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Les libertés fondamentales du Traité CE

345 Sur ce point, infra, § 384 et suiv. 346

Point 30 de l’Exposé des motifs. 347Sur cette question, infra, § 395 et suiv.

105. Le contrôle limité de la loi désignée par la règle de conflit de lois

-L’article 27 du Règlement Rome II vise également les libertés de circulation contenues

dans les articles 28, 43 et 49 du Traité CE. Malgré les incertitudes d’origine

348

, il est

depuis longtemps admis que ces dispositions de droit communautaire primaire n’ont pas

d’influence sur la règle de conflit de lois elle-même, mais sur la loi désignée par le

critère de rattachement

349

. La mise en œuvre du critère de rattachement ne conduisant

pas à l’application de la loi du pays d’origine ne constitue donc pas nécessairement une

entrave à une liberté fondamentale prévue par le Traité CE. Les textes de droit

communautaire dérivé adoptés sur le fondement de l’article 95 du Traité CE en vue de

rapprocher les législations nationales dans certains domaines relevant de la protection

contre la concurrence déloyale

350

participent également à la réalisation et au bon

fonctionnement du marché intérieur. Il s’agit d’une manière complémentaire de réguler

la diversité des législations nationales en matière de concurrence déloyale lorsque

l’intérêt communautaire est en jeu. La mise en œuvre de l’article 27 du Règlement Rome

II peut en effet être différente selon qu’il existe ou non une règlementation commune

351

.

La conciliation des intérêts nationaux et de l’intérêt communautaire en matière de

concurrence déloyale devrait alors être distinguée selon que la matière en cause fait ou

non l’objet d’une règlementation commune, puis, le cas échéant, selon le degré

d’intégration imposé par le droit communautaire dérivé.

106.- L’incidence de l’article 27 est importante dans le domaine des obligations

non contractuelles car il réintroduit le contrôle du caractère d’entrave de la loi désignée

par la règle de conflit de lois en vertu des libertés fondamentales du Traité CE, et

implique par conséquent d’opérer une distinction entre les litiges intra- et

extracommunautaires dans ce domaine. Les dispositions de droit communautaire

primaire n’ont en effet lieu de s’appliquer que dans les premiers, et incitent à comparer

348 L. G. RADICATI DI BROZOLO, « L’influence sur les conflits de lois des principes de droit communautaire en matière de libre circulation », op. cit..

349Supra, note 340 et les références citées.

350Sur les textes adoptés, supra, § 32 et § 45 et suiv.

351 Déjà, J. BASEDOW, « Spécificité et coordination du droit international privé communautaire », op. cit., spéc. p. 275 et suiv. ; H. GAUDEMET-TALLON, « Le pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule et l’arc en ciel) », Recueil des Cours 2005, t.312, pp.9-48, spéc. p. 254, §251.

la loi de l’Etat d’origine et la loi de l’Etat de destination. L’article 27 introduit donc des

considérations liées à l’intérêt communautaire dans le champ d’application du

Règlement Rome II. Le contrôle de la conformité de la loi désignée au regard des

libertés fondamentales du Traité CE est cependant limité. Dans un premier temps, il

n’est pas opéré au stade de la résolution du conflit de lois, mais au stade de l’application

de la loi désignée dans le cas concret. Il variera cependant selon que la matière en cause

fait ou non l’objet d’une réglementation commune. Dans un second temps, la loi

désignée par la règle de conflit de lois ne sera écartée que si son application est

incompatible avec une des libertés fondamentales du Traité CE, c’est-à-dire si elle

constitue une entrave. En vertu des principes dégagés par la Cour de Justice des

Communautés européennes, l’étendue du contrôle de conformité de la loi de l’Etat de

destination aux libertés communautaires est en effet conditionnée par cette notion

352

.

Seule une règlementation nationale affectant ou susceptible d’affecter le commerce

entre Etats membres peut être soumise à un contrôle de conformité au regard du droit

communautaire primaire. Le contrôle de conformité n’a par conséquent vocation à être

mis en œuvre que lorsqu’il existe une différence substantielle entre la loi désignée par la

règle de conflit de lois et la loi du pays d’origine avec laquelle elle était en conflit

353

.

107.- L’article 27 du Règlement Rome II n’a pas pour but d’imposer le respect de

la loi du pays d’origine en matière d’obligations non contractuelles, mais, lorsque cela

est requis, celui du principe de reconnaissance mutuelle. Cela introduit alors une double

distinction lors de l’application de la loi désignée par la règle de conflit de lois, selon

que la situation relève d’une situation relève des relations intracommunautaires ou

extracommunautaires, puis selon que les dispositions de droit matériel applicables sont

ou non de source communautaire.

352 Le champ d’application géographique des dispositions relatives aux libertés de circulation contenues dans le Traité CE est déterminé par le mouvement ou la circulation du produit d’un Etat membre à un autre dans le cadre de l’article 28, et par la qualité de ressortissant d’un Etat membre du prestataire de services dans le cadre de l’article 49 du Traité CE (M. FALLON, « Libertés communautaires et règles de conflit de lois », op. cit., spéc. p. 47 et suiv.).

108.- Conclusion de la Section 2 – La lex fori et la loi étrangère en matière de

concurrence déloyale - L’élaboration au niveau communautaire d’une règle de conflit

de lois applicable en matière de concurrence déloyale ne modifie pas la méthode selon

laquelle la loi compétente devrait être désignée. Le Règlement Rome II offre des règles

permettant la localisation du rapport de droit grâce à des critères de rattachement

prédéterminés, la lex fori et la loi étrangère étant en principe placées sur un pied

d’égalité dans la phase de détermination de la loi applicable. La source communautaire

de la règle de conflit de lois ne modifie donc pas les relations entre la compétence

judiciaire et la compétence législative en matière d’obligations non contractuelles, et en

particulier en matière de concurrence déloyale.

109.- Conclusion du Chapitre 2 – L’uniformisation de la règle de conflit de

lois – L’article 6 du Règlement Rome II applicable en matière de concurrence déloyale

est une règle de conflit de lois bilatérale, qui devrait être mis en œuvre par le juge en

tenant compte de l’économie générale et des finalités du Règlement Rome II, notamment

au regard du principe de sécurité juridique et de prévisibilité du droit applicable. En

revanche, le caractère de compromis du texte ne permet pas de recourir aux travaux

préparatoires afin de savoir de quelle manière il devrait être mis en œuvre. Ce constat

implique par conséquent de s’interroger de manière plus approfondie sur la cohérence

de la catégorie de rattachement retenue ainsi que sur les fondements de la règle de

conflit de lois.

110.- Conclusion du Titre 1 – L’élaboration des règles – La recherche de la

prévisibilité des solutions telle qu’elle est appréhendée lors de l’élaboration respective

des règles de droit matériel et des règles de droit international privé représente un enjeu

important en matière de concurrence déloyale. De manière générale, l’élaboration d’une

règle de conflit de conflit de lois uniforme en matière d’obligations non contractuelles a

pour but de permettre à chaque opérateur de pouvoir anticiper le droit qui sera appelé à

régir sa demande. A travers l’objectif de sécurité juridique, la prévisibilité du droit

applicable constitue un élément essentiel du système mis en place par le Règlement

Rome II. Elle devrait donc être préservée lors de la mise en œuvre par le juge des règles

de droit international privé et confrontée à la flexibilité ou au formalisme des règles de

droit matériel. En matière d’actes de concurrence déloyale, le manque de prévisibilité

des solutions résultant de l’approche nationale du respect du standard de comportement

est constaté, mais il est justifié par le fait que sa flexibilité permet d’adapter l’action en

concurrence déloyale à de nouveaux comportements. En matière de pratiques

commerciales déloyales, la recherche de la prévisibilité des solutions est essentielle dans

une optique de réalisation du marché intérieur et de préservation des intérêts du

consommateur partie faible. L’objectif de sécurité juridique et de prévisibilité des

solutions fait donc le relais entre les règles indirectes permettant de déterminer la loi

appelée à régir le comportement déloyal en cause et les normes appliquées par le juge

pour déterminer la responsabilité de son auteur.

TITRE 2 – La mise en œuvre de la règle de conflit