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Libre circulation

Dans le document RAA SPECIAL N°3 - JANVIER 2022 (Page 72-75)

Chapitre 3 : Bilan par espèce

3.1 GRANDE ALOSE

3.1.6 Libre circulation

A - Montaison

Un certain nombre de grands barrages hydroélectriques situés sur la partie amont des deux bassins Garonne-Dordogne limite les possibilités de remontée sur les principaux axes migratoires (Sablier sur la Dordogne, Hautefage sur la Maronne, Brugales sur la Cère, Saillant sur la Vézère, Le Temple sur le Lot, Labarre sur l’Ariège, Carbonne sur la Garonne…). Mais ces barrages se situent en amont ou en limite des secteurs thermiquement favorables à l’alose. La présence de ces barrages ne paraît donc pas constituer un préjudice important pour l’espèce.

Par contre, d’autres d’obstacles érigés sur les parties plus aval, tous équipés de dispositifs de franchissement, sont susceptibles d’exercer des impacts importants sur la population en ralentissant la migration ou en empêchant tout ou partie de la population de passer à l’amont. Sur la Dordogne, il s’agit en particulier des 3 barrages du Bergeracois (Bergerac, Tuilières et Mauzac) qui, annuellement depuis 2009, n’ont permis qu’à moins de 1% des géniteurs de poursuivre leur migration vers l’amont.

Sur la Garonne, l’ouvrage de Golfech-Malause semble également exercer un impact important sur la migration de l’espèce, 20% à 30% seulement du stock reproducteur parvenant à passer à l’amont. Le fait que les principales frayères soient toutes positionnées à l’aval immédiat de ces ouvrages, confirme les importants problèmes de libre circulation posés par ces obstacles. L’ouverture d’une deuxième entrée à l’ascenseur de Golfech en 2011 a permis d’améliorer la libre circulation, l’aménagement du barrage de Malause en 2021 sera une étape de plus en faveur de la continuité. A ce stade, on n’observe pas une remontée plus importante vers les frayères amont. Les faibles effectifs et les conditions hydro climatiques pourraient également entrer en jeux pour le «choix des frayères». L’effet bloquant a été confirmé sur le barrage de Tuilières à la suite de sa rupture en 2006, car durant les 3 années de sa reconstruction, aucune activité de reproduction n’a été enregistrée sur les deux frayères situées à l’aval immédiat, alors que celles-ci sont habituellement parmi les plus fréquentées. Le barrage de Mauzac sur la Dordogne a été équipé récemment d’une deuxième passe à poissons en rive droite complétant les possibilités de franchissement pour la partie de cours d’eau court-circuité.

De nombreux territoires potentiellement intéressants pour l’espèce sont encore inaccessibles en raison du non équipement des obstacles ou de passes peu performantes. Il s’agit notamment de la Dronne jusqu’à La Roche Chalais, du Lot jusqu’au Temple.

Certains axes, en raison du nombre très important d’obstacles, semblent difficiles voire impossibles à reconquérir. Il s’agit par exemple de l’Isle en amont de Laubardemont, du Lot en amont du Temple ou du Tarn en amont de Montauban.

Les interrogations se posent depuis plusieurs années sur l’impact du développement des populations de silures et sur les phénomènes de rassemblement au pied d’un certain nombre de dispositifs de franchissement. Depuis 2010, une prédation par le silure est observé dans les systèmes de franchissement, notamment au niveau du canal de transfert de Golfech. Des mesures adaptées ont été mises en place dès 2013 pour limiter cet impact non négligeable sur les populations d’aloses déjà très fragiles. Aujourd’hui, avec la mise en place d’un système anti retour à la sortir su canal de transfert et sa vidange quotidienne, la prédation a été considérablement réduite. Sur la Dordogne depuis le printemps 2012, une étude est menée par EPIDOR, visant à améliorer les connaissances sur l’espèce (répartition, caractéristiques de la population, comportements, déplacements, habitats, régime alimentaire, impact sur les poissons migrateurs, …). Une étude complémentaire a été réalisée sur la partie basse des fleuves par l’IMA.

En 2018 et 2019, l’IMA a réalisé une pêche expérimentale aux verveux de régulation des silures à l’aval de Golfech, dans le canal de fuite. Environ 300 silures ont été extraits en 2019 avec une majorité d’aloses dans les contenus stomacaux.

En 2019, l’étude de prédation sur les bulls dans le canal de fuite montre un taux d’attaque important des bulls avec un ciblage des silures sur l’attaque du bull, lorsque les géniteurs sont les plus vulnérables.

Sur la Charente, des silures ont aussi été observés régulièrement dans la passe à poissons de Crouin. Présents surtout entre avril et juillet, leurs nombres enregistrés à la vidéo ont variés de 4 à 113 par an entre 2010 et 2019.

Les barrages sur l’axe Charente (seuils déversants et chaussées de moulin) sont équipés de vannes déversantes à clapets et/ou de vannes de fond wagon. Les états de fonctionnement sont divers, allant d’ouvrages récents en bon état, surtout à l’aval du fleuve, aux vieux seuils délabrés, parfois non déversants en raison de larges brèches ou de percolations multiples dans la partie en amont d’Angoulême.

La circulation des flux de migrateurs est extrêmement perturbée par l’effet cumulatif de ces obstacles qui peuvent être effacés partiellement durant certaines crues printanières facilitant alors la montée des aloses. Un calcul des hauteurs de chutes cumulatives des obstacles à l’étiage en Charente, comparées au dénivelé naturel, permet de mettre en relief les facteurs d’altérations de la libre circulation le long du linéaire couvert par les frayères actives (Saint-Savinien – Montignac). Le cours aval, de l’estuaire jusqu’à Crouin (aval Cognac) supporte 3 barrages : le taux d’étagement, caractérisé par différence entre le dénivelé naturel et le dénivelé artificiel (chute au barrage), est de 65%. Le cours moyen fortement canalisé, dans la partie allant de Bagnolet jusqu’à St Cybard, renferme 18 barrages sur 160 km de cours d’eau. Sur ce tronçon le taux d’étagement est de 97%. Plus globalement sur ces 187 km, le taux d’étagement est de 80% en raison d’une relative amélioration du parcours libre entre Chalonne et le Moulin de Montignac où le fleuve retrouve un peu son faciès naturel (48% d’étagement sur cette partie).

L’altération des voies de migration est donc particulièrement forte sur le secteur canalisé allant de Crouin à Angoulême. Ces résultats bruts soulignent également, en plus des impacts liés aux difficultés évidentes de franchissement en montaison ou en dévalaison des diverses espèces de migrateurs, l’altération du cours d’eau en terme de capacité de production liée aux effets aggravants d’un réchauffement sur la qualité de l’eau en parcours artificialisé et lentique.

Suivi du front de migration de la grande alose dans le bassin la Charente (source : tableau de bord migrateur Charente) B - Dévalaison

Cette question concerne essentiellement les juvéniles cherchant à rejoindre l’océan, la très grande majorité des géniteurs mourant après le frai. Du fait de leur faible taille, les alosons sont a priori assez peu sensibles aux installations hydroélectriques, les mortalités lors de leur passage à travers les turbines étant inférieures à celles d’autres espèces comme les juvéniles de saumon atlantique.

Une question particulière reste en suspens quant au possible piégeage des alosons dévalant dans les puits anti vortex du barrage de Golfech. Ce sujet, qui a priori n’a pas connu d’évolution récente, n’a pu être étudié plus précisément, en effet, depuis 2008, du fait du faible nombre de géniteurs frayant à l’amont de Golfech, le nombre d’alosons dévalant est trop faible pour pouvoir être observé dans les puits de Golfech.

Les suivis réalisés dans le cadre des lâchers expérimentaux de larves de grande alose permettent d’avoir des informations sur les périodes de dévalaison. On observe ainsi que 30 à 40 km en aval des principales frayères de la Garonne et de la Dordogne on observe des alosons dès la fin juillet avec un pic en septembre et une fin en octobre. Le débit ne semble pas être un facteur primordial dans la dévalaison.

Une question importante concerne la barrière chimique que pourrait constituer le bouchon vaseux vis-à-vis de la survie des alosons dévalants (voir chapitre 3.1.5-C habitats).

Dans l’estuaire de la Gironde, des mortalités importantes d’alosons ont pu être observées, dans la prise d’eau de la centrale nucléaire du Blayais, lors d’une étude menée au début des années 1990. Cette évaluation nécessitait d’être confirmée par des opérations spécifiques et en tenant

compte des suivis réalisés de façon périodique par l’exploitant. Les dernières études révèlent des mortalités d’alosons de l’ordre de 9,8 tonnes par an, avec une indétermination relative à l’espèce de sorte que les résultats ne peuvent pas être totalement imputables à la grande alose.

Estimation des mortalités annuelles provoqués par les pompages de la centrale nucléaire du Blayais sur les stades alosons

Espèce Quantité piégée (t/an)

Grande alose (Alosa alosa) 0,1

Alose feinte (Alosa fallax) 0,9

Alose indéterminée (Alosa sp) 8,8

Dans le document RAA SPECIAL N°3 - JANVIER 2022 (Page 72-75)