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4.5 Synthèse des limites et des contraintes

5.1.1 Données, informations, connaissances

Ces termes de données, informations et connaissances sont dans l’usage courant de différents groupes et professions. Cela crée une poly-sémie qu’il nous semble prudent de chercher de préciser tôt, afin d’éviter la confusion. Aussi, en deux temps, nous chercherons des moyens de distinguer les données et des documents, puis dans un second temps, les données, des informations, des connaissances.

1. L’usage aujourd’hui habituel du terme de document dématérialisé constitue un abus de langage trahissant l’omission de la nature matérielle des documents informa-tiques

Documents - Données

La distinction entre document et données est principalement due à Tim Berners Lee qui, dans son ouvrage Design Issues, décrit les difficultés et l’avenir du Web. Il y annonce le besoin d’un Web reliant des données entre elles, et non plus seulement des documents [BL16]. Ce faisant, il distingue le document (dans ce cas le fichier informatique) de la donnée. Il distingue le fichier html que le navigateur Web va aller chercher par HTTP pour ensuite l’interpréter et afficher son contenu.

Ainsi donc, une entrée dans une base de données SQL, un groupe de pixels d’une image JPEG, seront pour nous des données, alors que la base de données ou l’image informatique en elle même seront desdocuments (ou des fichiers, ces deux termes sont ici synonymes).

La distinction la plus ardue à exposer reste encore à venir : distinguer données, informations et connaissances.

Données - Informations - Connaissances

Le triptyque données, informations et connaissances (ou en anglais resp. data, information, knowledge) semble conserver une place de choix dans la littérature, et bien que la discussion soit désormais plutôt an-cienne, les acceptions ne sont pas entièrement partagées.

Mickaël Gardoni [Gar99] associe

— L’information brute, à la représentation des données,

— L’information organisée, à la représentation de l’information, — L’information traitée à la représentation de la connaissance, — L’information avancée à la représentation de la théorie/expertise

Nicolas Perry [Per07], Samar Ammar-Khodja [AKB08] et Florent La-roche reprennent cette conception dans leurs travaux en[LBC08] gestion des connaissances (Knowledge Management). Cette vision est illustrée dans la figure 5.1.

En procédant à l’accumulation des approches, les travaux de Zins [Zin07] éclairent la diversité de acceptions, et permet de préciser les définitions. Voici cité un extrait de son article de 2007 qui passe en revue différentes significations des termes.

Knowledge « is that which is known, and it exists in the mind of the knower in electrical pulses. Alternatively, it can be dis- embodied into symbolic representations of that knowledge (at this point becoming a particu-lar kind of information, not knowledge). Strictly speaking, represented

Figure 5.1 – De la donnée à la connaissance pour Gardoni (via N.Perry) knowledge is information. Knowledge — that which is known — is by de-finition subjective, even when aggregated to the level of social, or public, knowledge — which is the sum, in a sense, of individual "knowings". Data and information can be studied as perceived by and "embodied" (known) by the person or as found in the world outside the person... (Thomas A. Childers) »

Data « is the plural of datum, although the singular form is rarely used. Pu-rists who remember their first-year Latin may insist on using a plural verb with data, but they forget that English grammar permits collective nouns. Depending on the context, data can be used in the plural or as a singular word meaning a set or collection of facts. Etymologically, data, as noted, is the plural of datum, a noun formed from the past participle of the Latin verb dare–to give. Originally, data were things that were given (accepted as "true"). A data element, d, is the smallest thing which can be recognized as a discrete element of that class of things named by a specific attribute, for a given unit of measure with a given precision of measurement (Rush & Davis, 2007; Landry & Rush, 1970; Yovits & Ernst, 1970). »

Information « The verb ‘inform’ normally is used in the sense to commu-nicate (i.e., to report, relate, or tell) and comes from the Latin verb in-formare, which meant to shape (form) an idea. Data is persistent while information is transient, depend- ing on context and the interpretation of the recipient. Informa- tion is data received through a communica-tion process that proves of value in making decisions.

Knowledge involves both data and the relationships among data ele-ments or their sets. This organization of data based on relationships is

what enables one to draw generalizations from the data so organized, and to formulate questions about which one wishes to acquire more data. That is, knowledge begets the quest for knowledge, and it arises from verified or validated ideas (Sowell, 1996). [10] (Charles H. Davis) » D’un point de vue opératoire, dans le traitement informatique, je re-tiens que l’interprétation d’un document permet l’identification d’entités, les données, ancres pour la formation de relations2.

La seconde étape de l’interprétation permet de relier ces données. En-tités, concepts, relations, ... les données subissent une forme de classifi-cation, sont reliées pour former des informations. L’interprétation d’une source produit un contenu d’informations, caractérisé, conditionné, par la source elle-même et le contexte d’interprétation (c’est à dire la clas-sification opérée et l’organisation des données entre elles pour former les informations). Les informations restent susceptibles d’être reliées à d’autres informations pour produire une information nouvelle. En cela, les informations sont un certain type de données (structurées, classi-fiées)3.

Les connaissances, quant à elles, sont issues d’accumulation d’infor-mation. Lorsque se dégage alors une forme générale de la structure des relations des informations, lorsque se dégagent des tendances, des ré-currences, on pourra formuler des informations exprimant ces analyses. En cela, les connaissances sont un certain type d’informations (caracté-risant les tendances d’autres informations, permettant la classification d’autres informations)4. Par cette acception de ce que sont les connais-sances, je m’éloigne peut-être un peu de Zins pour me rapprocher des considérations de Milan Zeleny [Zel87].

Les notions de validité, ou de véracité persistent, que soient considé-rées des données, des informations et des connaissances, et dépendent des contextes de compréhensions.

Bachelard, dans la Formation de l’esprit scientifique [Bac93] est éclai-rant sur la nature de la connaissance et milite pour une connaissance approchée, c’est à dire une connaissance qui étudie de près les questions, qui s’éloigne de l’opinion. Il rappelle également que la connaissance s’ob-tient par constructions.« La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point

2. Dans le référentiel RDF, qui sera présenté plus tard dans ce chapitre, les données sont les ’sujets’, ’prédicats’ et ’objets’.

3. Dans le référentiel RDF, les informations sont les triplets, les associations ’sujet’, ’prédicat’ et ’objet’.

4. Dans le référentiel RDF, toujours, les connaissances sont des triplets portant sur des groupes d’autres triplets, ou certains types de données.

particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obs-tacle à surmonter. [...] Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connais-sance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit » .

Proposition pour l’outil 9

L’outillage informatique doit pouvoir garder la trace des différentes constructions, réductions et approximations inhérentes aux travaux de modélisation.

Pour illustrer les distinctions et définitions des termes, prenons un exemple en plusieurs étapes.

1. Soit un contenu d’information : La température s-exprime-en! C La température est une donnée au même titre que l’unité C . Ainsi reliés, les éléments d’ancrage forment une information.

2. Soit maintenant considérée l’information précédente comme va-lide. Cette connaissance pourra générer des liens entre toutes les températures et l’unité C .

3. Si je cherche désormais à modéliser la température du corps hu-main et ses évolutions selon le temps pour un individu. Si une des températures est exprimée en K , la notion de connaissance entre en jeu. Soit la température en K est fausse, soit la connaissance définie en 2 était erronée ou mal formulée. La connaissance ap-paraît ici comme une information permettant une étape de véri-fication de la conformité. Elle met en évidence les informations contradictoires, que l’on pourra identifier comme anomalies. D’autres théoriciens, notamment Rowley [Row07, DSH18], partent de cette triade Donnée, Information et Connaissance et l’étendent d’une quatrième entité : La Sagesse (Wisdom). À vrai dire, je n’ai pas précisé-ment compris ce que cette sagesse recouvre, aussi je m’abstiendrai de m’y hasarder. L’approche dérivée de Zins, informationnelle, me semble se rapprocher des travaux linguistiques et sémiotiques de Sanders [SdS79] ou Eco [Eco72], mais également les travaux en sciences de l’information de Brillouin [Bri59] ou d’Escarpit [Esc91].

Les données

Une donnée traduit la sélection d’une entité, d’un concept. Pour expri-mer la donnée, il faudra lui donner (ou lui trouver) une certaine forme, un certain formalisme.

En voici quelques exemples

— 15,41 c’est, en chiffres arabes et en base décimale, une quantité de quinze unités et quarante et un centièmes d’unité.

— 2877m vaut pour la distance de deux mille huit cent soixante dix-sept unités mètres, quantifiée en base décimale et en chiffres arabes. — L’Observatoire du Pic du Midi représente le site scientifique installé

au Pic du Midi, exprimé en français et en alphabet latin. De même, une sous-sélection de cette donnée, Le Pic du Midi représente l’émi-nence sur laquelle l’observatoire s’est installé, exprimé en français et en alphabet latin.

— est-localisé permet la relation spécifiant une position entre deux entités, exprimé en français et en alphabet latin.

— Télescope de type Cassegrain représente la famille des télescopes dont la structure interne à 2 miroirs, l’un concave et parabolique et l’autre convexe hyperbolique, exprimé en français, en alphabet latin. Là où казезерновый телескоп représente la même entité, mais en russe et en alphabet cyrillique contemporain russe. — Le Télescope Bernard Lyot représente l’objet, le télescope de type

Cassegrain, construit et actuellement encore installé à l’observa-toire du Pic du Midi, à nouveau en français et en alphabet latin. Les données sont les radicaux à la formation d’informations. Il peut arriver que ces radicaux soient eux-même des informations.

La donnée L’Observatoire du Pic du Midi , par exemple, peut se comprendre de façon indirecte comme l’information explicitée suivante :

L’observatoire est-localisé-sur! Le Pic du Midi

Les informations

Une information explicite une relation entre données. À nouveau, une sorte de langage formalisant la relation est nécessaire. Contrairement aux données en général, les informations sont sujettes à une dimension de validité. Et c’est précisément par cet angle qu’il me semble intéressant des les aborder.

La validité d’une information peut être décidée au cas par cas, ou au travers de règles générales. Le champ des validités crée le contexte d’interprétation de tout nouveau document ou de toute nouvelle infor-mation. Dans la plupart des cas, un groupe pourra partager et utiliser des informations en commun en bâtissant un champ de validité, contexte d’interprétation, partagé.

En voici quelques exemples

— L’Observatoire du Pic du Midi a-pour-altitude! 2877m exprime la relation définissant l’élévation verticale par rapport au niveau de la mer (la distance à cette surface de référence) de l’Observatoire du Pic du Midi.

— Le Télescope Bernard Lyot est-localisé-à! Le Pic du Midi représente la re-lation définissant la position d’un objet télescope particulier sur un sommet particulier dans les Pyrénées.

— La Terre a-une-forme! ronde est une information, approximant la forme de la terre. Considérée comme valide par la plupart des français, 9% d’entre eux considèrent qu’ « il est possible que la Terre soit plate et non pas ronde comme on nous le dit depuis l’école » d’après un sondage d’IFOP sur le complotisme [Rei18].

La validité des informations s’établit en leur opposant des connais-sances. La validité des informations dépend donc de la validité attribuée aux connaissances.

Les connaissances

Les connaissances sont les incorporations des données et des in-formations connues[Zin07]. Ainsi, elles sont des formes analytiques ou synthétiques des informations valides sélectionnées/rencontrées et en retour, elles influencent la formation à venir d’informations.

Les connaissances entraînent deux effets principaux :

— la connaissance permet de générer de nouvelles informations, la connaissance permet de créer des liens nouveaux entre des entités, — la connaissance permet de mettre en lumière des incohérences, les contradictions, les anomalies : les informations contraires ou divergentes d’une connaissance remettent en question 1. la validité de l’information en question, 2. la validité la connaissance elle-même.

Le télescope Bernard Lyot un télecope de type Cassegrain un télecope de type Cassegrain un miroir concave et parabolique

un miroir convexe et hyperbolique concave et parabolique

Le miroir 1 du téléscope Bernard Lyot

Le miroir 2 du téléscope Bernard Lyot concave et elliptique

v. iv. iii. ii. i. est-de-type contient contient est-de-forme est-de-forme

— Siv. est inconnu ou invalide, alors si on considère ïï. et iii. comme des connaissances valides, alors l’information hypothétiquevi.

pré-cisant que Le miroir 2 du télescope Bernard Lyot est de forme concave et parabolique — Si au contraire,v. est considérée comme valide, tout comme ii. et iii.,

alors un conflit est crée, une anomalie est détectée. Cette anomalie génère un traitement postérieur nécessaire :

— Est-ce que le télescope a été mal caractérisé? (i. est incorrect) — Est-ce que le miroir a été mal caractérisé? (v. est incorrect) — Est-ce que les types de miroirs d’un Cassegrain sont autres

que ceux décrits dansii. et iii.?

— Faut-il ajouter une exception? (Ce serait un Cassegrain excep-tionnel, ne correspondant pas à la définition générique) Proposition pour l’outil 10

L’outillage informatique doit permettre l’explicitation de la validité des informations et d’explorer différents hypothèses.

L’usage que je fais du terme connaissance n’est qu’une partie limi-tée de la connaissance explicite de Nonaka [NTU96] : les traces de la connaissance explicite stockée dans des documents informatiques. Les traces des connaissances contenues dans une base de données (les in-formations génératives de la base ou les règles qui la structurent), dans l’optique de Nonaka, sont en quelque sorte la version informatique du Ba [NK98] de cette base.