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Chapitre II : Développement de sondes fluorescentes multivalentes à deux niveaux

I. Synthèse et évaluation biologique de conjugués linéaires polymère-clusters

I.2. Elaboration de conjugués linéaires fluorescents

La synthèse des conjugués polymère-clusters peptidiques fluorescents a plusieurs objectifs : évaluer la sélectivité de ces conjugués vis-à-vis des intégrines αVβ3 par microscopie de fluorescence in

cellulo (visualiser l’interaction des composés avec les cellules et éventuellement leur internalisation)

puis étudier leur biodistribution et leur pharmacocinétique in vivo après injection chez la souris par des techniques d’imagerie optique du petit animal (cf. Chapitre II, I.3.2 à I.3.4).

Choix du fluorophore :

Pour cette étude, nous avons choisi d’utiliser un fluorophore absorbant et émettant dans la gamme du rouge lointain aux environs de 700 nm, la Cyanine5.5. L’utilisation de ces longueurs d’ondes permet en effet de minimiser l’absorption et l’auto-fluorescence des tissus biologiques et ainsi de faire de l’imagerie optique plus en profondeur in vivo (cf. Chapitre I, II-2). La Cyanine5.5 (Figure II-7) a été choisie car ses propriétés optiques sont adaptées aux microscopes utilisés à l’Institut Albert Bonniot par l’équipe de Jean-Luc Coll. De plus, la Cyanine5.5 se caractérise par une brillance (produit du coefficient d’extinction molaire, ε, et du rendement quantique de fluorescence, φ) relativement élevée pour ce type de fluorophores. Enfin, elle est disponible commercialement avec un bras de couplage terminé par une fonction amine primaire, pour réaliser son couplage covalent sur les polymères. Deux Cyanines5.5 ont été testées : une provenant de Lumiprobe, l’autre de Fluoprobe qui se différencie de la première par la présence de 4 groupes sulfonates en position aromatique (Figure II-7). Cette dernière est globalement chargée négativement (4 charges négatives sulfonates pour 1 charge positive ammonium) et est beaucoup plus hydrophile que la Cyanine5.5 non sulfonatée (qui ne possède qu’une charge positive ammonium). Ainsi, la version tétrasulfonates est soluble en milieu aqueux (et dans le DMF), contrairement à la seconde qui n’est soluble que dans le DMF, DCM et DMSO. Ces deux versions de Cyanine5.5 ont permis d’étudier l’influence de la charge globale du fluorophore sur le comportement du conjugué en milieu biologique. Dans les deux cas, les étapes de synthèse, de purification et de caractérisation sont similaires.

Figure II-7 : Structures de la Cyanine5.5 (Lumiprobe) (A) et de la Cyanine5.5 tétrasulfonates (Fluoprobe) (B) utilisées pour la synthèse des conjugués polymère-Raft(cRGD)4 fluorescents.

I.2.1. Particularités de la synthèse de conjugués polymère-clusters fluorescents

La synthèse des conjugués polymère-Raft(cRGD)4 fluorescents est identique à celle des conjugués non fluorescents mais implique une étape supplémentaire de couplage covalent du fluorophore après le couplage des clusters peptidiques et avant l’étape de capping (Figure II-4). Le cluster Raft(cRGD)4 étant une molécule de masse molaire plus élevée que le fluorophore (environ 4 000 g.mol-1 contre 1 000 g.mol-1), son couplage est toujours effectué en premier afin d’éviter d’éventuelles gênes stériques et pour optimiser son rendement de couplage.

La seconde étape consiste à coupler de manière covalente le fluorophore via la fonction amine primaire de son bras de couplage qui est capable de réagir avec les esters activés résiduels du copolymère. La réaction de couplage du fluorophore est plus rapide que celle du cluster peptidique : molécule plus petite qui diffuse donc plus vite et meilleure accessibilité de la fonction amine primaire à l’extrémité d’un bras de couplage (en 2 fois C6 au lieu de C4 pour le cluster peptidique). Ainsi, la durée de couplage du fluorophore a été réduite (entre 2h et 4h). Les paramètres tels que la concentration du milieu (2 fois plus importante pour le cluster que pour le fluorophore), la température (20°C pour le fluorophore et 40°C pour le cluster) et le rapport molaire amines primaires/esters activés (0,039 pour le fluorophore et 0,045 pour le cluster) ne peuvent pas expliquer cette réaction plus rapide pour le fluorophore car ils sont moins favorables.

I.2.2. Détermination du nombre moyen de clusters Raft(cRGD)4 par chaîne, np

Pour les conjugués polymère-Raft(cRGD)4 fluorescents, la caractérisation est plus délicate. Il n’a pas été possible de déterminer précisément le nombre moyen de Raft(cRGD)4 par chaîne à partir du spectre RMN 1H des conjugués finaux purifiés, car la présence du fluorophore complique grandement les calculs. En effet, certains signaux du fluorophore (comme ceux des aromatiques de la Cyanine5.5 ou Cyanine5.5 tétrasulfonate) ne sont pas visibles dans D20 et d’autres se superposent aux pics du polymère et du peptide. Or, pour déterminer le nombre moyen de Raft(cRGD)4 par chaîne, il est nécessaire d’avoir une attribution fine des signaux. Une analyse dans d’autres solvants deutérés a été envisagée mais le conjugué est insoluble dans CDCl3 et les solvants comme le DMF-d7 ou le DMSO-d6 génèrent des pics dans des zones pertinentes du spectre. De plus, ils nécessitent de re-purifier les conjugués après analyse (perte éventuelle de produit).

Pour pallier à ces problèmes, nous avons choisi de prélever une partie du milieu réactionnel

juste avant l’ajout du fluorophore (Figure II-4). L’échantillon ainsi obtenu a été directement cappé avant de déterminer np par RMN 1H (en suivant la même méthode que pour les conjugués non fluorescents, Annexe 4). On peut très raisonnablement considérer que la valeur de np de cet échantillon est identique à celle du conjugué fluorescent correspondant. Le couplage du cluster Raft(cRGD)4 ayant été réalisé pendant 5 jours, il semble très peu probable que np change significativement pendant les 2 à 4h de couplage du fluorophore.

Dans ces conditions, il a été déterminé que les conjugués 5 et 6 ont respectivement un nombre moyen de clusters Raft(cRGD)4 par chaîne de 4,2 et 4,8.

I.2.3. Détermination du nombre moyen de fluorophores par chaîne, nf

En ce qui concerne le nombre moyen de fluorophore par chaîne, nf, il est également difficile à déterminer par RMN 1H vu la complexité du spectre.

Le rendement de couplage du fluorophore a donc été quantifié en utilisant une méthode basée sur la chromatographie d’exclusion stérique CES (dans le DMF) couplée à un détecteur UV/visible9. Puis, connaissant le nombre initial d’équivalents en fluorophore, il est possible de calculer le nombre moyen de fluorophores par chaîne. Toutefois, dans ce cas précis, la présence du cluster Raft(cRGD)4 provoque l’adsorption irréversible des conjugués sur la phase stationnaire des colonnes de CES (aucun pic de conjugué visible). Nous avons donc décidé de synthétiser des analogues aux conjugués fluorescents mais sans cluster Raft(cRGD)4 pour déterminer le rendement de couplage des fluorophores et nf (en supposant qu’ils sont identiques avec ou sans étape de couplage de peptide au préalable) : composé 7 (Cyanine5.5) et composé 8 (Cyanine5.5 tétrasulfonates) (Figure II-8). Ces polymères fluorescents seront très utiles par ailleurs pour servir de contrôle lors des évaluations biologiques (cf. Chapitre II, I.3.2 à I.3.3).

Figure II-8 : Conjugués fluorescents sans cluster Raft(cRGD)4.

L’évolution du rendement de couplage (Rdt) du fluorophore sur le copolymère est suivie lors de la réaction, à partir des chromatogrammes de différents prélèvements (Figure II-9, A). La réaction est stoppée lorsque le plateau de la courbe cinétique est atteint.

L’équation 2 est utilisée pour déterminer le rendement de couplage Rdt (en considérant que le coefficient d’extinction molaire du fluorophore est identique, qu’il soit couplé sur la chaîne polymère ou non) qui permet ensuite de remonter au nombre moyen de fluorophores par chaîne polymère nf à l’aide de l’équation 3 :

𝑅𝑑𝑡 =

𝐴𝐴𝑓𝑐 ×100

𝑓𝑐+𝐴𝑓𝑙

(Equation 2), d’où

𝑛

𝑓

=

𝑚𝑜𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑓𝑙𝑢𝑜𝑟𝑜𝑝ℎ𝑜𝑟𝑒 𝑖𝑛𝑡𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡𝑚𝑜𝑙𝑒𝑠 𝑑𝑒 𝑐𝑜𝑝𝑜𝑙𝑦𝑚è𝑟𝑒 𝑖𝑛𝑡𝑟𝑜𝑑𝑢𝑖𝑡

× 𝑅𝑑𝑡

(Equation 3)

Où 𝐴𝑓𝑐 est l’aire sous le pic 1 (Figure II-9, B) correspondant aux fluorophores couplés sur le copolymère et 𝐴𝑓𝑙 est l’aire sous le pic 2 correspondant aux fluorophores libres.

Figure II-9 : Courbes cinétiques du couplage de fluorophores pour les conjugués 7 et 8 (A) et chromatogrammes CES/UV-Visible enregistrés à 673 nm lors de la synthèse du conjugué 7 : B) après 2h de couplage (1 : pic correspondant aux fluorophores couplés sur le copolymère ; 2 : pic correspondant aux fluorophores libres) ; C) après purification par dialyse.

Le rendement de couplage est de 64 % pour la Cyanine5.5 et de 62 % pour la Cyanine5.5 tétrasulfonates ; en conséquence, les conjugués 7 et 8 portent respectivement 3,1 et 3,7 fluorophores par chaîne en moyenne.

Les rendements de couplage obtenus sont très similaires pour les deux types de Cyanine5.5 et sont acceptables. Il semble qu’une proportion de fluorophore ne soit pas capable de se coupler sur le copolymère. Etant donné le large excès de fonctions esters activés (156,7 par chaîne en moyenne) par rapport aux fluorophores (environ 5 équivalents par chaîne) et l’excellente solubilité des réactifs, le couplage ne semble pas limité par la disponibilité des fonctions esters activés. Des tests ont été effectués en ajoutant quelques équivalents de DIPEA supplémentaires pendant le couplage pour essayer d’exacerber la réactivité des fonctions amines primaires portées par les fluorophores mais sans succès. Il est possible que seule une partie des fluorophores commerciaux soit correctement fonctionnalisée par la fonction amine primaire ou qu’une proportion d’entre eux se soit dégradée au stockage ou pendant le couplage. Dans le cas d’une dégradation, celle-ci impacterait sans doute uniquement la fonction amine primaire car le spectre d’absorption du fluorophore n’est pas modifié, suggérant que le cœur chromophorique est resté intact. Des analyses RMN 1H n’ont pas permis de démontrer la présence de fluorophores non fonctionnels. Lors de tests annexes, nous avons pu observer une dégradation du fluorophore (ensemble de la structure) mais uniquement dans des conditions beaucoup plus basiques que celles mises en place lors du couplage (pH 12 au lieu de 8). Des études plus poussées seraient donc nécessaires pour comprendre la limite atteinte par le rendement de couplage des fluorophores.

0 0,005 0,01 0,015 0,02 0,025 0 5 10 15 20 UA Temps (min) 0 0,002 0,004 0,006 0,008 0,01 0,012 0 5 10 15 20 UA Temps (min) C) B) 1 2 0 10 20 30 40 50 60 70 0 100 200 300 400 R dt (% ) Temps (min) Conjugué 7 Conjugué 8 A)

Ces résultats de couplage ont été extrapolés aux cas des conjugués fluorescents porteurs de clusters Raft(cRGD)4 (conjugués 5 et 6, obtenus dans les mêmes conditions). Cela suppose que la présence des clusters sur la chaîne polymère n’interfère pas avec le couplage des fluorophores (interactions d’ordre stérique ou électrostatique, effets hydrophobes). Cependant, compte-tenu du grand nombre de fonctions esters activés encore disponibles par chaîne après le couplage des clusters et de la relative faible masse molaire (autour de 1 000 g.mol-1) des fluorophores, il a été estiméque la présence des clusters n’avait pas d’impact significatif sur le rendement de couplage du fluorophore.

I.2.4. Purification des conjugués polymère-clusters peptidiques fluorescents

Contrairement à la purification des conjugués non fluorescents pour lesquels l’ultrafiltration a été privilégiée car elle est beaucoup plus rapide que la dialyse, dans le cas des conjugués fluorescents, il est préférable d’utiliser la dialyse. En effet, suivant la nature des fluorophores, les conjugués fluorescents peuvent avoir tendance à s’adsorber légèrement sur les membranes d’ultrafiltration lors de la centrifugation ce qui favorise la perte de produit.

La purification par dialyse permet d’éliminer très efficacement les fluorophores non couplés (disparition du pic correspondant aux fluorophores libres, Figure II-9, C), sans entraîner de perte de conjugué. Les rendements de récupération sont de 95 % et 98 % respectivement pour les conjugués non fluorescents 7 et 8 et de 95 % et 96 % respectivement pour les conjugués polymère-Raft(cRGD)4 fluorescents 5 et 6.

I.2.5. Caractérisation optique des conjugués polymère-clusters fluorescents

Une évaluation préliminaire des propriétés de fluorescence du conjugué 7 a été réalisée lors de mon séjour au sein de l’équipe de José Paulo Farinha au « Centro de Quimica Fisica Molecular » de l’Instituto Superior Técnico de Lisbonne.

Figure II-10 : Superposition des spectres d’absorption et d’émission de fluorescence normalisés de la Cyanine5.5 libre et du conjugué 7 enregistrés dans un mélange eau/éthanol (95/5 ; v/v) (Absorbance de la Cyanine5.5 libre : bleu ; Absorbance du conjugué 7 : rouge ; Emission de la Cyanine5.5 libre : vert ; Emission du conjugué 7 : violet). 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 350 450 550 650 750 850 Fl uo re sc e nc e no rm al is é e A bs or ba nc e no rm al is é e Longueurs d'onde (nm) Cy5.5 libre (Absorbance) Conjugué 7 (Absorbance) Cy5.5 libre (Emission) Conjugué 7 (Emission)

Les mesures ont été envisagées en milieu aqueux. Cependant, la Cyanine5.5 étant infiniment peu soluble dans l’eau, il a d’abord été nécessaire de la dissoudre dans un minimum d’éthanol puis de diluer avec de l’eau (eau/éthanol : 95/5 : v/v). Le couplage de la Cyanine5.5 sur le copolymère entraine une modification de son spectre d’absorption (Figure II-10). La bande d’absorption centrée sur 633 nm, relativement faible pour la Cyanine5.5 libre, est plus importante pour le conjugué, ce qui pourrait s’expliquer par une modification de la structure vibrationnelle du chromophore (notamment de ses capacités rotationnelles suite à son couplage sur le polymère). Les spectres d’émission de fluorescence (excitation à 633 nm) sont en revanche identiques. Un très léger décalage (5 nm) vers le rouge des spectres du conjugué 7 par rapport à ceux de la Cyanine5.5 est observé. Le coefficient d’extinction molaire du conjugué 7 est supérieur à celui de la Cyanine5.5 pour les longueurs d’ondes d’absorption maximale et d’excitation utilisée (Tableau II-3). En revanche, le coefficient d’extinction molaire de chaque fluorophore couplé est environ deux fois inférieur à celui du fluorophore libre pour la longueur d’onde d’absorption maximale alors qu’ils sont presque identiques pour la longueur d’onde d’excitation. Le rendement quantique de fluorescence du conjugué (c'est-à-dire de chaque chromophore couplé) est deux fois plus faible que celui de la Cyanine5.5. Comme cela est généralement observé9-12, le couplage de plusieurs fluorophores sur le copolymère induit une diminution du rendement quantique de fluorescence à cause de phénomènes de self-quenching. Cependant, cela permet d’obtenir des composés de brillance améliorée du fait de l’augmentation importante du coefficient d’extinction molaire.

Tableau II-3 : Comparaison des principales caractéristiques spectroscopiques de la Cyanine5.5 et du conjugué 7 déterminées dans un mélange eau/éthanol (95/5 ; v/v).

ε par fluorophore = ε conjugué à λ max abs/nf ; λ excitation : longueur d’onde d’excitation utilisée pour réaliser les mesures ; φF : rendement quantique de fluorescence ; Brillance = φF  ε λ excitation ; * : déterminé en tampon aqueux13.

Note : Les résultats de rendements quantiques et de brillances sont toutefois relatifs. En effet, le rendement quantique de fluorescence de la Cyanine5.5 utilisé comme référence (marqué par un astérisque dans le tableau II-3) a été déterminé dans un solvant différent (tampon aqueux) et à une autre longueur d’onde d’excitation.

I.2.6. Conclusion sur l’élaboration des conjugués linéaires fluorescents

Le marquage des conjugués polymère-clusters par des fluorophores est relativement simple mais cela complexifie grandement la caractérisation. L’obtention des deux conjugués polymère-clusters fluorescents, porteurs d’environ 4 Cyanine5.5 (tétasulfonates ou non) avec des caractéristiques très proches (np, nf… (cf. Chapitre II, Tableau II-2)) et de leurs homologues sans peptide va permettre l’utilisation de techniques de microscopie de fluorescence pour les évaluations biologiques.

Echantillon nf λmax absption (nm) ε conjugué (λ max abs) (M-1.cm-1) ε par fluorophore (λ max abs) (M-1.cm-1) ε conjugué (M-1.cm-1) à 633 nm (λ excitation) ε par fluorophore (M-1.cm-1) à 633 nm (λ excitation) λmax émission (nm) φF Brillance (M-1.cm-1) Cy5.5 / 678 120 800 / 58 700 / 698 0,28* 16 436 Conjugué 7 3,1 682 197 500 63 700 184 800 59 600 703 0,14 25 872