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Chapitre III : Marquage de protéines par des sondes polymères fluorescentes en vue

II. Elaboration de sondes polymères fluorescentes porteuses d’une fonction ester

II.2. Evaluation du couplage de chaînes PNAM-S-NAS sur une protéine modèle

La capacité des chaînes PNAM-S-NAS à se lier à des protéines natives (de manière covalente) a été évaluée, en collaboration avec Zofia Haftek-Terreau, en utilisant le lysozyme comme protéine modèle et des gels d’électrophorèse SDS-PAGE pour mettre en évidence le couplage. Le lysozyme est une protéine commune et peu coûteuse, présente notamment dans le blanc d’œuf. Elle est monomérique, possède une faible masse molaire (14 388 g.mol-1) et sa séquence comporte 6 lysines. Après migration sur le gel SDS-PAGE, la protéine native ne présente donc qu’une seule « tâche » (ce qui n’est pas forcément le cas pour certaines protéines multimériques), qui à priori devrait être bien séparée de celle des conjugués lysozyme-polymère (possédant une masse molaire globale significativement plus importante).

Après optimisation, le couplage des chaînes polymères sur la protéine a été réalisé dans le tampon PBS pH 7,4 pendant 4h à température ambiante. Dans notre cas, il a été montré que l’utilisation d’un pH plus basique (pH = 9) et d’une durée de couplage plus longue (24h) n’apportait pas d’amélioration significative (Annexe 8). Trois rapports molaires polymère/lysozyme (P/L) ont été testés pour chaque composé : 10/1, 30/1 et 50/1. Il a été déterminé que le dépôt de 2 µg de lysozyme par puits permettait d’obtenir le meilleur compromis entre sensibilité et résolution (Annexe 8).

Lors de cette étude, trois composés PNAM-S-NAS de masse molaire croissante ont été évalués (Tableau III-8) en utilisant les composés PNAM-SH correspondants comme contrôle (au rapport molaire P/L = 50/1), pour prouver que le couplage polymère-protéine résulte bien de la présence de la fonction ester activé terminale.

Tableau III-8 : Composés PNAM testés pour évaluer le couplage de chaînes polymères portant une extrémité ω ester activé sur une protéine native modèle.

Nature Echantillons DPn Mn (g.mol-1) PNAM-SH DD38 22 3 200 DD41 31 4 500 DD52 93 13 300 PNAM-S-NAS DD42 22 3 400 DD53 31 4 700 DD58 et DD65 93 13 500

Mn (calculée) est la masse molaire moyenne en nombre du composé, basée sur la masse molaire du PNAM correspondant déterminée par CES/DDL et ajustée en considérant une modification quantitative de l’extrémité de chaîne.

Le gel d’électrophorèse (Figure III-12) présente les résultats obtenus avec les PNAM de DPn 22 et 31. Pour les PNAM-S-NAS (puits B à G), la tache correspondant au lysozyme natif est moins intense que celle du puits A de référence (sans polymère) et diminue avec l’augmentation du rapport P/L. De plus, des taches larges apparaissent dans la partie supérieure du gel, correspondant à des composés de masse molaire plus élevée (moins élués), d’autant plus que le rapport P/L augmente. Ces deux observations constituent une preuve du couplage des polymères PNAM-S-NAS sur le lysozyme (conjugués lysozyme-PNAM). Les composés contrôles PNAM-SH (DD38 et DD41) ne présentent pas de produits de couplage avec la protéine (puits H et I). Ceci confirme que seules les chaînes polymères PNAM possédant un ester activé peuvent se coupler à la protéine. Ces contrôles indiquent également que les fonctions thiols des PNAM-SH ne réagissent pas avec les résidus cystéines du lysozyme ou que les ponts disulfures créés ne sont pas stables dans les conditions

d’électrophorèse utilisées. Les deux polymères PNAM-S-NAS DD42 et DD53 ont le même comportement pour des rapports P/L identiques. Le composé DD53 dont la masse molaire est plus élevée que DD42, conduit à des conjugués lysozyme-PNAM de masses molaires plus élevées (taches qui migrent moins dans le gel (haut du gel)).

Figure III-12 : Comparaison de l’efficacité de couplage des polymères PNAM-S-NAS (DD42 et DD53) sur le lysozyme à pH 7,4 sur gel SDS-PAGE.

Marqueurs protéiques standards (M) ; lysozyme natif (A) ; lysozyme + polymère DD42 : P/L = 10/1 (B), P/L = 30/1 (C), P/L = 50/1 (D) ; lysozyme + polymère DD53 : P/L = 10/1 (E), P/L = 30/1 (F), P/L = 50/1 (G) ; lysozyme + polymère contrôle DD38 : P/L = 50/1 (H) ; lysozyme + polymère contrôle DD41 : P/L = 50/1 (I).

Les conjugués lysozyme-PNAM apparaissent divisés en plusieurs sous-populations correspondant à des protéines porteuses d’un nombre différent de chaînes polymères. Les taches correspondant aux sous-populations sont plus larges et moins bien résolues que celle du lysozyme natif. Ce phénomène vient du fait que les chaînes polymères utilisées, bien que caractérisées par une faible dispersité, sont constituées d’une distribution Gaussienne de masses molaires contrairement à la protéine. Le lysozyme possède 7 fonctions amines primaires (6 résidus lysines + l’extrémité N-terminale) soit autant de sites potentiels de couplage pour les chaînes polymères. Les gels obtenus semblent toutefois montrer que la grande majorité des conjugués lysozyme-PNAM ne portent pas plus de 5 chaînes polymères par protéine.

La proportion de lysozyme libre diminue avec l’augmentation du rapport P/L. Pour les rapports 10/1 (puits B et E), une grande quantité de lysozyme résiduel (estimé approximativement à la moitié de la quantité initiale) n’ayant pas réagi avec les polymères, est présente. Toutefois, pour ces mêmes échantillons, des conjugués lysozyme-PNAM porteurs de plus d’une chaîne polymère par protéine sont observés. Ceci suggère un effet coopératif qui privilégie le couplage de chaînes polymères sur des conjugués lysozyme-PNAM déjà formés plutôt que sur les protéines libres résiduelles. Ainsi, il semble que le nombre de chaînes polymères par protéine ne puisse pas être contrôlé simplement par l’ajustement de la stœchiométrie polymère/protéine. Pour les rapports 30/1, la tâche correspondant au lysozyme libre résiduel est très faible et elle n’est plus perceptible pour le rapport 50/1. Autrement dit, il faut de 30 à 50 fois plus de chaînes PNAM que de lysozyme pour que toutes les protéines soient fonctionnalisées par au moins une chaîne de PNAM.

Lysozyme libre Conjugués lysozyme-PNAM

Figure III-13 : Comparaison de l’efficacité de couplage des polymères PNAM-S-NAS (DD42 et DD65 ainsi que DD58 et DD65) sur le lysozyme à pH 7,4 sur gel SDS-PAGE.

A) Marqueurs protéiques standards (M), lysozyme natif (A), lysozyme + polymère DD65 : P/L = 10/1 (B), P/L = 30/1 (C), P/L = 50/1 (D) ; lysozyme + polymère contrôle DD52 : P/L = 50/1 (E) ; lysozyme + polymère DD42 : P/L = 10/1 (F), P/L = 30/1 (G), P/L = 50/1 (H) ; lysozyme + polymère contrôle DD38 : P/L = 50/1 (I).

B) Marqueurs protéiques standards (M), lysozyme natif (A), lysozyme + polymère DD65 : P/L = 50/1 (B) ; lysozyme + polymère DD58 : P/L = 50/1 (C).

En ce qui concerne la comparaison des PNAM de DPn 22 et 93 (Figure III-13, A), elle confirme tout d’abord les résultats obtenus pour le DPn 22 (puits F à I), ce qui permet de souligner la reproductibilité et donc la fiabilité des résultats obtenus et établit un point de comparaison entre les deux gels. Le composé PNAM-S-NAS de DPn 93 (DD65) a globalement le même comportement que les composés de DPn 22 et 31 (DD42 et DD53). Sa masse molaire plus élevée induit une meilleure séparation des différentes sous-populations de conjugués lysozyme-PNAM. Cependant, quel que soit le rapport P/L, il subsiste du lysozyme libre (même pour P/L = 50/1). Cette moins bonne efficacité de couplage de la part du polymère de DPn 93 (DD65) peut résulter soit d’un moindre taux de fonctionnalisation du polymère lors de la réaction thiol-ène (≈ 84%, cf. Chapitre III, II.1.4), soit d’un couplage plus difficile avec la protéine (problème d’accessibilité de l’extrémité de chaîne du polymère due à l’augmentation de sa masse molaire (cf. Chapitre III, II.1.4).

Pour compléter ces résultats, des essais ont été réalisés avec d’autres polymères PNAM-S-NAS de DPn 93 (DD58 et DD65 ont été préparés à partir du même PNAM dans des conditions identiques ; leurs analyses RMN 1H après purification donnent des spectres identiques). La comparaison de leur couplage sur le lysozyme (Figure III-13, B) donne toutefois des résultats différents, avec une disparition totale de la protéine libre pour DD58 (puits C). Pour DD65, il reste du lysozyme libre (Figure III-13, B, puits B) mais moins que dans le gel précédent (Figure III-13, A, puits D). Ceci souligne la variabilité de l’efficacité de couplage sur la protéine lorsque les chaînes polymères sont de Mn plus élevée (13 500 g.mol-1 pour DD58 et DD65), alors qu’une excellente reproductibilité était observée pour les petites chaînes (3 400 g.mol-1 (DD42) et 4 700 g.mol-1 (DD53)).

Les évaluations de couplage des PNAM-S-NAS sur le lysozyme présentent des résultats en très bon accord avec ceux obtenus lors d’études similaires avec des polymères P(PEGMA-

co-AN-co-RMA) et P(mPEGMA)156, 169. Pour ces derniers, la fonction ester activé a été introduite en extrémité α via l’utilisation d’amorceurs fonctionnels pendant la polymérisation (ATRP), méthode connue pour aboutir à des rendements de α-fonctionnalisation quantitatif (ou presque). Ce bon accord des

résultats de bio-conjugaison souligne encore davantage l’efficacité de la réaction thiol-ène pour l’introduction de la fonction ester activé sur l’extrémité ω des PNAM.

En conclusion, la réaction thiol-ène sur les échantillons PNAM et le couplage des PNAM-S-NAS qui en résultent avec le lysozyme s’avèrent très efficaces surtout pour les chaînes polymères de masse molaire inférieure à 10 000 g.mol-1. Lorsque Mn augmente le couplage avec le lysozyme devient moins reproductible. Les analyses par migration sur gel d’électrophorèse SDS-PAGE ont également mis en évidence que plusieurs chaînes de polymères (de 1 à 5) se couplaient par lysozyme et qu’il était difficile de contrôler le nombre moyen de chaînes polymères par protéine (ce dernier ne pouvant pas être simplement ajusté par une modification du rapport polymère/lysozyme).