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Chapitre IV- Couplage isotopie du nickel et spéciation solide

2. Résultats et Discussion

2.4. Lien entre spéciation solide, composition élémentaire et isotopie du Ni

Une analyse statistique associant les résultats des combinaisons linéaires des spectres XANES avec l’ensemble des autres données a permis d’identifier des variables corrélées et de regrouper quelques échantillons du profil entre eux plus finement.

La figure IV-8 présente les différentes variables élémentaire, isotopique et de spéciation solide, ainsi que les observations des échantillons du profil RC exprimés selon les composantes principales F1 et F2, expliquant à elles deux 68,56 % de la variance totale. Ces résultats permettent d’exprimer une corrélation entre MgO, CaO, δ60

Ni et % Ni-vermiculite, entre NiO et « % Ni-rich serpentine », entre Fe2O3, MnO et Cr2O3, entre %Ni-goethite et SiO2, ainsi qu’entre %NiO et « %Ni-poor serpentine ».

A partir de ces résultats, il est possible de définir de nouveaux sous-groupes entre les échantillons. Le premier sous-groupe comme identifié dans la zone I, est constitué de l’échantillon le plus profond, i.e. la roche mère (RC 27-28) avec une forte proportion de Ni associé aux serpentines pauvre en Ni (62%) et 8% à de l’olivine (Tab. IV-2). On peut également regrouper les échantillons RC 21-22, RC 23-24, RC 24-25 et RC 25-26, très influencés par leur signature isotopique lourde (de 0,49 ± 0,03 ‰ à 1,43 ± 0,03 ‰) par rapport aux autres échantillons du profil. La spéciation du Ni dans ce sous-groupe varie entre la goethite, la serpentine fortement substituée et la serpentine pauvre en Ni, avec une proportion toujours plus importante de Ni avec la serpentine riche en Ni. Le troisième sous-groupe est constitué des échantillons RC 18-19 et RC 19-20 au sein de la zone III avec une forte proportion de Ni dans laserpentine fortement substituée en Ni (83 et 86 %). Ces deux échantillons présentent également une signature isotopique très proche, respectivement 0,31 ± 0,03 ‰ et 0,23 ± 0,03 ‰, ainsi qu’une composition minéralogique particulière puisque ce sont les deux seuls échantillons présentant du talc. Les échantillons RC 15-16 et RC 16-17 peuvent aussi former un sous-groupe avec une composition élémentaire isotopique similaire et une spéciation solide identique dominée par la serpentine riche en Ni et la goethite. Ce résultat peut paraitre contradictoire avec les résultats de DRX et de microscopie électronique. Ceci est en partie dû au fait que nous n’avons pas analysé d’échantillon de référence de smectite trioctaédrique, possédant du Ni en couche octaédrique. Cependant, Dublet et al. (2012) ont montré que la serpentine riche en Ni pouvait être considérée dans les LCF comme un proxy du Ni incorporé dans les couches octaédriques des phyllosilicates trioactédriques, en

121 raison de la similitude des numéros atomiques des seconds voisins du Ni. De plus, le Ni échangeable dans les smectites, i.e. en position interfoliaire, n’intervient que très faiblement dans le signal XANES (et EXAFS), et ne peut pas être quantifié dans nos conditions d’analyse. Le dernier sous-groupe identifiable est celui composé de RC 0-1, RC 1-2, RC 3-4 et RC 8-9, différents selon leur composition élémentaire et isotopique, mais très proche en terme de spéciation solide du Ni (Tab. IV-2, Fig. IV-9).

Figure IV-8 : Analyses en composantes principales pour les échantillons du profil latéritique. La variance totale expliquée par F1 et F2 est de 68,56 %. (a) Biplot représentant les corrélations entre les variables mesurées (élémentaires, isotopie du Ni, spéciation solide du Ni), (b) diagramme représentant la position des observations (échantillons du profil) exprimée en fonction des deux composantes principales F1 et F2.Les sous-groupes définis dans le texte sont représentés par des cercles.

Comme l’ont montré les résultats d’ACP (Fig. IV-8), le rapport isotopique δ60

Ni est corrélé avec la teneur en % de Ni en lien avec la vermiculite, mais pour les autres phases porteuses de Ni, il n’existe aucune corrélation. Cette corrélation avec la vermiculite s’exprime par le brusque enrichissement d’isotopes lourds du Ni à partir de l’échantillon RC 23-24 (Fig. IV-9) et le changement de spéciation de Ni dans cette zone II.

Cependant, la faible variabilité des signatures isotopiques de la surface du log (RC 0-1) jusqu’à la zone III (RC 21-22), associée à la grande variabilité de spéciation solide (Ni-goethite, Ni-rich serpentine, Ni-poor serpentine,…) montre qu’il est très difficile d’établir un lien entre la spéciation solide et l’isotopie du Ni dans des échantillons possédant autant de phases porteuses de Ni (Fig. IV-9).

δ60Ni %NiO %Ni-Goethite %Ni-poor sp %Ni-rich sp %Ni-rich verm % olivine Fe2O3 MgO NiO Al2O3 SiO2 Cr2O3 CaO MnO -4 -2 0 2 4 -4 -2 0 2 4 F2 (2 9 ,6 0 % ) F1 (38,96 %) Variables (axes F1 et F2 : 68,56 %) a) RC0-1 RC1-2 RC3-4 RC8-9 RC15-16 RC16-17 RC17-18 RC18-19 RC19-20 RC21-22 RC23-24 RC24-25 RC25-26 RC27-28 -3.8 -2.8 -1.8 -0.8 0.2 1.2 2.2 3.2 4.2 -4 -3 -2 -1 0 1 2 3 4 F2 (2 9 ,6 0 % ) F1 (38,96 %) Observations (axes F1 et F2 : 68,56 %) b)

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Figure IV-9 : Evolution verticale a) des proportions relatives des phases porteuses de Ni définies par combinaisons linéaires de fit XANES et b) de la

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3. Conclusions

Les données géochimiques et minéralogiques du profil étudié ont montré qu’il existait des différences par rapport aux profils types d’altération des roches ultrabasiques d’études antérieures de la région de Barro Alto (Melfi et al., 1974 ; Trescases et al., 1981). Cinq unités ont été définies en couplant études minéralogiques et géochimiques. Les signatures isotopiques du Ni sont venues compléter ces données.

Ces différentes zones ont permis de montrer que la formation de ce profil était très complexe et multiphasique avec par exemple la mise en place d’une veine de chalcédoine de 9 m d’épaisseur au sein du profil pré-existant. Deux logs fournis par la compagnie Anglo American, provenant de la même zone, ont par la suite été analysés, confirmant la présence de cette veine dans cette partie du massif. Comme décrit dans la littérature, deux unités principales ont été dégagées dans ce profil, à savoir une zone latéritique dominée par les oxydes de Fe en surface et une zone saprolitique dominée par les phyllosilicates plus en profondeur (Fig. IV-10).

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Figure IV-10 : Vue schématique du profil latéritique étudié.

Deux zones d’enrichissement en NiO ont été identifiées. Ces zones d’enrichissement ont montré qu’elles possédaient chacune une spéciation du Ni différente avec une signature isotopique du Ni légère dans la zone III et lourde dans la zone II. Cependant il est très difficile d’identifier un lien univoque entre la spéciation du Ni et sa signature isotopique.

La possibilité d’un lien entre ces deux entités n’est pas exclue, mais il est nécessaire de travailler plus finement sur des phases pures afin d’affiner notre compréhension de la corrélation potentielle entre le δ60Ni et la spéciation solide du Ni.

Deux zones d’enrichissement en isotopes lourds du Ni sont également identifiées. La première se situe à la base du profil, comme on pouvait l’attendre aux regards des résultats sur la perte en isotope lourds du Ni lors des phénomènes d’altération. La seconde se trouve sur les bords de la veine, où le Ni mobile se retrouve dans les minéraux néofromés lors de la circulation de l’eau météoritique.

Dans ce chapitre, nous avons complété les résultats présentés dans le chapitre précédent, concernant le fractionnement isotopique du Ni au cours de l’altération de roches ultramafiques. Après avoir étudié un profil latéritique complet et mis en avant les différentes zones d’enrichissement en isotopes lourds ou léger du Ni en lien avec la minéralogie et la spéciation, le prochain chapitre s’intéresse à la partie supérieure manquante de ce profil, i.e. le sol, notamment à l’impact des plantes sur le cycle de surface du Ni.

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