• Aucun résultat trouvé

5.2 Les documents

5.2.2 Les types d’inscriptions de documents

Bien qu’il existe différents thésaurus pour décrire des typologies de documents, comme Dublin-Core [Wei97], ou encore UNIMARC qui tend vers FRBROO[DMS10, PSK11, BDLBR15], je n’ai pas trouvé d’approche ty-pologique satisfaisant la diversité de documents, d’autant plus, que ces typologies de document dépendent de leur réception, des intentions d’interprétation du document[Péd06]..

Les documents visuels

Ce type de document me semble être aujourd’hui, de loin, le plus important en nombre (je veux dire le plus largement accessible et le plus produit) et en diversité. Je distingue trois formes principales de documents visuels : les textes, les images et les collections.

Les documents textes

Les inscriptions documentaires peuvent être du texte. C’est à dire, une série de symboles qu’il est possible d’interpréter dans des langages naturels. Ces symboles correspondent à des entités et des relations, articulées les unes avec les autres afin d’exposer, dans un certain ordre un propos. Les figures 5.5 et 5.6 présentent deux exemples de textes.

Puisque son support n’importe pas, le document texte est caractérisé par sa linguistique et sa graphie. Ce type de d’inscription comprend : les manuscrits, les imprimés, les tapuscrits, et les compuscrits, les produc-tions calligraphiques, les textes peints, les textes insolés, etc.

Les collections structurées

Les documents cherchant à collecter et à mettre en relation des en-tités et des quanen-tités sont concernées par cette typologie. Ils peuvent s’exprimer dans la forme classique du tableau (c.f. figure 5.9, mais leur forme n’y est pas limitée, comme par exemple les figures 5.7 et 5.8. Ils ne présentent pas d’autre explication que l’ordre des grandeurs (par leurs valeurs, par leur chronologie d’entrée, etc).

Tableaux, matrices, graphiques, documents structurés, fiches syn-thétiques ou encore bases de données informatiques composent cette catégorie.

Figure 5.5 – Extrait du Bréviaire à l’usage de l’abbaye Saint-Faron de Meaux - © Institut de recherche et d’histoire des textes - CNRS

Figure 5.6 – Première page du manuscrit de l’Abrégé de l’Astro-nomie, Cassini, Jean-Dominique (1625-1712), - dans le fonds CASSINI I - Bibliothèque de l’Observatoire de Paris

Figure 5.7 – Reproduction de dia-gramme de l’Astrolabe de Danjon? - Bibliothèque de l’Observatoire de

Paris

Figure 5.8 – Exemple de document collection de quantités : Variations saisonnières de la durée du jour -Jean Counil, Bibliothèque de l’Ob-servatoire de Paris

Figure 5.9 – Extrait d’une table des corrections des observations, (1906) Observations faites au cercle méridien (Abbadia), Observatoire d’Abbadia, 1906 - Bibliothèque de l’Observatoire de Paris

Les images

Dernier type de documents visuels, les images. Celles-ci sont stric-tement portées par ce qui est appelé des langages visuels. Elles repré-sentent des objets par forme et les relations entre ces formes.

Ce sont les photographies (c.f. figure 5.10), les dessins(c.f. figure 5.12, les esquisses, les estampes, les croquis, les peintures, les lithographies (c.f. figure 5.11), etc.

Le flou entre ces trois catégories de documents

Je suis conscient du côté artificiel de cette classification. C’est sans doute en partie une des raisons qui a compliqué la recherche d’une typo-logie documentaire de référence largement inclusive à laquelle s’adosser. Les frontières entre les types sont fines et il nous semble en réalité que ces typologies de documents graphiques dépendent autant du récepteur que de l’émetteur. Dans la figure 5.8, Jean Counil produit un graphique pour représenter des quantités de durée de jour. On pourrait choisir de n’en garder que la forme, oublier les échelles et les légendes et de le considérer comme un dessin, comme un document image. Le document aura la forme que le récepteur voudra bien lui concéder. Ou inversement, l’auteur du document peut également proposer plusieurs vues, ou les

Figure 5.10 – Photographie intitu-lée Bal du mariage Moreau Moinet, en avril 1899, à Vanzay - © Inven-taire général, ADAGP | Photo : Eric Dessert

Figure 5.11 – Plan de la ville de Mul-house de 1797 - © Inventaire géné-ral | Photo : Marie-Philippe Scheu-rer

Figure 5.12 – Croquis de l’usine métallurgique dite les forges de la Vache - © Inventaire général | Photo : F. Dreyer

Figure 5.13 – La Déclaration des Droits de l’Homme, encres vernies sur toile © Guillaume Bourquin, 2018

combiner. Les calligrammes, sont un type caractéristique de ce flou dans les distinctions arbitraires que nous avons posées. Très proches de cela, les œuvres d’art comme celle de la figure 5.13 illustrent également la dialectique possible entre ces conceptions des documents visuels.

Dans une autre perspective, les documents cartographiques mêlent des collections, du texte et également un besoin de langage graphique pour synthétiser ou favoriser la compréhension du texte et/ou des col-lections. La figure 5.14 montre un exemple assez complet des différentes dimensions visuelles d’un tel document.

Cependant, bien que la réception autant que l’émission influent sur la façon dont les documents seront classifiés, l’informatique pousse à cette classification en cherchant à représenter un aspect particulier de la réception. Par exemple, comment numériser la figure 5.13? Est-ce le texte manuscrit qu’il faut retranscrire dans un fichier numérique? Est-ce en la photographiant pour en conserver la forme? Il me semble ces distinctions entre les documents visuels traduit essentiellement

Figure 5.14 – Carte éducative zoo-géographique de l’URSS, crée vers 1928 © N.M. Buchunov et V.V. Ermakov, Bibliothèque d’État de Russie

les intentions d’étude de l’instrument. Et puisque ces intentions sont complémentaires dans la plupart des cas, la volonté de produire des fiches combinant les fichiers informatiques montre ici aussi son intérêt. Tous les autres documents

Nos sens ne nous donnent pas accès à la totalité du réel. Nous ne voyons que dans le spectre du visible, n’entendons qu’entre environ 20 et 20000Hz, nos capacité au toucher varie selon la zone du corps et ne fonctionne (évidement) qu’au contact, et là aussi dans une plage de sen-sations, et certains composés échappent tout à fait à notre perception du goût ou à celle de l’odorat. Il existe des objets, des documents, auxquels nos sens ne nous donnent pas directement accès. Je prenais en début de chapitre l’exemple d’un échantillon pour un test anti-dopage. Briet développe un exemple encore plus exotique en avançant le cas d’une antilope dans un zoo[Bri51] : l’animal, comme document de l’espèce. On peut penser aux éprouvettes dans les tests de fatigue pour la caractéri-sation des matériaux, ou encore aux objets trouvés dans les campagnes de fouilles archéologiques.

Pour faire de ces objets des documents, nous produisons des arte-facts intermédiaires qui nous sont directement accessibles, créant ainsi une chaine de transfert du statut documentaire, de l’authenticité et de

Figure 5.15 – A gauche : Panneau des lions de la Caverne du Pont d’Arc -CC-BYSA 4.0 Claude Valette | Au centre : Rayonnement infrarouge d’un bâtiment géré par Historic Environment Scotland - © HES | À droite : Maquette de la salle à manger de Néron - © Matthieu Quantin / Photo Florent Laroche

la validité du contenu. La confiance dans le processus de production documentaire, dans l’intégrité de l’information et des opérations géné-ratrices de documentation sont les éléments clés dans ce transfert du statut documentaire.

Ces documents sont plus difficiles à typer, ils pourraient être sim-plement caractérisés comme matériels. La figure 5.15 présente trois exemples. D’abord, un mur de la caverne du Pont d’Arc, document en lui même inaccessible sans risquer sa destruction. Aussi, un document intermédiaire, une reproduction, une interprétation de la caverne a été produite pour la rendre accessible. Au centre, l’image représente l’in-formation du rayonnement infra-rouge d’un bâtiment. Enfin, à droite, le modèle réduit de la salle à manger de Néron produit par Matthieu Quantin permet d’accéder aux fouilles archéologiques ainsi qu’au travail des archéologues au travers d’un seul document.

Cette dernière catégorie documentaire rapproche dangereusement la documentation du patrimoine : il peut être difficile de distinguer l’un de l’autre. En effet bien des objets patrimoniaux sont utilisés comme documents; en retour bien des documents anciens peuvent être recon-nus comme patrimoniaux. Cette frontière entre documentation et patri-moine me paraît être une question à part entière qu’il sera bon d’envisa-ger postérieurement de façon complète.

Proposition pour l’outil 11

des types documentaires et à la multiplicité de leurs réception, sans restreindre les informations relevées, et sans limiter les modes d’in-terprétation.

Les documents qui portent un temps de lecture

Il reste enfin, un type de document à considérer à part et qui illustre les propos d’Ellul [Ell14] sur l’immédiateté de l’image et la temporalité de la parole : les documents qui portent en eux-même un temps de lec-ture. J’en conviens volontiers, je ne sais pas aujourd’hui exactement comment les positionner relativement aux autres. Cette catégorie n’est pas exclusive des autres; tous les documents sonores nous paraissent y appartenir alors que bien des documents visuels y semblent en général étrangers. Pour être accessibles, ces documents sont lus. Autrement dit, ils articulent en une succession chronologique à la temporalité définie des informations. Cette dys-catégorie ou cette quasi-catégorie comprend entre autres, les enregistrements audio ou vidéo de discours, les docu-ments enregistrés sur bandes magnétiques, les disques compacts de musique, etc.

En synthèse

J’ai essayé de faire le tour des différents types de documents, pour comprendre ce qu’un outil informatique pourrait devoir manipuler. Qu’ils soient relatifs à nos sens ou non, on ne peut que constater leur grande diversité, ainsi que leur rapport à la matérialité et aux techniques, pour les rendre persistants et pour accéder aux informations.

Le prochain paragraphe descend d’un niveau au sein du document et cherche à observer les stratégies mises en œuvre pour agréger les informations les unes aux autres, c’est à dire pour modéliser.