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3 Domaines d’interaction des protéines Usher

3.2 Complexité des assemblages moléculaires de la cellule

3.4.3 Modulation de l’interaction des PDZ

3.4.3.1 Chemins énergétiques dans les domaines PDZ

Les domaines PDZ subissent de très faibles variations de structure lors de la liaison de leurs ligands. Néanmoins, il est apparu que le site de liaison de certains PDZ pouvait être énergétiquement lié à des régions distales, selon le modèle d’allostérie des domaines isolés de Smock et Gierasch 125 (Figure 21). Très tôt, des études de coévolutions des résidus de domaine PDZ ont montré des couplages entre certains résidus, formant des chemins au travers la structure des domaines 126. Des années plus tard, ces travaux amèneront les auteurs à proposer la définition de “secteurs” comme des chemins conservés dans les familles de repliement, et capables de transmettre de l’information au travers des domaines 127. En parallèle, de nombreux travaux ont montré que l’interaction d’un PBM pouvait propager une modification de la dynamique des chaines latérales de résidus depuis le site de liaison jusqu’à des régions distales du domaine, le chemin suivi correspondant au “secteur” décrit par l’étude

de coévolution 128,129. La réversibilité de ces chemins d’information a été observée à plusieurs

reprises en évaluant l’impact de mutation dans les régions distales sur l’affinité des domaines PDZ 130,131. Ces voies “allostériques” permettent une modulation de l’affinité des domaines

PDZ pour leurs ligands, par exemple par l’interaction non-canonique de structures additionnelles (extensions ou domaines) sur des régions éloignées du site actif. Ces cas seront présentés dans les parties suivantes.

Figure 21 : Chemin énergétique conservé des domaines PDZ : (A) chemin déterminé par l’étude de coévolution (adaptée de Lockless et

al. 1999126). (B) chemin de

perturbation dynamique propagée depuis le site actif à des surfaces éloignées sur le PDZ2 de PTP1-BL (adaptée de Fuentes et al. 2004).

3.4.3.2 Extensions

Dans les premières années suivant leurs découvertes, les domaines PDZ ont été étudiés par l’approche traditionnelle de biologie structurale consistant à “diviser pour mieux régner”, soit délimiter les domaines PDZ de la façon la plus stricte, notamment afin d’éviter les extrémités flexibles pouvant compromettre la cristallisation. Dans le cas spécifique des domaines PDZ, cette approche a été délétère, notamment avec la délimitation tronquée en N-terminal de l’ensemble des domaines PDZ dans certaines bases de données d’architecture modulaire tel que SMART.

Il apparaît maintenant clair qu’une grande partie des domaines PDZ possède des extensions structurées à leurs extrémités. En considérant 50 résidus supplémentaires aux deux extrémités du repliement canonique, environ 40% des domaines PDZ humains possèdent au

moins une région prédite comme ordonnée et comme possédant des structures secondaires 132.

Ces extensions ont différents rôles, sur la stabilité ou les affinités du domaine considéré. Malgré la présence fréquente d’extensions aux domaines PDZ, il existe peu de descriptions documentées de leur impact sur l’affinité. Le PDZ3 de PSD95 possède une hélice

additionnelle en son C-terminal, trois résidus après le dernier brin du domaine133. Cette hélice

additionnelle réduit la dynamique rapide (ns à !s) des chaines latérales des résidus de

l’ensemble du domaine sans modifier sa structure (Figure 22 B). Cette diminution de la dynamique interne du domaine réduit le coût entropique de l’interaction avec le PBM de CRIPT, améliorant ainsi l’affinité d’un facteur 25. Une étude suivante a remis en cause la nature purement entropique de ce gain en démontrant que certains résidus en amont de motif

canonique du partenaire était capable d’interagir directement avec l’extension hélicale92. Cette

interaction stabilisatrice entre le domaine PDZ et son extension peut être rompue par la phosphorylation d’une tyrosine de l’hélice localisée à l’interface. Cette phosphorylation permettrait donc de moduler l’affinité du domaine pour son ligand par découplage de son

extension134. De façon relativement similaire, le deuxième PDZ de NHERF1 possède une

extension C-terminale formée de deux hélices interagissant directement avec le domaine. Cette interaction favorise le repliement de celui-ci et réduit le coût entropique de la liaison au peptide partenaire 135 sans interaction directe avec le partenaire (Figure 22 B). Le premier PDZ de la protéine MAGI1 possède une extension C-terminale se rigidifiant lors de l’interaction avec le PBM de la protéine virale HPV E6 et pourrait ainsi avoir un rôle

important dans le cycle cellulaire du papillomavirus 136,137. Un exemple plus original concerne

l’interaction du PDZ de la protéine Shank3 avec SAPAP3 (Figure 22 C). Dans ce cas, le domaine PDZ possède une épingle ß composée de six résidus en amont de son premier brin. Le peptide PBM SAPAP3 interagit de façon classique avec le premier protomère de Shank3, mais la région amont du ligand forme un feuillet ß intermoléculaire avec l’épingle ß d’un second protomère de Shank3, augmentant l’affinité d’un facteur 100 et formant ainsi un

dimère entrecroisé dans le complexe 93.

Un sous-groupe de domaines PDZ possède des brins ß2-ß3 ou une boucle ß2-ß3 particulièrement allongés pouvant être considérés comme extensions. On retrouve notamment les PDZ des familles MAST84,119, des Par138 des Shank117 ainsi que PICK1139 et SNX27140. Malgré les différences structurales des extensions, dans de nombreux exemples, la région additionnelle comporte une surface supplémentaire d’interaction avec le ligand. Dans les cas de Par-3138, MAST284 et PICK1107, une région hydrophobe à la surface des brins ß2 et ß3 permet l’interaction avec un résidu aromatique localisé entre les positions p(-11) et p(-5) du partenaire (Figure 22 A). Ce point d’ancrage distal du site canonique améliore l’avidité des

ligands comportant un tel résidu, pour le domaine PDZ91. Dans le cas de Shank1, une poche

hydrophobe se forme par la grande boucle structurée ß2/ß3 qui interagit avec la chaine

latérale du tryptophane p(-5) du partenaire ßPix141 (Figure 22 A). Un autre cas d’interaction

non-canonique de la région ß2-ß3 est illustré avec le domaine PDZ de l’Erbin. Dans ce cas, l’interaction entre ce domaine et le C-terminal de la protéine partenaire est contrôlée par une tyrosine phosphorylable en p(-7). La tyrosine se loge dans une poche supplémentaire formée par la longue boucle ß2/ß3. La phosphorylation de cette tyrosine abolit l’interaction dans cette

Figure 22 : Extensions des domaines PDZ. En gris est représenté le domaine PDZ canonique, en vert les extensions et en rouge le ligand. Certains résidus d’importance, discutés dans le texte, sont représentés en bâtonnets. (A1) Extension des brins ß2 et ß3 amenant à un second point d’ancrage en p(-11) du peptide dans le complexe formé par le domaine PDZ de MAST2 et la protéine G du virus de la Rage (pdb : 2KQF). (A2) Extension de la boucle ß2/ß3 du domaine PDZ de Shank1 en interaction avec le tryptophane p(-5) du C-terminal de ßPIX (pdb : 3L4F). (B1) Extension C-terminale du domaine PDZ3 de PSD-95 formant une hélice interagissant avec le domaine PDZ par une Tyrosine phosphorylable et interagissant avec un peptide synthétique (pdb : 5D13). (B2) Extension C-terminale du second PDZ de NHERF1 stabilisant le domaine et permettant l’interaction avec le ligand CFTR (pdb :2M0V). (C) Extension N-terminale formant une épingle ß du domaine PDZ de Shank3. L’extension crée une dimérisation croisée des complexes Shank3/SAPAP (pdb : 5IZU)

Plusieurs domaines PDZ avec extension ont été identifiés, leurs structures ont parfois été résolues avec ou sans ligand. Néanmoins, leur rôle n’est pas bien identifié et mérite d’être

étudié en détail76. Des extensions sont également connues pour stabiliser les interactions avec

d’autres domaines permettant de former des complexes supramodulaires, nous les présenterons aux cours des deux prochaines parties.