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CONSTRUIRE ET GÉRER UNE SITUATION-PROBLÈME13o

Dans le document Des nations à la Nation (Page 196-200)

LES REPRÉSENTATIONS DE LA NATION Élargissements successifs

4.3. CONSTRUIRE ET GÉRER UNE SITUATION-PROBLÈME13o

Construire une situation-problème est une activité nouvelle et délicate pour la plupart des enseignants. L'expérience conduit, spontanément, à rapprocher de situations d'enseignement-apprentissage*

plus familières cette innovation, et à gommer alors implicitement les particularités de son fonctionnement. Au cours de la recherche, nous avons ainsi (trop souvent) échoué à élaborer et gérer une situation efficace. C'est pourquoi les indications qui suivent sont fortement normatives : elles témoignent en fait de nos erreurs et de nos déviances ... et de nos efforts pour les limiter.

Une situation-problème:

à

quel moment?

Contrairement à tel chapitre ou telle étape d'acquisition d'une méthode, l'utilisation d'une situation-problème ne peut se prévoir àlong tenne. En principe, c'est lorsque l'enseignant a repéré la présence massive d'un obstacle* àla construction d'un concept, et dans la mesure où il choisit de traiter cet obstacle, qu'il a recours à une telle situation d'apprentissage.

Toutefois, lorsque l'on sait que tel sujet d'étude ne peut être envisagé sans traitement préalable d'un obstacle, on peut éventuellement programmer une situation-problème adaptée.

Bien évidemment une situation-problème porte toujours sur un thème, un contenu factuel* précis. Mais il est nécessaire, pour éviter que les élèves ne se bornent à une reproduction pure et simple de connaissances, que le

130 Pour tout ce qui concerne les sources, les caractères généraux et théoriques de la situation-problème, le lecteur voudra bien se reporteràla partie 3.5.

thème soit nouveau pour eux, que les documents n'aient pas été utilisés en cours, que les faits essentiels évoqués nécessitent une découverte. Bien entendu le contexte global peut être étudié auparavant, mais il doit rester un cadre général, et n'est pas même toujours utile. Par exemple, une situation-problème sur le thème des forces de cohésion et des forces d'éclatement dans l'Empire d'Autriche-Hongrie avant1914 est plus riche et plus efficace si les élèves y sont confrontés sans avoir de cours immédiatement antérieur sur cet Empire. Cette précaution est essentielle pour éviter que les élèves ne soient induits à imaginer que "la bonne réponse" existe et qu'elle coïncide avec la présentation d'un chapitre analogue par le professeur.

Ainsi une situation-problème dont le thème est les juifs d'Europe entre 1890 et1933 n'impose pas que des cours sur le sionisme, la création d'un foyer national juif et l'antisémitisme entre les deux guerres aient eu lieu, au contraire. Ceci offre une certaine liberté puisque l'utilisation de cette situation ne dépend pas des contenus de cours mis en œuvre antérieurement.

Par ailleurs, il faut être attentif au fait que la meilleure situation de traitement d'un obstacle n'est pas toujours en rapport avec les contenus de cours prévus au moment où l'obstacle est repéré. Imaginons que l'enseignant, lors d'un cours sur la construction de la nation française en classe de géographie de Première, identifie à travers les réactions, les questions, les formulations écrites des élèves un obstacle du type "le territoire et le climat contribuent principalementàJçorger le caractère nationaf'(la nation est une donnée de nature) : ce n'est pas pour autant que ce cours lui fournit une occasion opportune d'amener les élèves à une représentation plus pertinente. D'autres thèmes, par exemple lesstéréotypes nationaux, peuvent s'y prêter plus aisément, même s'ils sont en marge des programmes.

Cette situation de relative imprévision (qui ne veut pas dire improvisation !) et de relative marginalité dans les thèmes 131 fait de la situation-problème un moment exceptionnel dans la pratique en classe.

D'autant plus qu'élaborer une telle situation est contraignant et long.

La construction

La construction d'une situation-problème a pour préalables, rappelons-le:

- la reconnaissance d'une représentation* qui fait obstacle* à la conceptualisation,

- sa fonnulation fine et précise en obstacle "traitable",

131 On se reportera au tableau des obstacles, progrès intellectuels, et exemples de situations historiques.

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- l'hypothèse d'un progrès intellectuel* pennettant d'affaiblir la cohérence de cette représentation-obstacle,

- le choix d'une situation historique qui permettra à l'élève d'accomplir le progrès intellectuel visé.

L'obstacle doit être au coeur du travail imposé à l'élève. Et un seul obstacle, à la différence des situations d'enseignement classiques où l'on poursuit plusieurs objectifs successivement. Cet obstacle est choisi par l'enseignant soit parce que c'est celui qui rend incompréhensible une situation historique dont l'étude est imposée par le programme, soit parce qu'il s'agit d'un obstacle largement représenté dans le groupe classe, et dont le traitement semble fondamental pour la progression intellectuelle des élèves. Toutefois, il ne peut être communà tous les élèves de la classe : si pour certains la situation sera bel et bien uproblème", pour d'autres il s'agira d'une situation d'apprentissage banale.

La situation historique 132peut être parfois une situation qui s'impose d'elle-même étant donnés les contenus de l'enseignement; elle peut être aussi à la marge de ces contenus mais s'avérer plus favorable qu'une situation classique. Elle privilégie en effet le conceptuel sur le factuel133.Le choix doit être dicté par son intérêt en fonction du progrès visé, non par sa richesse ou sa correspondance avec la vulgate* 134 scolaire. Toutefois, on peut être amené àrécuser certaines situations, tout simplement faute de documents appropriés au type de réflexion souhaitée et au niveau des élèves.

En effet, ces derniers ne sont pas guidés dans la compréhension de la situation par des consignes précises. C'est l'élève, dans et avec le groupe, qui construit la démarche débouchant sur une réponse cohérente à la question posée. Cette autonomie est nécessaire pour qu'il s'affronte à l'obstacle, puis remanie la représentation-obstacle: un questionnaire étroitement guidé supposerait chez tous les élèves une démarche semblable, une interprétation analogue de la situation, une impasse identique, au même moment, et une capacitéàs'en sortir par les mêmes activités intellectuelles!

Cependant, la question doit être suffisamment contraignante pour qu 'y répondre impose de se confronteràla représentation-obstacle visée.

n

doit y

132 Cette expression se veut très générale: elle désigne toute situation spécifique, donc datée et localisée, même contemporaine, présentée à l'étude: ce peut-être en géographie, en sciences économiques et sociales, en instruction civique ... comme en histoire.

133 Ce double aspect de relative marginalité et d'adaptationàun groupe restreint en fait un type de situation de travail particulièrement adapté à l'enseignement en modules.

134 Cf. 2.2 et cf. glossaire.

avoir un problèmeàrésoudre, compréhensible comme tel par l'élève - et une impossibilité de le résoudre sans modifier sa représentation, étape nécessaire pour les apprentissages ultérieurs135.

Les deux difficultés principales dans la construction de ces situations nous semblent être la constitution du dossier qui va selVir de support à la réflexion des élèves et la fonnulation de la question-énigme.

n

est la plupart du temps nécessaire de procéder par ajustement successifs, en tirant les conséquences d'une analyse critique du fonctionnement de la situation de classe

Le dossier de documents

La présentation de la situation historique choisie se fait à travers un dossier de documents.

fi est préférable que ce dossier soit court : il est ainsi plus maniable par les élèves, en particulier en collège. Deux pages semblent un volume adapté, trois s'il y a une carte assez grande. Toutefois nous avons remarqué que les cartes historiques étaient rarement spontanément utilisées par les élèves. Les documents sont donnés sans titres : seules les mentions de l'auteur, de la date et parfois des précisions utiles à la résolution du problème sont fournies; le titre de l'ouvrage dont est extrait le document n'est fourni que s'il ne risque pas d'induire une interprétation superflue ou bloquante. Les documents ne sont numérotés que si cela facilite le travail des élèves. fi n'y a pas d'ordonnancement particulier - si ce n'est parfois chronologique - : l'expérience a montré que les élèves lisent les documents d'abord dans l'ordre du dossier, mais les utilisent ensuite dans un ordre qui est lié uniquement àleur réflexion et àleur argumentation. Ainsi certains documents seront essentiels pour tel groupe d'élèves et au contraire relativement négligés par d'autres. L'utilisation diffère selon ce qui a retenu l'attention, l'intérêt, selon ce qui parait pertinent pour sortir d'une impasse.

Ceci ne préjuge en rien de la qualité de la réflexion.

Bien évidemment les documents doivent être compréhensibles pour les élèves : cela impose de choisir des documents explicites (nous avons parfois "traduit"certain~sphrases) et éventuellement simplifiés. Mieux vaut écarter un document qui ne fait sens que pour qui connaît bien la situation concernée: un texte riche d'allusions peut être une entrave. L'obstacle ne doit pas être dans la lisibilité des textes !

Ces documents doivent permettre une approche complexe de la situation historique retenue : complexe dans les faits, mais surtout dans les 135 Cf. 3.4.

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