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LES REPRÉSENTATIONS

Dans le document Des nations à la Nation (Page 145-149)

LES CHOIX DIDACTIQUES

3.3. LES REPRÉSENTATIONS

font un instrument difficile à manier, différent selon les auteurs qui l'abordent, selon les disciplines ou selon les circonstances.

Images mentales, culture, représentations sociales, mentalités, idéologies, apprentissage ... sont autant d'objets d'étude qui intègrent les représentations. Des méthodologies variées allant des expérimentations sur le terrain, aux enquêtes, observation participante, travail en laboratoire, observation de classe etc. ont été mises au point pour les faire émerger.

Cette notion a été reprise par différentes théories de la connaissance.

L'étude des représentations n'a pas échappé à la psychologie cognitive qui distingue, pour sa part, les connaissances ou croyances stabilisées en mémoire, à long terme, et qui constituent le savoir de base, des représentations occurrentes, circonstancielles, faites dans un contexte particulier, à des fins spécifiques, efficientes immédiatement.

La référence théorique la plus utile pour nous est l'idée de représentation sociale définie par Moscovici comme une modalité de connaissance ayant pour fonction la production de comportements et la communication entre les individus. C'est sous son impulsion en effet, que s'est progressivement élaborée la théorie de la représentation sociale83dans une tentative visant à comprendre comment le savoir est représenté dans la société et partagé par ses membres. La psychologie sociale nous apprend ainsi que la représentation 84, fonne de connaissance de sens commun, située à l'interface du psychologique et du social, de l'individuel et du collectif, est une construction, à la fois produit et processus d'une activité d'appropriation de la réalité. C'est une grille de lecture et de décodage, un système d'interprétation régissant notre relation au monde. Les représentations sous-tendent communication, décision, action ; elles permettent à l'individu de s'insérer dans un groupe social et d'y légitimer ses comportements. Bien qu'elles constituent une vision incomplète ou partielle du réel, un artefact, elles sont pour chacun sa vision personnelle du monde. Elles sont pour chaque sujet son réel c'est-à-dire sa manière de penser. Cependant les représentations sont prisonnières de leur contexte de naissance : elles sont largement dépendantes de la situation qui les fait émerger. Il n 'y a pas de représentation dans l'absolu.

83 "Par représentations sociales, nous désignons un ensemble de concepts, d'énoncés et d'explications qui proviennent de la vie quotidienne ... Elles sont, dans notre société, l'équivalent des mythes et des systèmes de croyance des sociétés traditionnelles ,. on pourrait même les considérer comme la version contemporaine du sens commun."

Cf. MOSCOVICI, S., La psychanalyse, son image et son public. Paris, PUF 1961, 2ème édition 1976.

84 Cf. Les représentations sociales, sous la direction de D. JüDELET, PUF, 1989.

Pourquoi ce choix dans notre recherche?

Outre le postulat que nous avons évoqué au début (apprendre, c'est construire des représentations de plus en plus pertinentes), le concept de représentation sociale, tel que le définit Moscovici, paraît particulièrement adapté à notre problématique, dans la mesure où il se réfère au mélange de savoir et de valeurs qui se donne pour valide dans un groupe social. Or, les concepts en histoire, et en particulier celui de nation, sont investis de valeurs; ce sont des instruments non seulement d'intelligibilité mais aussi d'identification, d'adhésion, de communication partagée. Chacun, selon son opinion, peut y associer une connotation positive ou négative. La construction mentale opérée est aussi tributaire des infonnations, des modèles de pensée, véhiculés par la culture du groupe dans lequel 1'individu est impliqué.

Les représentations de la nation sont enracinées dans la culture individuelle et collective, confortées par leur efficacité apparente ; elles se donnent pour légitimes dans le groupe social d'appartenance; elles remplissent certaines fonctions dans le maintien de l'identité sociale et de l'équilibre socio-affectif, d'où le fait qu'elles soient résistantes et qu'elles ne cèdent pas à un apport d'informations, même contradictoires, même validées.

L'enseignant lui même s'approprie le savoir savant, reconstruit le savoir scolaire en fonction de ses représentations sociales, c'est-à-dire, au-delà du savoir, en fonction de son vécu, des valeurs dont il se réclame. Ses choix dans les savoirs à transmettre se légitiment en fonction des finalités sociales et civiques qu'il assigneàl'enseignement; l'un insistera sur le rôle de 1'histoire nationale pour construire et transmettre une mémoire commune, l'autre mettra en évidence l'importance du projet politique, tel autre insistera sur l'importance des valeurs dans la construction nationale.

Mais la différence entre lui (l'expert) et l'élève (le novice) c'est qu'il est capable de jouer sur différents niveaux de représentations, de se détacher de sa vision personnelle du monde et de sa perception immédiate pour élaborer une idée générale et abstraite.

Réfléchir aux relations entre représentations de la nation et construction du concept de nation nous paraissait donc incontournable.

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Place des représentations dans notre démarche

Une vision simpliste consisterait à croire qu'à force d'accorder de l'attention aux représentations, on risque de minimiser l'importance des contenus, ou de n'accorder qu'un intérêt relatif aux savoirs. Pouvoir identifier les appuis et obstacles à la conceptualisation implique, au contraire, que l'on détennine préalablement le champ notionnel du concept, en relation avec l'épistémologie. Étant, par nature, une reconstruction, les représentations entraînent inévitablement un décalage avec le savoir validé.

Ce décalage se traduit soit par des distorsions (tous les attributs sont présents mais accentués ou minorés selon l'opinion, l'investissement affectif), soit par des supplémentations (connotations, rajouts de significations), soit par des défalcations (suppression d'attributs) 85. Les déceler impose la maîtrise du champ conceptuel de référence.

Les représentations sont nourries de savoir. Elles convoient du sens.

Elles pennettent de lire le réel et d 'y agir. Un concept est savoir, instrument de savoir, et d'interprétation du monde.

Ces fonctions parallèles amènent à analyser les convergences et les divergences entre représentation de la nation et concept de nation. Nous faisons l'hypothèse que les savoirs qui nourrissent les représentations et qui constituent le concept sont analogues.

Il est alors indispensable de détecter les représentations : elles révèlent la richesse de la trame conceptuelle. Selon G. de Vecchi 86 elles constitueraient des étapes dans la construction du concept, étapes qui se franchissent par "ruptures successives".

Selon nos hypothèses, on ne peut s'approprier"un concept qu'en construisant de nouvelles représentations. Cette construction ne s'effectue pas seulement par l'intennédiaire d'un apport d'infonnations.

En effet, d'un côté, les représentations (socialement élaborées) facilitent l'acquisition des connaissances qui les confortent; ce sont elles qui donnent du sens à une situation historique, fournissent un registre d'explication. C'est grâce à elles, que l'élève pourra interroger le discours du maître, les documents, opérer des sélections dans des contenus jugés pertinents, valides ou au contraire les réfuter. Elles constituent un point d'ancrage dans l'apprentissage. Mais de l'autre, en filtrant ou en transfonnant les informations, les représentations peuvent aussi jouer le rôle de frein àla construction d'un savoir pertinent. Pour que l'élève puisse se 85 Ces catégories sont évoquées in D. JüDELET op.cil.

86 de VECCHI, G., Aider les élèves à apprendre, Paris, Hachette, Coll. Pédagogies pour demain, 1992.

distancier de ses représentations initiales, il doit être mis dans des situations de dérive contrôlée le conduisant à modifier son système explicatif de référence.

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