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4 Protéines de la touffe ciliaire

4.2 Protéines Usher1

4.2.3 Lien apical

Le lien apical mature est formé par un complexe de Cadhérine-23 et de

Protocadhérine-15 CD2 170. In vitro, les parties extracellulaires des deux protéines forment

des homodimères sur l’ensemble de leur longueur. La dimérisation est confirmée dans les touffes ciliaires, où il n’est pas rare d’observer un lien apical se séparant en deux avant le

point d’insertion membranaire 168. Les deux protéines homodimériques interagissent par leurs

premiers domaines cadhérines répétés (Figure 27 A), formant un filament extracellulaire d’environ 180 nm. Même dans les touffes ciliaires aux repos, le lien apical est sous tension, comme en témoigne la déformation de la membrane au niveau du point d’ancrage inférieur (Figure 27 C D).

Figure 27 : Structure du lien apical. A Schéma montrant l’organisation en domaine de la Cadhérine-23 et de la Protocadhérine-15, formant le lien apical. B Structures connues des domaines cadhérines répétés de la Protocadhérine-15 reportées sur un schéma de lien apical. C structure des domaines répétés 8 à 10 de la Protocadhérine-15 (pdb :4XHZ). D Structure de complexe formé par les domaines répétés 1 et 2 de la Protocadhérine-15 et de la Cadhérine-23 (pdb :4AQ8). Figures adaptées de Sotomayor et al.171 et de Araya-Secchi et al. 169.

Les deux premiers domaines cadhérine répétés de chaque protéine forment un

complexe dont la structure a été résolue par cristallographie (Figure 27 D) 171. L’interaction

est classique pour un couple de cadhérine, en “poignée de main”, c’est à dire avec le premier domaine d’une protéine se logeant dans l’espace formé entre les deux domaines répétés de la

seconde, et vice-versa. Ce complexe forme une grande surface d’interaction (>1000 !2) avec

une affinité de l’ordre du micromolaire. Les structures montrent une interaction entre monomère de chaque protéine, inconsistantes avec des homodimères. Les auteurs proposent

que les derniers domaines EC de chaque protéine n’homodimèrisent pas, séparant les deux protomères au niveau du point d’interaction entre Cadhérine-23/Protocadhérine-15, où celles-ci formeraient deux complexes indépendants, multipliant ainsi l’affinité. Par dynamique moléculaire, les auteurs montrent que la résistance de ce complexe aux tensions est compatible avec la tension subie par le lien apical lors de la déflection des stéréocils 171.

Les études biophysiques de la machinerie de mécano-transduction ont montré que le

système nécessite un ressort moléculaire entre le lien apical et le canal mécanosensible 29. Le

lien apical fait lui-même office de ressort dans le système 169,172. Certains domaines répétés de

la Protocadhérine-15 n’ont pas de sites de liaison inter-domaine au Ca2+, augmentant la liberté

conformationnelle de ces régions. Notamment, la répétition 9-10 de la Protocadhérine-15, proche du segment transmembranaire, ne fixe pas le calcium et adopte une conformation non étendue en solution (Figure 27 B C). Les modélisations d’application de force en dynamique moléculaire indiquent que la force nécessaire pour étendre la conformation de ce segment est supérieure à la tension de repos appliquée au lien apical. Le mouvement du stéréocil induirait donc une extension de cette région qui agirait comme un ressort avec une amplitude de 5 nm. La résistance de ce ressort est cependant supérieure à celle mesurée sur les touffes ciliaires, il est donc complété par un autre mécanisme encore inconnu. Enfin, la longueur du lien mesurée pour une touffe ciliaire complétement défléchie est proche de 200 nm, soit 20 nm plus grande que la longueur du lien apical au repos. Il est donc probable que certains domaines cadhérine se déplient complétement sous une forte tension.

4.2.4 Myosine-7a (USH1B – DFNA11 – DFNB2)

La Myosine-7a est une myosine non-conventionnelle de 2215 résidus, faisant partie du groupe des MyTH4-FERM. En son N-terminal, elle contient un domaine moteur responsable de la liaison à l’actine et du mouvement le long de celle-ci. Cette partie effectrice est suivie d’un “bras” formé d’une succession de cinq motifs de liaison à la calmoduline IQ répétés, formant chacun une hélice amphiphile de sept tours. Cette région sépare le domaine moteur de sa région d’interaction avec le cargo. Dans la Myosine-7a, la répétition de motifs IQ est directement suivie d’un motif SAH, un autre type d’hélice isolée stable. La succession d’hélices isolées crée un bras rigide d’environ 28 nm entre le moteur et les domaines suivants 173. A la différence des myosines classiques, la partie C-terminale de la protéine n’est pas constituée d’une région coiled-coil de dimérisation mais par deux couples de domaines

MyTh4/FERM d’interaction avec les protéines partenaires, séparés par un domaine SH3 174. C’est la seule protéine Usher ne possédant pas de PBM C-terminal.

Isolée en solution, la Myosine-7a est monomérique, elle ne peut donc pas se déplacer le long de l’actine dans ces conditions. De plus, sa cinétique de libération de l’ADP est

particulièrement lente, favorisant l’interaction longue de la protéine avec l’actine 175. De part

ces deux caractéristiques, la fonction proposée de la Myosine-7a est un rôle d’ancrage moléculaire, notamment au niveau du point supérieur d’insertion du lien apical, comme nous le verrons dans la partie 4.2.8. La dimérisation de la Myosine-7a lui permet de se déplacer le

long de l’actine 175. Son déplacement, et celui d’autres Myosines MyTh4/FERM, sont

contrôlés par l’interaction avec un partenaire cargo qui induit leur dimérisation 174,176. Cette

capacité particulière pourrait être essentielle pour la bonne localisation des différents complexes le long des stéréocils.

Dans les stéréocils, la Myosine-7a interagit avec SANS, l’Harmonine, PDZD7 et la Whirline. Elle a un rôle essentiel dans l’adaptation lente et dans la localisation des protéines cytoplasmiques des liens basaux 177–179.

4.2.5 SANS (USH1G)

SANS est une petite protéine d’échafaudage de 460 acide aminés. Elle contient en son N-terminal, trois domaines ankyrine répétés dont la fonction est inconnue. Le centre de la protéine est à priori non-structuré sur 250 acides aminés contenant plusieurs motifs linéaires d’interaction 180. La protéine possède un domaine SAM, domaine globulaire de 70 résidus

formé par cinq hélices α, suivi directement par un PBM de type 1 (-DTEL) 181. Les domaines

SAM sont connus pour oligomériser en solution, et pour interagir avec d’autres domaines protéiques. In vitro, le domaine SAM de SANS oligomérise, mais cette tendance n’a pas été confirmée in vivo 71.

SANS est une protéine pivot dans l’organisation des complexes sous-membranaires impliqués dans la structure et la fonction des touffes ciliaires et des photorécepteurs. Elle interagit avec la majorité des protéines Usher1 et Usher2. Dans les stéréocils matures, SANS se localise à l’apex des stéréocils de la petite et moyenne rangée où elle entre probablement en jeu dans les complexes de la mécano-transduction au point inférieur d’ancrage et au point

supérieur d’ancrage du lien apical pour l’adaptation lente 182. SANS est aussi impliquée dans

la localisation du complexe des liens basaux pendant le développement 179. Dans les

protéines Usher1 45 et dans le cil connecteur, au niveau de la localisation des protéines Usher2 183.

4.2.6 Harmonine

L’Harmonine est une protéine d’échafaudage de 910 résidus comprenant plusieurs

domaines d’interaction protéine-protéine 184. Elle est très étudiée structuralement. En son

N-terminal, l’Harmonine contient un domaine HHD 64 suivi par un premier domaine PDZ,

possédant une extension C-terminale structurée en épingle-ß. Séparé par un lien peptidique de 20 résidus, suit le deuxième PDZ. Ce domaine PDZ possède lui aussi une extension C-terminale, mais formée, elle, par deux tours d’hélice α, en interaction avec les brins ß2-ß3 du domaine. Suivent deux régions coiled-coil de structure et de fonction inconnues et d’une

grande région riche en Proline-Sérine-Thréonine de fixation à l’actine 166. En C-terminal, se

situe le troisième domaine PDZ directement suivi d’un PBM de type 1 (-LTFF).

L’Harmonine est exprimée en trois isoformes : l’isoforme-b correspond à la protéine entière décrite dans le paragraphe précédent ; l’isoforme-a ne contient pas la région PST et le second coiled-coil ; et enfin l’isoforme-c est tronquée après le PDZ2 (Figure 25). Dans les touffes ciliaires matures, l’isoforme b est spécifiquement localisée au niveau du point

supérieur d’ancrage du lien apical 185. Pendant le développement, l’Harmonine, sans précision

d’isoforme, est localisée tout le long des stéréocils.

En plus de son rôle dans la rétine et la cochlée, l’Harmonine est un élément d’échafaudage important des microvillosités de l’épithélium intestinal. Dans ce système, l’Harmonine est au centre d’une interaction formée par des protéines similaires aux protéines Usher1 : deux protéines de jonction extracellulaire assimilées à des cadhérines (CdhR2, CdhR5), un paralogue de SANS (Anks4b) et un paralogue de la Myosine-7a (Myosine-7b).

Le complexe ainsi formé est identique au complexe Usher1 186.