• Aucun résultat trouvé

III. Les Tephritidae : ravageurs d’importance économique

III.2 Les Tephritidae : des ravageurs des cultures

III.2.1 Bioécologie

Les dégâts sur les fruits sont engendrés par les femelles qui insèrent leurs œufs sous l’exocarpe. Selon l’espèce-hôte et le degré de maturité des fruits, les piqûres de mouches engendrent la détérioration du fruit par le développement des larves qui se nourrissent de la pulpe du fruit ainsi que par l’entrée fortuite d’autres pathogènes (bactéries, champignons…) par les trous de ponte. Ainsi, le fruit se détériore rapidement et chute prématurément (Clarke et al., 2011) (Figure I-21).

Comme tous les diptères, les Tephritidae sont des insectes holométaboles avec un cycle de développement se déroulant en plusieurs étapes (White & Elson-Harris, 1992) (Figure I-22), dont la durée diffère selon les espèces.

Figure I-21. Dégâts de Tephritidae sur un fruit de "chouchou" (Sechium edule). (Photo : C. Jacquard/CIRAD)

Figure I-22. Cycle de développement des Tephritidae.

(Source : preventfruitfly.com.au modifié par T.Atiama-Nurbel, Photos : A.Franck-CIRAD)

Après la ponte des femelles dans le fruit, les œufs éclosent pour donner des larves, qui se développent en consommant sa pulpe. Ces larves passent par trois stades de développement. Au terme de la dernière phase de développement, pour un grand nombre d’espèces, les larves sautent du fruit pour démarrer la pupaison dans le sol. Pour certaines espèces, la pupaison peut se dérouler dans le fruit. Après l’émergence, les adultes ont une maturation sexuelle de plusieurs jours à quelques semaines avant de devenir sexuellement matures, ce qui coïncide chez les femelles à l’achèvement de la vitellogénèse. Les mâles peuvent s’accoupler fréquemment, mais deviennent non-réceptifs pendant plusieurs semaines après chaque accouplement (Bateman, 1972 ; Fay & Meats, 1983). Les adultes ont besoin de se nourrir régulièrement de carbohydrates et d’eau pour survivre. Les femelles ont de plus, besoin de s’alimenter de protéines indispensables à la maturation de leurs œufs (Christenson & Foote, 1960 ; Bateman, 1972). Les adultes se nourrissent d’une large variété de produits naturels : jus et tissus de fruits endommagés, sève de plantes, nectar de fleurs et fèces d’oiseaux (Bateman, 1972).

Les Tephritidae entretiennent une relation très étroite avec les plantes dans lesquelles se développent leurs larves. Ces plantes sont dites hôtes lorsqu’elles sont choisies comme site de ponte par les femelles gravides et qu’elles permettent un développement complet des stades pré-imaginaux. Les stades larvaires des Tephritidae étant très peu mobiles, le choix de la

Développement des larves

Pupaison dans le sol Emergence

plante-hôte par la femelle au moment de la ponte est déterminant pour la survie de la descendance. Lorsque adultes et larves se nourrissent du même végétal, la sélection du site de ponte peut être conditionnée par le comportement de prise alimentaire des parents. Dans le cas des Tephritidae, les adultes ne s’alimentent pas forcément sur les mêmes plantes que leur progéniture ; ce sont les femelles gravides qui sélectionnent le végétal-hôte pour le développement des descendants. Les mécanismes entrant en jeu dans le processus de choix des plantes hôtes par les femelles gravides sont exposés dans la partie « sélection de l’hôte » (cf. chapitre I, partie I.1)

Selon le degré de spécialisation de leur régime alimentaire, les Tephritidae peuvent être classés en trois catégories : les monophages, les oligophages et les polyphages (Fletcher, 1989). Selon May & Ahmad (1983), les espèces monophages se nourrissent uniquement de plantes appartenant à une seule espèce, les espèces oligophages sont restreintes à une seule famille de plantes et les polyphages se nourrissent sur des plantes appartenant à plusieurs familles et ordres. Le degré de spécialisation des phytophages peut évoluer au cours du temps et varier selon les zones géographiques.

III.2.2 Méthodes de surveillance et de lutte contre les Tephritidae

La mise en place de méthodes de lutte efficaces contre les Tephritidae ravageurs des cultures s’avère difficile, d’autant plus que les différents stades du cycle biologique sont localisés dans des différents micro-habitats. Les œufs et les larves se développent dans les fruits tandis que la pupe est enfouie dans le sol : ainsi le stade adulte reste le seul stade exposé aux insecticides utilisés en traitement de couverture. Pour obtenir une efficacité optimale, la lutte doit donc être menée pendant la période de préoviposition (période de maturation sexuelle) de la femelle afin d’empêcher la ponte. Il convient également d’intégrer des méthodes de surveillance de populations, afin de permettre aux agriculteurs de savoir à quel moment il est nécessaire d’appliquer un traitement insecticide ou encore pour vérifier l’efficacité de la lutte appliquée.

Pour surveiller l’abondance des populations de mouches, il existe des systèmes de piégeage des mâles qui utilisent un attractif sexuel (ou paraphéromone) spécifique des mâles de certaines espèces. Ainsi, les mâles de diverses espèces de Ceratitis sont fortement attirés par le trimedlure, et ceux de nombreuses espèces de Bactrocera ou de Dacus par le méthyl-eugénol ou le cue-lure. Il existe également des attractifs alimentaires à base de protéines comme le « Nulure », le « Buminal » ou la levure de Torula, qui en général capturent

essentiellement des femelles, celles-ci ayant besoin de protéines pour la maturation sexuelle et le développement des œufs (Hagen & Finney, 1950). Ces derniers montrent toutefois des limites quant à leur efficacité : attractivité faible, distance réduite d’attraction, durée de vie limitée au champ, contraintes d’utilisation et attraction d’espèces non-cibles (Jang & Light 1996 ; Siderhurst & Jang 2010).

La lutte chimique couramment utilisée contre les Tephritidae, repose sur l’utilisation de produits insecticides pendant la phase de sensibilité du fruit (Rossler, 1989). Cette protection montre ses limites tant par une efficacité insuffisante sur les ravageurs que par les lourdes conséquences sanitaires, environnementales et économiques qu’elle entraîne. Différentes méthodes alternatives à la lutte chimique, ont été développées :

o Les traitements par taches, méthode largement répandue dans le monde, reposent sur la pulvérisation en traitement localisé d’un mélange d’insecticide et d’attractifs à base de protéines ou de levures, ou de substances dérivant de plantes (Qureshi & Hussain, 1992 ; Akhtaruzzaman et al., 2000 ; Satpathy & Rai, 2002)

o Les méthodes culturales sont un complément indispensable afin d’abaisser les populations de mouches en dessous des seuils de nuisibilité. Ainsi, une méthode prophylactique consiste à collecter et détruire ou isoler tous les fruits infestés qui constituent des réservoirs de mouches (Nishida & Bess, 1957).

o La lutte par suppression des mâles ou « Male Annihilation Technique » (MAT) a été mise au point dès le milieu du 20ème siècle (Steiner & Lee, 1955). Cette méthode vise les mâles que l’on attire et tue grâce à un attractif sexuel associé à un insecticide, placés dans le même dispositif. Les pièges sexuels utilisés sont les mêmes que ceux utilisés pour la surveillance, mais sont placés en plus grande quantité sur les parcelles.

o La lutte autocide ou « Sterile Insect Technique » (SIT) a également été initiée dans les années 50 (Knipling, 1955). Elle est basée sur l’élevage, la stérilisation par radiations ionisantes ou par chimiostérilisation et le lâcher dans la nature, d’un nombre suffisant de mâles stériles compétitifs en vue de les mettre en compétition avec la population de mâles sauvages. Le ratio de mâles stériles doit être suffisant pour permettre la diminution du potentiel reproductif de la population-cible. Des succès d’éradication ont été obtenus par exemple sur des populations de B.

cucurbitae sur diverses îles de l’archipel hawaiien (Steiner & Lee, 1955 ; Ito &

Koyama, 1982 ; Shiga, 1989 ; Koyama et al., 2004).

o La lutte biologique contre les Tephritidae a commencé au début du 20ème

siècle : une des premières actions fut menée à Hawaii contre B. cucurbitae par Fullaway (1920) grâce à des lâchers de Psyttalia fletcheri Silvestri (Braconidae) un parasitoïde larvo-pupal. Ce parasitoïde s’est établi avec succès sur l’île principale, entraînant des réductions considérables des niveaux de populations de différentes espèces de Tephritidae (Bess et al., 1961 ; Vargas et al., 1993 ; Bautista et al., 2004).