2009 à 2012)

Sur la base de l’évaluation de la première phase, les modalités de dissémination ont été modifiées durant la seconde phase du projet : (i) les interventions ont été concentrées dans 4 sur les 8 communes de la première phase ; (ii) le projet ne s’est pas limité à des conseils techniques à la parcelle mais a pris en compte l’ensemble de l’exploitation agricole ; (iii) l’appui-conseil a été mis en œuvre en groupe ; (iv) le crédit à caution solidaire et le préfinancement ont été abandonnés (les paysans étant censés autoproduire leurs propres semences) ; (v) seulement quelques paysans, dit “paysans pilotes”, ont été formés pour la production de semences ; (v) seuls les groupements qui n’ont pas un caractère opportuniste ont été retenus et formés sur la gestion et le fonctionnement d’une organisation. Les techniciens socio-organisateurs assuraient la formation au niveau des OP.

Le contrôle de la plante de couverture pour le cas de l’AC à base de stylosanthes (annexe 5) avait été identifié comme une contrainte forte pour la mise en œuvre de cette technique en raison de l’importance et de la pénibilité du travail manuel. De ce fait, à partir de 2011, le Fonds Régional pour le Développement Agricole (FRDA) par le biais du projet BVPI a subventionné partiellement l’achat de rouleaux aux groupements existants pour une utilisation collective.