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CHAPITRE 6 – L’ADAPTATION DU DROIT INTERNATIONAL PAR LES

1. Introduction : Observer les appropriations et les résistances entre les ordres normatifs

2.2 Les services de counseling et de mise en œuvre de la PWDVA

Dans le cadre de cette recherche, une attention particulière est portée sur le rôle des travailleuses sociales (aussi nommées conseillères) et des avocats dans le processus d’intervention auprès des femmes victimes de violence domestique439. En fait, le travail direct de ces répondants avec les usagères favorise l’analyse de la traduction et de l’adaptation des normes de droit international. Pour situer ce processus, les étapes du counseling doivent être expliquées. Les travailleuses sociales suivent un protocole d’intervention préalablement déterminé par CHEI440. Ce protocole va de pair avec un code d’éthique. Ils assurent la

cohérence entre les interventions et le respect de la vision et de la mission de l’ONG441. Le

counseling suit donc une procédure définie, bien que flexible. Le rôle principal des conseillères est d’offrir un soutien psychologique immédiat et urgent au regard des circonstances d’une gravité variable. En premier lieu, les victimes sont dirigées vers CHEI par les services de santé, les sanginis, les ONG ou les communautés. Elles peuvent également faire appel au centre d’aide aux victimes de leur propre gré. Des actions sont ensuite prises selon les particularités de chaque cas. D’un côté, les interventions de crise (crisis

interventions) consistent en des soins médicaux, des actions policières, une évaluation de la

438 Etienne, supra note 173, à la p. 161.

439 Étant donné que les activités et les services du WCPVP de CHEI sont nombreux et auraient exigé de faire une

étude de terrain pour un temps excédent cinq mois, le choix a été fait de se concentrer sur les services de counseling des travailleuses sociales. Les démarches juridiques faites conjointement avec une ou un avocat sont également incluses.

440 Le protocole fait l’objet d’un document remis et expliqué à chacune des travailleuses sociales dès les premiers

jours de travail.

441 Gopi me mentionne que, malgré le protocole et le code d’éthique, le travail des conseillères laisse toujours

place à une certaine subjectivité et à une marge de discrétion. Dans certaines situations, il devient difficile de rester complètement neutre et de ne pas se positionner. Conversation informelle Gopi, travailleuse sociale, 12 février 2013.

sécurité de la femme, etc. Un soutien immédiat, tel que l’examen médical, est donné seulement avec l’accord de l’usagère442. Ensuite, pour approfondir un cas et pour déterminer la gravité de celui-ci, la femme usagère entre en contact avec une travailleuse sociale pour discuter de la situation. À ce stade, la conseillère doit l’écouter attentivement pour obtenir tous les détails sur les incidents de violence. Selon les divers scénarios possibles, cette première étape du counseling individuel consiste en l’énumération et l’explication des droits, des services du WCPVP, des procédures à suivre et des autres sources d’aide. Les différentes options lui sont alors présentées : les services d’hébergement, la police, les recours judiciaires sous l’IPC, les lois personnelles ou la PWDVA, les rencontres conjugales ou familiales, etc. Les avantages et les désavantages de chacune des actions possibles sont discutés avec elle. À ce moment, la travailleuse sociale offre alors son soutien selon le choix de la victime, qui est libre de cesser les démarches en tout temps. Également, avec le consentement de l’usagère, une fiche descriptive confidentielle est remplie. En fin de compte, cette première étape peut s’étendre sur plusieurs rencontres avec l’usagère.

Dans une approche à plus long terme, un plan de sécurité et d’action est élaboré avec la participation de la survivante de violence. Ce plan est très flexible et dépend des circonstances. Un soutien lui est accordé selon sa décision de s’engager dans des poursuites judiciaires, dans des séances de counseling en couple ou en famille, etc. Si la victime choisit d’entamer des poursuites auprès des tribunaux, la travailleuse sociale l’aidera à remplir un First Information

Report (FIR) ou un DIR à la station de police locale. Dans ce cas, l’usagère sera invitée à

amasser des preuves pour bâtir son dossier de plainte. Selon un autre scénario, si la femme y consent, un dialogue avec les parties concernées sera déclenché. Des rencontres en milieu familial ou des séances de counseling avec certains membres de la famille seront organisées. Dans les cas les plus communs, le mari, soit l’agresseur, est préalablement informé des démarches entamées, puis est invité à une rencontre avec ou sans la femme victime. Plusieurs situations peuvent survenir, présupposant ainsi des réponses distinctes : un manque de coopération de l’agresseur, des actes de violence entre les rencontres, etc. S’il est nécessaire,

442 Les démarches sont différentes lorsque la victime est mineure. Si CHEI est informé d’un incident de violence

à l’égard d’une femme de moins de 18 ans, l’organisation est dans l’obligation de signaler le cas de violence au Child Welfare Committee. Document CHEI.

la famille élargie sera également invitée à participer à une séance avec la conseillère pour trouver des solutions à la situation. Ce sont les « joint meetings ». Dans tous les cas, la travailleuse sociale explique les bénéfices d’un tel moyen de règlement des conflits et identifie les conséquences néfastes de la violence pour l’ensemble des parties. L’objectif est d’arriver à une solution amicale et consensuelle. Si les négociations ne donnent pas les résultats escomptés, des recours juridiques sont alors déclenchés avec le consentement de la victime. Dans les circonstances, elle est guidée par des consultations juridiques avec des avocats. Finalement, la dernière étape consiste en des visites à domicile et des démarches de réhabilitation. Dans l’ensemble des séances de counseling, qu’elles soient individuelles ou collectives, le processus est documenté avec le consentement des parties. À tout moment, des références vers d’autres institutions ou acteurs sont faites, d’où l’implication des juristes. En somme, l’ensemble du processus de counseling et d’intervention représente en moyenne 36 heures de travail pour les travailleuses sociales et cela, sur une période d’environ six mois.