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Chapitre V - Rôle des plantes dans le cyle biogéochimique du nickel

2. Résultats et Discussions

2.4. Les isotopes du Ni dans les plantes hyperaccumulatrices et tolérantes

Les valeurs de δ60

Ni de chaque plante et de ses différents compartiments sont rassemblées dans le tableau V-1. Dans la figure V-4, l’évolution de la signature isotopique du Ni du sol jusqu’aux parties aériennes est représentée pour chaque type de plante.

Dans le cas de Justicia lanstyakii, les valeurs de δ60Ni dans les racines varient de -0,47 ± 0,08 à 0,03 ± 0,11 ‰ (n=4), soit une gamme isotopique plus légère que le Ni-DTPA des sols correspondant (-0,30 ± 0,05 à 0,59 ± 0,08 ‰). Les tiges présentent des valeurs de δ60Ni allant de -0,44 ± 0,07 à -0,15 ± 0,09 ‰ (n=4), quand les feuilles présentent une gamme de valeur plus enrichie en isotopes lourds allant de -0.25 ± 0,07 à 0,16 ± 0,05 ‰ (n=4). Les

139 fleurs prélevées pour un seul spécimen possèdent une valeur de δ60Ni de –0,16 ± 0,08 ‰, soit dans la gamme des signatures isotopiques des tiges et des feuilles.

Les spécimens de Justicia lanstyakii ont tendance à présenter des feuilles plus riches en isotopes lourds que les tiges (Δ60Nistems-leaves = - 0, 24 ± 0,16 ‰), et les fleurs semblent également plus lourdes (Δ60Nistems-flowers = -0, 14 ± 0,11 ‰), mais ce dernier résultat est à prendre avec précaution puisqu’un seul échantillon de fleurs a pu être récolté. On ne constate pas de fractionnement isotopique entre les racines et les tiges (Δ60Niroots-stems = 0,02 ± 0,19 ‰) (Tab. V-2).

Pour Heliotropium aff. salicoides, les valeurs de δ60Ni dans les racines varient de -0,12 ± 0,05 à 0,43 ± 0,06 ‰ (n=5), soit une composition isotopique plus lourde que le Ni-DTPA des sols correspondant (-0,21 ± 0,05 à 0,05 ± 0,05 ‰). Les tiges présentent des valeurs de δ60

Ni allant de -0,36 ± 0,06 ‰ à 0,14 ± 0,08 ‰ (n=6), quand les feuilles présentent une gamme de valeur de δ60Ni plus petite allant de –0,13 ± 0,05 ‰ à 0,02 ± 0,10 ‰ (n=6). Les fleurs prélevées présentent une variabilité très importante dans leur composition isotopique avec des valeurs allant de -0,25 ± 0,05 ‰ à 0,49 ± 0,20 (n=5).

Les tiges semblent plus riches en isotopes légers par rapport aux racines (Δ60Niroots-stems = 0,17 ± 0,19 ‰), alors qu’un enrichissement en isotopes lourds vers les feuilles à partir de la tige semble exister (Δ60Nistems-leaves = -0,07 ± 0,12 ‰) pour Heliotropium aff. salicoide (Tab. V-2).

Les spécimens collectés de Cnidoscolus aff. urens ont montré que leurs racines présentaient des valeurs de δ60Ni de 0,55 ± 0,07 ‰ (n=2), enrichies en isotopes lourds par rapport au Ni-DTPA des sols correspondant (0,22 ± 0,12 ‰ à 0,34 ± 0,06 ‰). Les tiges possèdent une gamme de valeurs de δ60

Ni variant de 0,14 ± 0,05 ‰ à 0,63 ± 0,10 ‰ (n=3), quand le seul échantillon de feuilles de Cnidoscolus aff. urens présente une signature isotopique plus lourde que les tiges avec une valeur de 1,21 ± 0,05 ‰. Les valeurs de δ60Ni des fleurs varient entre 0,32 ± 0,09 ‰ et 0,47 ± 0,05 ‰.

Pour les spécimens de Cnidoscolus aff. urens, on observe un enrichissement des tiges en isotopes légers par rapport aux racines (Δ60Niroots-stems = 0,17 ± 0,14 ‰), ainsi qu’un enrichissement en isotopes lourds vers les feuilles à partir de la tige (Δ60Nistems-leaves = - 0,85 ± 0,25). Ici aussi, ce résultat est à prendre avec précaution puisqu’un seul échantillon de feuilles a pu être collecté.

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Figure V-4 : Composition isotopique moyenne du Ni : a) Justicia Lanstyakii, b) Heliotropium

aff. salicoides, c) Cnidoscolus aff. urens, d) Manihot sp, e) arbre non identifié. “n”

représente le nombre de spécimens collectés. La barre d’erreur est définie comme 1 SD.

-0.60 -0.10 0.40 δ60Ni (‰) Flowers (n = 1) a) Jus Leaves (n=4) Stems (n=4) Roots (n=4) DTPA (n=4) Soil (n=4) -0.40 -0.20 0.00 0.20 0.40 δ60Ni (‰) b) Hel Flowers (n = 5) Leaves (n=6) Stems (n=6) Roots (n=5) DTPA (n=6) Soil (n=6) -0.40 0.10 0.60 1.10 1.60 δ60Ni (‰) c) Cni Flowers (n = 2) Leaves (n=1) Stems (n=3) Roots (n=2) DTPA (n=2) Soil (n=2) -0.20 0.00 0.20 0.40 0.60 δ60Ni (‰) d) Man Flowers (n = 2) Leaves (n=4) Stems (n=4) Roots (n=3) DTPA (n=4) Soil (n=4) -0.40 -0.20 0.00 0.20 δ60Ni (‰) e) Arbre Leaves (n=2) Branches (n=2) Trunks (n=2) DTPA (n=2) Soil (n=2)

141 Dans le cas de Manihot sp, les valeurs de δ60Ni pour les racines varient de 0,04 ± 0,05 ‰ à 0,23 ± 0,05 ‰ (n=3). Les tiges possèdent une gamme de valeurs de δ60

Ni variant de 0,01 ± 0,10 ‰ à 0,45 ± 0,08 ‰ (n=4), quand les feuilles possèdent une gamme de valeurs de δ60

Ni plus lourde, de 0,37 ± 0,11 ‰ à 0,92 ± 0,06 ‰ (n=4). Les fleurs présentent des valeurs de δ60

Ni de 0,00 ± 0,09 ‰ et 0,23 ± 0,05 ‰. Les spécimens collectés de Manihot sp., montrent une tendance générale à l’enrichissement en isotopes lourds de la racine à la feuille (Δ60

Ni roots-leaves = -0,24 ± 0,11).

Pour l’arbre non identifié, les signatures isotopiques du Ni ont été mesurées pour le tronc, les branches et les feuilles de deux spécimens. Les valeurs de δ60Ni des troncs sont de -0,19 ± 0,06 ‰ et -0,18 ± 0,14 ‰, pour les branches, -0,10 ± 0,13 ‰ et -0,25 ± 0,07‰ et pour les feuilles, 0,13 ± 0,09 ‰ et -0,01 ± 0,12 ‰. L’arbre non identifié montre donc un enrichissement en isotopes lourds du tronc/branche vers les feuilles (Δ60Nistems-leaves = -0,23 ± 0,05).

Tableau V-2 : Δ60Ni (‰) calculé à partir de la moyenne des δ60

Ni pour chaque compartiment de chaque espèce. Jus : Justicia Lanstyakii, Hel: Heliotropium aff. salicoide, Cni: Cnidoscolus aff.

urens, Man: Manihot sp., Arbre : Arbre non identifié pour lequel la tige a été remplacée par la

branche pour les calculs de Δ60Ni . Les moyennes d’écart type sont calculées selon la formule : 𝟏

𝒏∑ 𝟐𝝈.

Plant Δ60Niroots-flowers Δ60Niroots-leaves Δ60Niroots-stems Δ60Nistems-leaves Δ60Nistems-flowers Δ60Nisoil-leaves Jus -0.12 ± 0.16 -0.22 ± 0.21 0.02 ± 0.19 -0.24 ± 0.16 -0.14 ± 0.11 -0.15 ± 0.14 Hel 0.08 ± 0.25 0.10 ± 0.14 0.17 ± 0.19 -0.07 ± 0.12 -0.09 ± 0.23 -0.09 ± 0.06 Cni 0.14 ± 0.07 -0.67 ± 0.02 0.17 ± 0.14 -0.85 ± 0.25 -0.03 ± 0.18 -1.05 ± 0.03 Man 0.04 ± 0.13 -0.24 ± 0.11 -0.04 ± 0.14 -0.20 ± 0.16 0.08 ± 0.18 -0.41 ± 0.12 Arbre / / / / / / -0.23 ± 0.05 / / -0.06 ± 0.12 Pour les plantes hyperaccumulatrices, il est très difficile d’identifier formellement un fractionnement isotopique durant la croissance de la plante, par la faible amplitude de valeurs isotopiques et la forte variabilité entre les spécimens (Fig. V-4). Cependant d’un point de vue global, les tendances observées pour les plantes hyperaccumulatrices de Ni de cette étude montrent que (1) les tiges sont plus enrichies en isotopes légers que les racines (0,02 ± 0,19 ‰

142 <Δ60Niroots-stems< 0,17 ± 0,14 ‰) (Tab. V-2), ainsi que (2) les feuilles sont plus enrichies en isotopes lourds que les tiges (-0, 85 ± 0,25 ‰ <Δ60Nistems-leaves< -0,07 ± 0,12 ‰).

Estrade et al. (2015) ont montré que des plantes hyperaccumulatrices de Ni collectées en contexte UB (Alyssum murale et A. bertolonii) ne présentaient pas de tendance isotopique dans les différents compartiments de la plante. Les grandes quantités de Ni transférées dans la plante annulent ou masquent un éventuel fractionnement isotopique (Estrade et al., 2015). Ces résultats, concernant des plantes hyperaccumulatrices prélevées in situ dans un contexte UB en Albanie, sont opposés à ceux obtenus pour des plantes hyperaccumulatrices cultivées en hydroponie, i.e. dans des conditions contrôlées, montrant un enrichissement en isotopes légers dans les parties aériennes (Deng et al., 2014).

Pour les plantes tolérantes de cette étude, la tendance à l’enrichissement en isotopes lourds dans les parties aériennes est en contradiction avec les résultats sur une autre plante tolérante (Euphorbia spinosa) montrant un enrichissement en isotopes légers des racines vers les feuilles (Estrade et al., 2015). Toutefois, Deng et al. (2014) ont montré que les parties aériennes Thlaspi arvense, une autre plante tolérante étaient enrichies en isotopes lourds, ce qui est en accord avec nos résultats.