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Le lien entre le développement socio-économique et la baisse du taux de natalité, et le

CHAPITRE 3 – Le droit à l’autodétermination politique

3.2 Le contrôle du destin politique d’un peuple

3.2.2 Le lien entre le développement socio-économique et la baisse du taux de natalité, et le

La première réponse qu’il est possible de donner à l’argument de la surpopulation invoqué par Miller pour défendre le droit d’exclure de l’État dans le domaine migratoire est de souligner, comme le font notamment Howard Chang, Geert Demuijnck, Amartya Sen et Peter Singer, que les économistes s’entendent généralement pour dire qu’il existe une corrélation entre le développement socio-économique d’un pays et la baisse de son taux de natalité131. Comme

l’expliquent ces auteurs, en règle générale, le développement socio-économique d’un pays s’accompagne éventuellement de la hausse du niveau de vie de ses habitant.e.s, ainsi que de l’amélioration de leur accès à la santé, à l’éducation et à des moyens de contraception, tendant ainsi à faire baisse le taux de natalité de ce pays. Or, advenant l’ouverture des frontières, davantage de migrant.e.s auraient non seulement la chance d’améliorer leurs conditions socio- économiques, mais également d’envoyer des fonds à leur famille et de contribuer ainsi indirectement au développement socio-économique de leur pays d’origine. Ainsi, Chang et Demuijnck affirment que l’ouverture des frontières aurait davantage l’effet de freiner que d’augmenter le taux de natalité à long terme dans les pays pauvres.

131 Chang (2008, p. 22 (note 127)); Demuijnck (2007, p. 77 (note 30)); Sen (1999, chapitres 8-9); Singer (2016, p.

Ici, Miller pourrait répondre qu’il est d’accord avec nous au sujet du lien entre le développement socio-économique d’un pays et la baisse de son taux de natalité, mais que cela ne fait que confirmer les conséquences environnementales néfastes qu’il associe à l’ouverture des frontières. En effet, il soutient qu’une hausse du niveau de vie des habitant.e.s des pays pauvres, que nous devrions non seulement prévoir, mais également accueillir avec joie, s’accompagnerait également d’une hausse de la consommation des ressources et des émissions de gaz à effet de serre132. Répondant à l’avance à l’objection selon laquelle cela montre que les problèmes

environnementaux auxquels nous faisons et ferons de plus en plus face sont principalement liés à notre mode de vie et que c’est surtout celui-ci que nous devrions changer, Miller affirme :

Perhaps we should. But this, it seems to me, is a matter for political decision: members of a territorial community have the right to decide whether to restrict their numbers, or to live in a more ecologically and humanly sound way, or to do neither and bear the costs of a high-consumption, high-mobility lifestyle in a crowded territory133.

Il ajoute, dans un autre de ses ouvrages : « until that happens, migration is likely to be bad news for the planet overall even if it does reduce the incentive, on the part of migrants, to have large families »134. Ainsi, malgré le fait qu’il reconnaisse l’importance de la question

environnementale pour la planète, le dernier scénario que Miller décrit dans le passage de son article de 2005 cité ci-dessus semble montrer que cette question cruciale peut selon lui recevoir l’importance que chaque communauté politique veut bien lui donner. De plus, comme le montre le passage de son livre de 2016 que nous avons cité dans ce paragraphe, il affirme que tant que la question environnementale ne sera pas traitée avec plus de sérieux, l’immigration continuera d’engendrer des effets néfastes sur l’environnement.

Cela nous mène à la deuxième réponse qu’il est possible de donner à l’argument de la surpopulation en faveur du droit d’exclure de l’État dans le domaine migratoire. Nous tenons en fait à souligner deux choses. Premièrement, Miller sous-estime l’importance des externalités environnementales négatives qui peuvent découler de l’autodétermination des peuples qui

132 Miller (2005, p. 201); Miller (2016b, p. 66). 133 Miller (2005, p. 202).

choisissent de ne pas prendre la question environnementale au sérieux. En effet, comme le réchauffement climatique a des effets mondiaux, il nous semble difficile d’affirmer qu’une communauté politique puisse choisir de maintenir un mode de vie problématique pour l’environnement, sous prétexte qu’elle en assumera seule les coûts. C’est que, même s’il est plausible d’affirmer qu’une communauté politique est celle qui assume la majeure partie des coûts associés à l’ensemble de ses politiques publiques, dont ses politiques environnementales, il nous semble que, comme celles-ci peuvent également imposer des coûts pour la planète, la question environnementale devrait imposer certaines limites à l’autodétermination des peuples. Deuxièmement, il nous semble que Miller effectue une mise en balance des intérêts en cause qui manque d’équité. En effet, il nous semble que l’intérêt qu’ont les migrant.e.s d’améliorer leurs conditions socio-économiques en immigrant dans un pays riche ne devrait pas être aussi lourdement contrebalancé par l’intérêt des habitant.e.s des pays riches de conserver un mode de vie problématique pour l’environnement. Ainsi, étant donné que, selon nous, la question environnementale devrait imposer des limites à l’autodétermination politique des peuples et que les migrant.e.s ne devraient pas avoir à sacrifier leurs chances d’améliorer leur sort au nom du mode de vie problématique pour l’environnement des habitant.e.s des pays riches, il nous semble que l’ouverture des frontières permettrait une mise en balance plus juste des intérêts des habitant.e.s des pays riches et de ceux des migrant.e.s issu.e.s de pays pauvres.

3.2.3 L’importance des envois de fonds et la possibilité de combattre la fuite