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Bactrocera cucurbitae : un ravageur majeur des cultures de Cucurbitaceae à La Réunion

III. Les Tephritidae : ravageurs d’importance économique

III.3 Les Tephritidae nuisibles à La Réunion

III.3.2 Bactrocera cucurbitae : un ravageur majeur des cultures de Cucurbitaceae à La Réunion

III.3.2.1 Généralités et bioécologie

Dans le cadre de cette thèse, les recherches seront focalisées sur Bactrocera (Zeugodacus)

cucurbitae (la mouche du melon). L’adulte, de couleur orangée, possède un scutum avec trois

lignes médianes jaunes parallèles, deux larges bandes jaunes latérales et deux macules noires frontales. Les ailes portent trois tâches noires (Planche 1).

La Mouche du melon, originaire d’Asie (Dhillon et al., 2005), est aujourd’hui largement répandue en Asie, en Afrique et dans plusieurs îles de l’Océan Pacifique (White & Elson-Harris, 1992 ; Dhillon et al., 2005) et de l’Océan Indien (La Réunion, Île Maurice, Les Seychelles) (Orian & Moutia, 1960 ; Etienne, 1972) (Figure I-25).

Cette espèce est l’un des Tephritidae ayant la plus grande importance économique au monde (Weems, 1964 ; White & Elson-Harris, 1992). Elle figure sur la liste de quarantaine A1 de l'OEPP au sein de la vaste catégorie des « Trypetidae non-européens » ; elle a aussi une importance de quarantaine pour l'APPPC (Asia and Pacific Plant Protection Commission), la COSAVE (Comité de Sanidad Vegetal del Cono Sur), la CPPC (Caribbean Plant Protection

Commission), la JUNAC (JUNta del Acuerdo de Cartagena) et l'OIRSA (Organismo Internacional Regional de Sanidad Agropecuaria) (OEPP/EPPO, 1983).

À La Réunion et à l’Île Maurice, B. cucurbitae constitue la principale nuisance sur les cultures de Cucurbitaceae (Vayssières et al., 2008). Recensée à La Réunion en 1972, elle a sans doute été introduite à partir de l’Ile Maurice, qu’elle avait probablement colonisée à partir de l’Inde en raison du grand nombre d’échanges commerciaux entre ces deux pays (Etienne, 1982). La distribution des adultes de Dacini est essentiellement liée à des facteurs climatiques notamment l’humidité et la température, ainsi qu’à la disponibilité en plantes-hôtes (Vayssières, 1999). Les facteurs abiotiques tels que la température, l’humidité et la lumière, jouent un rôle important sur l’abondance des mouches en intervenant directement ou indirectement sur les taux de développement, de mortalité et de fécondité (Bateman, 1972). Pour B. cucurbitae, des températures comprises entre 18 et 29 °C et une humidité entre 60 et 70% permettent un taux de reproduction optimal, alors que des températures trop basses réduisent au contraire les taux de survie et de reproduction (Vargas et al., 2000 ; Dhillon et

al., 2005). Ainsi, à La Réunion, B. cucurbitae se retrouve essentiellement à des altitudes

inférieures à 1200 mètres (en été austral) avec une forte abondance jusqu’à 600 m (Vayssières, 1999).

A travers le monde, B. cucurbitae est considérée comme une espèce à tendance polyphage recensée sur plus de 125 plantes hôtes réparties dans trois familles (Cucurbitaceae, Passifloraceae, Solanaceae) et 12 genres (Metcalf & Metcalf, 1992). Néanmoins, dans l’Océan indien, cette espèce multivoltine a un régime oligophage puisqu’elle infeste principalement 16 espèces (cultivées ou sauvages) de la famille des Cucurbitaceae (Vayssières, 1999) (Tableau I-2).

Les espèces sauvages de Cucurbitaceae jouent un rôle de plantes réservoirs, permettant la reproduction de B. cucurbitae tout au long de l’année, particulièrement lorsque la production des plantes cultivées est moins dense. A La Réunion, quelques rares attaques de B. cucurbitae ont été recensées sur deux espèces de fruits de la passion Passiflora foetida L. (sauvage) et

Passiflora edulis Sim. (Vayssières, 1999). De plus, dans cette île, il a été constaté que B. cucurbitae ne s'attaquait pas à la tomate et à la papaye (Carica papaya L.) (Quilici &

Jeuffrault, 2001), alors qu'elle provoque des dégâts importants sur ces cultures dans d'autres parties du monde : Inde (Ranganath & Veenakumari, 1996), Cameroun (Fontem et al., 1999), Hawaii (Vargas et al., 1990) et Bénin (Vayssières et al., 2007). Il a été suggéré que cette espèce a restreint son régime alimentaire suite à des pressions de compétition pour les

ressources avec N. cyanescens pour la tomate, et avec les nombreuses espèces de Ceratitis pour les autres fruits (Ryckewaert et al., 2010).

Les Dacini sont des insectes diurnes (Vayssières, 1999). Durant la nuit, ils restent au repos sous les feuilles de plantes-hôtes ou d’autres plantes. Leur activité diurne se résume à se nourrir, à s’accoupler, à pondre, à se déplacer ou à rester à l’abri. Certaines activités sont liées à des moments spécifiques de la journée, en raison de l’interaction entre le rythme circadien et des facteurs abiotiques comme la température et l’intensité de la lumière (Fletcher, 1987). Le pic principal d’activité alimentaire se situe en général durant la matinée (Syed, 1969) ainsi que les comportements de ponte (Nishida & Bess, 1957). L’activité s’arrête en soirée quand l’intensité lumineuse devient le facteur limitant.

Chez les Dacini, l’accouplement et la prise de nourriture se réalisent essentiellement sur des plantes non-hôtes (Bateman, 1972 ; Matanmi, 1975), qui ne sont impliquées ni dans la ponte ni dans le développement des larves. L’activité sexuelle des Dacini débute généralement au crépuscule avec la décroissance de la luminosité (Bateman, 1972). Les mâles de B. cucurbitae forment alors des leks sur les plantes non-hôtes (Iwahashi & Majima, 1986) et courtisent les femelles en faisant vibrer leurs ailes et en émettant une phéromone sexuelle (Kuba & Koyama, 1985 ; Kuba & Sokei, 1988). La plupart des adultes de Dacini sont de bons voiliers et peuvent parcourir de très grandes distances (Christenson & Foote, 1960). Des études ont montré que les jeunes adultes de Dacini ont tendance à se déplacer vers la végétation sauvage en dehors du champ (Nishida & Bess, 1957).

III.3.2.2 Ecologie chimique de l’espèce avec ses plantes-hôtes

La médiation chimique entre B. cucurbitae et ses plantes a été peu étudiée. L’attractivité des odeurs complètes de fruits broyés de plusieurs espèces a été mesurée dans des cages extérieures. L’odeur du concombre (Cucumis sativus L.) (pulpe et peau) et celle du melon

Cucumis melo L. (pulpe) se sont avérées plus attractives que celle de la tomate Lycopersicon esculentum L. (pulpe et peau). L’odeur de courge Kabocha, Cucurbita maxima Duchesne,

(pulpe) s’est avérée plus attractive que celle de la margose Momordica charantia L., mais pas plus attractive que celle de la courgette Cucurbita pepo L. (Miller et al., 2004). Dans une

Espèces Noms vernaculaires Cultivée (C)

Sauvage (S)

Citrullus colocynthis L. coloquinte C Citrullus lanatus (Thunb.) pastèque C Coccinia grandis (L.) Voigt. calebasse lierre S Cucumis anguria L. concombre sauvage S

Cucumis melo L. melon C

Cucumis sativus L. concombre C Cucurbita maxima Duchesne potiron (citrouille) C Cucurbita moschata Duchesne citrouille pays C Cucurbita pepo L. courgette C Cyclanthera pedata (L.) Schrad. margose lisse / de l'Inde C Lagenaria siceraria (Molina) Standl. calebasse C Lagenaria sphaerica (Sond.) Naudin calebasse sauvage S Luffa acutangula Mill. pipangaille à côte C Luffa cylindrica Mill. pipangaille lisse C Momordica charantia L. margose cultivée C Momordica charantia L. margose sauvage S Sechium edule (Jacq.) Sw. chouchou C/S Trichosanthes cucumerina L. patole C Tableau I-2. Liste des plantes hôtes de Bactrocera cucurbitae à La Réunion (Vayssières, 1999).

autre étude, en association avec des leurres colorés, l’odeur de concombre (C. sativus) s’est avérée plus attractive pour les femelles de B. cucurbitae que celle de la courgette (C. pepo), de la calebasse lierre (Coccinia grandis L.), de la papaye (Carica papaya L.) ou de la tomate (L. esculentum). L’ajout d’une odeur de concombre augmente fortement l’attractivité d’hémisphères jaunes, ce qui indique que les stimuli visuels et olfactifs sont synergiques dans la réponse de femelles de B. cucurbitae sexuellement matures (Piñero et al., 2006).

D’autre part, peu d’études ont identifié au sein des fruits attractifs les composés volatils qui sont particulièrement impliqués dans l’attraction des femelles de B. cucurbitae. Jacobson et

al. (1971), au cours d’une évaluation de l’attractivité pour les femelles de B. cucurbitae de

différents dérivés de l’acétate de nonényle, ont montré que l’acétate de nonén-1-ol était attractif. Plus récemment, des études de CG-EAD utilisant des purées de concombre frais et fermenté ont permis d’identifier 31 composés déclenchant une réponse électroantennographique des femelles de cette espèce. Parmi différents mélanges testés en olfactomètre rotatif extérieur, un mélange à base de 9 composés s’est avéré très prometteur. Dans des tests au champ, ce mélange a montré une attractivité biaisée en faveur des femelles et deux fois supérieure à celle d’un mélange protéiné (Solulys) (Siderhurst & Jang, 2010).

Chapitre II