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Chapitre I : Synthèse bibliographique

I.2. La filtration membranaire

I.2.3.2. Limitation au transfert par accumulation de matière à la membrane

I.2.3.2.1.Adsorption et blocage de pores

L’adsorption résulte d’interactions physico-chimiques telles que les interactions hydrophobes,

électrostatiques ou covalentesentre membrane et solué. L’adsorption dépend de la nature de la

membrane (matériau), des caractéristiques physico-chimiques des solutés et de leur concentration

ainsi que de la nature de la phase aqueuse (pH, force ionique, nature des ions). Elle peut intervenir

tant à la surface des membranes qu’à l’intérieur des pores, dès le contact du fluide avec la membrane,

la conséquence étant la formation de couches conduisant à une diminution de la section de passage

dans les pores conduisant à une résistance hydraulique supplémentaire à la résistance propre de la

membrane. L’adsorption se met en place dès les premiers instants de contact entre le fluide et la

membrane, elle atteint une valeur limite en fonction du temps.

Le blocage des pores découle généralement de propriétés stériques : des particules de

diamètre similaire ou inférieur à la taille des pores sont susceptibles de rentrer dans les pores et de

créer un blocage ou obstruer l’entrée des pores, diminuant ainsi la surface disponible pour

l’écoulement. Le flux net à travers la membrane dépendra donc de la nature du blocage, complet ou

partiel, et donc de la fraction des pores restés libres à l’écoulement. Ce phénomène entraîne

également une résistance supplémentaire à l’écoulement du fluide.

On peut considérer que l’adsorption et le blocage des pores résultent en une résistance

hydraulique additionnelle R

add

à la membrane et si on prend en compte les phénomènes d’adsorption,

de blocage de pores, la loi de Darcy modifiée et généralisée permet alors de décrire l’écoulement

selon :

𝐽 = ∆𝑃

µ × (𝑅

𝑚

+ 𝑅

𝑎𝑑𝑑

) Eq.I.2

I.2.3.2.2.Mise en évidence d’accumulation de matière en surface de membrane

Lors de la filtration de solutés, un écart à la loi de Darcy est observé (Figure I.10) : au-delà d’une

certaine valeur de pression transmembranaire, il n’y a plus de proportionnalité entre pression

transmembranaire et flux de perméation (Zone II sur la Figure I.10b) et le flux de perméation peut

même atteindre une valeur limite J

lim

qui dépend des conditions opératoires (Zone III sur la Figure

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I.10b) pour laquelle une augmentation de pression transmembranaire ne conduit plus à une

augmentation du flux de perméation.

Figure I.10. Courbes typiques de filtration : (a) évolution du flux de perméation J en fonction du

temps à une pression transmembranaire (PTM) fixée, (b) évolution du flux de perméation en

fonction de la pression transmembranaire.

Ces phénomènes sont inhérents au procédé de séparation par membrane et mettent en

évidence les phénomènes d’accumulation de matière à la membrane (flux de soluté inférieur au flux

de solvant) et les phénomènes de rétro-transport (J

lim

) qui contrebalancent le flux de matière apporté

par convection.

Parmi l’ensemble des phénomènes d’accumulation de matière à la surface de la membrane, deux

types d’accumulation peuvent être distingués, l’accumulation dite réversible et l’accumulation dite

irréversible.

L’accumulation dite réversible s’élimine dès arrêt de la pression. En pratique, cela correspond à la

matière éliminée après rinçage à l’eau de la membrane après l’arrêt de la filtration. Cependant, la

nature de la matière éliminée après l’arrêt de la pression et après le rinçage peut être différente car

on peut supposer que le rinçage peut éliminer une partie de la matière restée accumulée à la

membrane lors de l’arrêt de la pression transmembranaire.

Pour la suite de ce projet de thèse, l’accumulation gélifiée est considérée comme l’accumulation

irréversible.

I.2.3.2.3.Polarisation de concentration

Lors de la filtration, les solutés et le solvant sont apportés vers la membrane sous l’effet du

flux de convection. Les solutés partiellement ou intégralement retenus s’accumulent alors à la surface

de la membrane. Un gradient de concentration s’établit alors dans la zone entre la membrane et la

veine liquide (Figure I.11) et les concentrations atteintes dans cette zone deviennent supérieures à la

concentration de la veine liquide. Ce gradient de concentration génère alors un flux diffusif appelé

« rétro-diffusion » (première loi de Fick) de la membrane vers la veine liquide (Figure I.11). Ce

phénomène est connu comme la polarisation de concentration qui s’établit dès les premiers instants

de la filtration et qui est responsable de la grande décroissance initiale du flux.

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Figure I.11. Polarisation de la concentration : profil de concentration à l’intérieur de la couche de

polarisation de concentration

La variation de concentration d’une espèce dans l’espace (z, m) et dans le temps (t, s) est alors

décrite par la seconde loi de Fick, l’équation de continuité des flux :

𝑑𝐶

𝑑𝑡 =

𝑑𝑁

𝑑𝑧 Eq.I.3

avec C la concentration en solutés (kg.m

-3

), z la distance normale à la membrane (m), et N (kg.m

-2

.s

-1

)

le flux de matière correspondant à la différence entre le flux de matière des solutés arrivant par

convection et celui repartant par diffusion. L’équation devient alors :

𝑁 = 𝐽 × 𝐶 − 𝐷 ×𝑑𝐶

𝑑𝑧 Eq.I.4

avec D (m

2

.s

-1

) le coefficient de diffusion brownienne des espèces en présence.

L’accumulation des solutés à la surface de la membrane avec la polarisation de concentration

entraîne une résistance hydraulique supplémentaire au transfert. Cette limitation peut s’exprimer via

une différence de pression osmotique π

m

, opposée au gradient de pression ΔP, induite par la différence

de concentration de part et d’autre de la membrane.

En tenant compte du phénomène de polarisation de concentration, la loi de Darcy est donc

modifiée comme suit :

𝐽 = ∆𝑃 − 𝜋

𝑚

µ × (𝑅

𝑚

+ 𝑅

𝑎𝑑𝑑

) Eq.I.5

I.2.3.2.4.Spécificités des colloïdes

Il a été montré pour la première fois par Cohen et Probstein (1986) que la filtration de colloïdes

présentait des spécificités, ce qu’il ont appelé le paradoxe du flux colloïdal. En effet, ils ont observé

que le flux de perméation obtenu durant l’osmose inverse d’oxyhydroxyde de fer (particules

colloïdales), est plus élevé que celui attendu induit par les phénomènes décrits précédemments

(mouvement brownien, polarisation de concentration, etc.). Ce paradoxe s’explique par les

interactions de surfaces entre colloïdes qui dicte le flux de perméation (Bacchin et al. 2006a) et il faut

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alors considérer pour la filtration de colloïdes l’effet de diffusion collective qui tient compte des

interactions entre particules (Bowen et al. 1996).

I.2.3.2.5.Accumulation de matière irréversible

Pendant la filtration de colloïdes, si la force convective est plus forte que la force diffusive, un

dépôt de matière se forme en surface de la membrane lorsque la concentration des entités atteint une

concentration seuil à partir de laquelle les barrières répulsives entre les surfaces de colloïdes sont

franchies. Les colloïdes s’agrègent et forment une nouvelle structure, un gel ou un dépôt (Chen et al.

1997). Les colloïdes sont souvent difficiles à remettre en suspension naturellement à cause des

interactions cohésives entre espèces. Le dépôt de colloïdes présente alors souvent de l’irréversibilité.

Selon Bacchin et al. (2006b, 2006a), la concentration critique des colloïdes explique

fondamentalement les conditions critiques à partir desquelles la formation du dépôt est observée.

Cette grandeur peut se traduire par un volume filtré critique en filtration frontale (Bessiere et al. 2005)

ou un flux de perméation critique (Bacchin 1994 ; Field et al. 1995), et un rapport critique entre le flux

de perméation et la contrainte de cisaillement en filtration tangentielle (Le Berre et Daufin 1996 ;

Gésan-Guiziou et al. 1999c).

Ce dépôt forme une couche poreuse qui engendre une résistance additionnelle (R

d

)

d’importance variable en fonction de la compressibilité du dépôt. Pour les dépôts constitués de

colloïdes déformables (Pignon et al. 2004), telles que les micelles de caséine, le dépôt est compressible,

une augmentation de pression transmembranaire induit une diminution de la porosité et une

augmentation de la résistance intrinsèque (James et al. 2003).

Si on prend en compte les phénomènes d’adsorption, de blocage des pores, de polarisation de

concentration et de dépôt, la loi de Darcy modifiée et généralisée permet alors de décrire l’écoulement

selon :

𝐽 = ∆𝑃 − 𝜋

𝑚

µ × (𝑅

𝑚

+ 𝑅

𝑎𝑑𝑑

+ 𝑅

𝑑

) Eq.I.6

Les résistances individuelles (R

add

et R

d

) créées par les différents types de colmatage seront englobées

sous une résistance totale de colmatage R

f

.

Conclusions

La filtration membranaire conduit sous certaines conditions à l’accumulation de matière

réversible et irréversible à la surface de la membrane résultant de différents mécanismes de transport.

L’accumulation de matière irréversible à la surface de la membrane altère les performances de la

filtration et nécessite un nettoyage chimique ou mécanique. Dans le cas de la filtration de colloides,

cette accumulation irréversible est principalement attribuée à la formation d’un dépôt/gel à la surface

de la membrane, qui est l’objet de ce travail de thèse

Les principes généraux de la filtration membranaire étant établis, il est nécessaire à présent de

s’intéresser à la filtration membranaire de lait et plus particulièrement de micelles de caséine afin

d’identifier les spécificités de cette opération en industrie laitière.

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I.3. La filtration membranaire de micelles de caséines : formation et propriétés du dépôt de