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Chapitre I : Etude bibliographique : Imagerie de fluorescence in vivo et ciblage de

III. Amélioration des propriétés de ciblage in vivo

III.2. Ciblage actif

III.2.1. Ligands de ciblage et (bio)conjugaison

Les nombreux progrès réalisés au cours des vingt dernières années dans les domaines de la biologie moléculaire, cellulaire et de la génomique ont contribué à une meilleure compréhension des mécanismes moléculaires impliqués dans des pathologies comme le cancer. Cela a permis le développement de nouveaux ligands ciblant des anomalies spécifiques des cellules impliquées dans ces maladies. Ces ligands peuvent être de natures diverses comprenant les anticorps, les oligonucléotides, les oligosaccharides, les peptides ou encore des molécules organiques166 (Tableau I-5).

III.2.1.1. Les anticorps

Les anticorps sont des (glyco)protéines de la famille des immunoglobulines. Ils sont principalement formés de 4 chaines polypeptidiques : deux chaines lourdes identiques d’environ 50 kDa et deux chaines légères identiques d’environ 25 kDa167. L’efficacité de l’anticorps dépend de ses caractéristiques (sa spécificité, son affinité et son isotopie) et des caractéristiques de l’antigène ciblé (sa fonction, sa structure ou sa densité sur la surface de la cellule). Les anticorps peuvent être conjugués avec des effecteurs pour former des immunoconjugués168. De nombreuses molécules comme des fluorophores ou des composés cytotoxiques (vinblastine, méthotrexate, doxorubicine…) ont été couplés à des anticorps de façon covalente via un espaceur. Toutefois, la conjugaison peut s’avérer délicate car il faut éviter un couplage au niveau du domaine de reconnaissance de l’anticorps. D’autre part, la taille importante des anticorps peut être un inconvénient, notamment lorsqu’il s’agit d’en coupler plusieurs sur un même support, et le contrôle de leur orientation sur les nanosystèmes est souvent difficile (systèmes hétérogènes avec des pharmacocinétiques variables). De plus, il est nécessaire d’utiliser des anticorps chimériques, humanisés ou totalement humain pour les rendre moins immunogènes et pour limiter les problèmes d’allergies et les chocs anaphylactiques mais ces anticorps sont très couteux et très difficiles à concevoir169-171.

III.2.1.2. Les aptamères

Parmi les différentes familles d’aptamères, ceux basés sur des acides nucléiques sont généralement des oligonucléotides de 15 à 100 nucléotides, sélectionnés à partir d'une banque combinatoire de séquences selon leur aptitude à reconnaître une cible. Ils présentent des affinités et spécificités comparables à celles des anticorps pour des molécules variées (acides aminés, antibiotiques, ARN, ADN, protéines). La liaison de l'aptamère à sa cible induit un réarrangement plus ou moins important de l’oligonucléotide qui adopte une nouvelle structure intégrant la cible. Les aptamères ont un faible poids moléculaire, une faible immunogénicité, une bonne délivrance tissulaire et une clairance sanguine rapide. De plus, ils peuvent être produits à grande échelle et il est

aisé de les conjuguer en contrôlant leur orientation. Toutefois, les aptamères doivent parfois être modifiés afin d’éviter leur dégradation par les nucléases. Ils sont utilisés dans de nombreux domaines comme l'étude des interactions entre acides nucléiques et protéines, la détection, la purification, l'imagerie de cibles moléculaires ou la régulation de l'expression des gènes.

Tableau I-5 : Quelques exemples de ligands de ciblage.

Ligands Cibles Exemples de pathologies Réf.

Petites molécules

Zn(DPA) Bactérie Infection 172

Bisphosphonates Hydroxyapatite Calcification 173, 174

Acide folique (vitamine B9)

Récepteurs à l’acide folique (FR-α, FR-β)

FR-α : Cancers (ovaires, utérus, endomètre, cerveau, rein, voies aérodigestives supérieures et mésothélium). FR-β : Leucémie et sarcome. 175-182 Saccharides 18

F-fluoro-desoxy-glucose transporteurs de glucose Cellules tumorales 183 Glucosamine (résidus galactosyles et β-N- acétyl-galactosaminyles) Récepteurs aux Asialoglycoprotéines (ASGPR) Hépatocytes cancéreux 184-187 Acide hyaluronique Récepteurs à l’acide Hyaluronique (CD44, RHAMM, HARLEC)

Cancers (colon, ovaires, estomac),

certaines leucémies, maladies oculaires 188, 189

Anticorps

Anti-VEGFR

Récepteurs au facteur de croissance de l’endothélium

vasculaire (VEGF1–4)

Cellules endothéliales vasculaires des tumeurs solides

97, 190-204 Anti-EGFR Récepteurs au Facteur de

croissance épidermique (EGF1, EGF2)

Cancer du sein Anti-CD Cluster de différenciation

(CD20, CD22, CD19, CD33)

Lymphomes

Anti-MUC1 MUC1 Cancer du sein et de la vessie

Anti-PSMA Antigène prostatique

spécifique Cancer de la prostate Anti-HER-2 HER-2 Cancers du sein, des ovaires et les

carcinomes Anti-ED-B Fibronectine Maladies cardiovasculaire

Anti-F4/80 antigène F4/80 Arthrites

Peptides

Peptide RGD Intégrines (αvβ3, αvβ5) Cellules endothéliales vasculaires des

tumeurs solides 205-217 chlorotoxine métallo-protéases-2

(MMP-2)

Gliomes, médulloblastomes, cancers de

la prostate, des intestins et sarcomes 218

NQEQVSPLTLLK FXIIIa Maladie cardiovasculaire 219

ATWLPPR Neuropiline-1 Cellules endothéliales vasculaires des

tumeurs solides 220

GPRPP Fibrine Maladie cardiovasculaire 221

Protéines

Transferrine Récepteurs à transferrine Cancers (côlon, sein, rein, poumon,

estomac et ovaire) 222, 223

Endostatine Angiogénèse Cancer 224

EGF EGFR Cancer 225

Annexine V Phosphatidylsérine Apoptose 226

Aptamères Oligonucléotides acides aminés, ARN, ADN,

protéines Infection, cancer 227-233

III.2.1.3. Les oligosaccharides

Les oligosaccharides peuvent être utilisés en tant que ligands pour cibler divers récepteurs membranaires comme les transporteurs de glucose, les galectines, les récepteurs à l’acide hyaluronique et les récepteurs d’asialoglycoprotéines (ASGPR). Sous leur forme monomèrique, les ligands saccharidiques possèdent une très faible affinité pour leur récepteur (de l’ordre du mM). Ainsi, ils doivent nécessairement être présentés de manière multivalente afin de présenter une affinité exploitable pour le ciblage. Par exemple, pour les récepteurs ASGPR, l’affinité des ligands est fortement dépendante du nombre, de la distance et de l’arrangement tridimensionnel des oligosaccharides234. Ainsi, la synthèse à grande échelle des ligands saccharidiques peut parfois s’avérer difficile et coûteuse à cause de leur poids moléculaire élevé.

III.2.1.4. Les peptides

De nombreux ligands protéiques interagissent avec leurs récepteurs via une séquence spécifique. Quand cette dernière correspond à une petite séquence peptidique, il est possible de concevoir et de synthétiser un ligand peptidique qui possède des propriétés de reconnaissance similaires à celle de la protéine originelle. L’exemple le plus probant est sans doute le ligand peptidique RGD (Arg-Gly-Asp) présent dans diverses protéines telles que la vitronectine ou le fibrinogène. Il a été l’objet de nombreuses études notamment pour sa capacité à se lier à l’intégrine αVβ3 qui intervient lors de la formation de la néo-vascularisation tumorale (cf. Chapitre I, IV.4).

De manière générale, les ligands de ciblages sont souvent porteurs de nombreuses fonctions chimiques réactives, particulièrement lorsqu’il s’agit de biomolécules. Ainsi, leur conjugaison avec l’effecteur, qui nécessite généralement d’être régio-spécifique avec une orientation particulière des différents éléments, peut s’avérer délicate.

III.2.1.5. Méthodes de (bio)conjugaison

L’élaboration des conjugués effecteurs-ligands nécessite la prise en compte de très nombreux paramètres235. Les premières questions concernent le choix de l’effecteur et du ligand de ciblage. Les paramètres comme la solubilité, la biocompatibilité, la toxicité, la pharmacocinétique et la biodistribution, la capacité à passer les barrières biologiques ou encore le mode d’élimination utiliser par l’organisme (suivant si le conjugué est biodégradable ou non) vont directement en découler. La manière dont ces différents éléments vont être assemblés est également fondamentale (type de réaction(s) chimique(s) utilisée(s), utilisation ou non d’un bras espaceur et le cas échéant sa taille, et sa nature (stable ou labile pour le relargage de l’effecteur)). La localisation des sites de liaison sur les différents éléments peut aussi s’avérer importante (ex : préservation du site actif d’une protéine ou du site de reconnaissance d’un anticorps). Les caractéristiques telles que la masse molaire du conjugué ou la présence de charges peuvent influencer significativement leur comportement en milieu biologique (interaction au niveau cellulaire ou moléculaire, internalisation…).

La conjugaison des ligands aux effecteurs (ou sur un support) s’effectue par couplage généralement covalent. La nature complexe et multifonctionnelle de chacun des éléments peut

rendre difficile la caractérisation ainsi que le contrôle du taux de fonctionnalisation et l’orientation/accessibilité des ligands. Dans ces conditions, l’assemblage par liaisons chimiques traditionnelles (liaison amide par exemple) nécessite presque toujours de recourir à des étapes supplémentaires de protection/déprotection et les rendements finaux peuvent s’avérer assez faibles. L’utilisation de réactions chimio-sélectives est une approche alternative aux méthodes de couplage traditionnelles. Les éléments à coupler comportent des fonctions chimiques présentant une réactivité réciproque et spécifique236. La conjugaison peut donc avoir lieu entre des molécules totalement déprotégées. Il existe différentes méthodes de ligations chimio-sélectives qui peuvent se classer en deux catégories : celles permettant d’obtenir un lien natif (comme le lien amide) et d’autres donnant un lien non-naturel237 (Figure I-8).

Figure I-8 : Schéma des différentes réactions chimio-sélectives.

Ces réactions impliquent des fonctions chimiques variées et respectent plusieurs critères236, 238. Outre la chimio-sélectivité, ces réactions doivent être applicables dans une large gamme de conditions expérimentales, être modulables, donner des composés stables, avoir des rendements très élevés, avoir une cinétique relativement rapide et peuvent généralement s’opérer en milieu

+

Azoture X=S Thioacide

X=Se Sélénocarbonyle

Thioester Cystéine Ester de

phosphinothiol Cétoacide Hydroxylamine Azoture Native Chemical Ligation Traceless Staudinger Ligation + + + + + Azoture Alcyne Triazole Amine Ester activé Amide

Hydrazine Carbonyle Hydrazone

Oxyamine Oxime Cystéine Thiazolidine + + + + + Thiol Maléimide Thioéther Alcène Thioéther α-halogènocarbonyle Thioéther Disulfures Diène Diènophile Diels-Alder + + + Carbonyle Carbonyle Thiol Thiol Thiol

aqueux. Par conséquent, elles sont bien adaptées pour l’élaboration de conjugués sophistiqués de hauts poids moléculaires. La stratégie de synthèse est souvent simplifiée et les manipulations chimiques diminuées239.

La plupart des liaisons obtenues sont stables en conditions physiologiques. Certaines ont une stabilité dépendante des conditions environnantes (pH, enzymes) comme par exemple la liaison disulfure qui peut être coupée en milieu réducteur.

Les ligands de faible masse molaire comme l’acide folique, les peptides ou les (oligo)saccharides ont tendance à être privilégiés en tant qu’agent de ciblage car ils sont généralement plus faciles à synthétiser, à modifier et à manipuler que les molécules plus volumineuses et complexes comme les protéines/anticorps. Toutefois, ils ont souvent une affinité et une spécificité pour leur cible plus faibles que les anticorps. Ce problème peut être surmonté en présentant les ligands de manière multivalente.