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LES ACTIVITÉS INTELLECTUELLES EN ŒUVRE DANS LA CONCEPTUALISATION

Dans le document Des nations à la Nation (Page 159-164)

LES CHOIX DIDACTIQUES

3.6. LES ACTIVITÉS INTELLECTUELLES EN ŒUVRE DANS LA CONCEPTUALISATION

Les théories de la conceptualisation

Tous les auteurs semblent s'accorder, d'une part sur le fait que la construction du concept est progressive et complexe, et d'autre part, sur le fait que l'adolescence est une étape-clé dans la conceptualisation.

Malgré ce consensus, et selon les auteurs (peu nombreux), les interprétations du processus de conceptualisation diffèrent. B.M Barth et Vigotski proposent chacun une interprétation du processus de conceptualisation qui ne coïncide guère.

Selon B.M. Barth, les premières étapes pennettent de sélectionner les attributs pertinents d'un concept, grâce à l'analyse d'exemples et de contre-exemples : leur comparaison conduit à abstraire des similarités dont la co-occurrence est constante dans tous les exemples rencontrés. Ensuite seulement une réflexion inductive dégage la relation constante qui existe entre ces similarités - c'est-à-dire entre les attributs. On peut alors généraliser à toute une catégorie ce qui a été vu sur les exemples ; c'est à cette étape que le mot qui désigne le concept est nécessaire. La maîtrise du

98 Nous l'avons observé en particulier lors de plusieurs passations d'une situation dont l'objet était les immigrés en France dans l'Entre-deux-guerres et où l'énigme résidait dans leurs apports àla nation française. De nombreux élèves qui se sont révélés être fus ou petits-fils d'immigrés, ont transposé la situation à leur vie fami-liale et ont concluà l'intégration,à l'adhésionàla nation française, ce qui n'était pas le problème, mais permettait de donner un sens valable à la situation proposée.

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concept se révèle progressivement: dans la capacité à donner des exemples et des contre-exemples, puis àjustifier la distinction entre les exemples pertinents et les autres en utilisant les attributs nécessaires, ànommer le concept et ses attributs (élaborer en somme une définition), enfin à transférer l'usage du concept à une situation nouvelle.

Ici, l'abstraction précède toujours la généralisation, de plus des exemples et des contre-exemples sont essentiels à la construction et à la maîtrise du concept. Ce qui n'est pas sans poser problème: comment multiplier les exemples pertinents d'un même concept sur une seule année scolaire ? Comment trouver des contre-exemples aisément perceptibles comme tels par les élèves?

Vygotski, pour sa part, propose une approche radicalement différente.

Pour lui, la formation d'un concept est certes progressive, mais la perception en est toujours globale: le mot sert à identifier un regroupement d'objets associés sur la base de certaines caractéristiques. Dans une première étape, ces objets sont associés sur la base d'enchaînements concrets;

ultérieurement, ils le sont par des ressemblances concrètes ; puis, à partir de l'adolescence, par des traits distinctifs abstraits. Vygotski souligne l'importance du concret dans la formation du concept lorsqu'il dit qu'un concept dont la définition est apprise doit se charger de concret pour être réellement acquis.

Dans l'ensemble, la théorie de Vygotski convient mieux aux concepts des sciences sociales, mais il ne s'agit que de pistes de réflexion.

A la différence de B.M. Barth qui présente à la fois un modèle d'enseignement-apprentissage et des exemples de séquences, Vygotski ne propose aucune méthode pour faire construire le concept.

La place de l'abstraction, première selon B.M. Barth, est nettement plus tardive selon Vygotski. B.M. Barth en fait une étape nécessaire, limitée éventuellement à l'énoncé des attributs en relation avec le nom, qui succède à un travail d'abstraction sur de nombreux exemples illustrant le concept visé, et qui précède l'utilisation du concept dans des situations nouvelles.

Vygotski en fait le couronnement du processus de conceptualisation: définir le concept suppose déjà le manier avec pertinence. Il précise qu'énoncer les attributs et les interrelations qui correspondent àla trame conceptuelle d'un concept est extrêmement difficile : longtemps, même si le concept est fonné abstraitement, seule une énumération d'objets tient lieu de définition.

Dans les deux cas, on peut relever cependantdes convergences:

• la définition n'a pas de sens lorsqu'elle est donnée d'entrée de jeu, ou plus exactement l'apprendre ne permet pas de donner du sens au mot. Le concept ne peut réellement se former que par la confrontation du mot, du sens, et de la "réalité". Un concept ne s'apprend pas comme s'apprend une date, une liste de faits ou de chiffres;

• la définition devrait être élaborée systématiquement par l'apprenant en fonction du progrès de sa conceptualisation. Elle n'est nécessaire et possible qu'à partir d'un certain seuil.

fi n'y a pas une définition qui serait "la meilleure" et qu'il faudrait faire construire:il n'y a pas, dans ce domaine, de savoir normatif.

Quelles activités intellectuelles?

Comment savoir ce qui se passe chez l'élève en classe, que ce soit en situation de cours dialogué, ou de travail sur documents, seul ou par petits groupes? Qu'est-ce-qui conditionne les progrès intellectuel et conceptuel?

Existe-t-il un type de cheminement que l'on pourrait dénommer

"conceptualisation" ?

"Abstraire", "mettre en relation", "généraliser", "comparer" ... sont autant de verbes qui renvoient à des activités propres à la conceptualisation.

Mais comment les apprécier, les mesurer?

De même que les sciences sociales, comme le souligne D. Jodelet99,"n'ont pas intégré dans leur approche de la pensée sociale la dimension cognitive et ne sont pas en mesure de penser le social comme du cognitif',de même, les études sur le raisonnement ne nous apprennent presque rien sur les causes du développement des instruments cognitifs, sur les processus psychologiques mis en oeuvre dans la conceptualisation.

Pour analyser ce qui se passe lors des processus de conceptualisation, nous avons cherché àéclaircir les activités intellectuelles mises en œuvre par les élèves au cours des apprentissages. Autantil est aisé de détecter les activités les plus courantes, autant nous sommes-nous sentis démunis, pour mettre en lumière, àtravers des observations de comportements et de verbalisations*, la manière dont s'élabore un concept. Les taxonomies* nous renseignent, certes, sur les différents modes de raisonnement classiques mais pas sur les processus psychologiques mis en œuvre dans la réorganisation cognitive. Après une tentative d'utiliser les grandes catégories de raisonnement 100 (pensée inductive, déductive, dialectique, divergente, analogique ...), et diverses typologies (Meirieu, Astolfi par exemple) nous avons dû créer notre propre grille d'analyse, en partant du postulat que nous n'analysions les activités intellectuelles que lorsqu'elles correspondaient au

99 JODELET D., op. cité, p. 58.

100cf. BLANCHÉ, R.,Le raisonnement, Paris, PUF, 1973.

OLÉRON, P.,Le raisonnement, Paris, PUF, Que sais-je, 1982.

RICHARD, J.F.,Les activités mentales, Paris, Armand Colin, 1990.

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maniement du concept ou des composantes (en particulier la composante temporelle) de l'objet historique.

Les résultats obtenus d'obseIVations provenant d'autres recherches 101

nous ont été utiles; notre grille s'est également affinée par une régulation collective.

Nous pouvons confirmer que les activités les plus fréquemment obseIVées sont des activités d'identification et de reproduction : l'élève relève une information dans les documents qui lui sont proposés et l'énonce fidèlement, même s'il la paraphrase ou la résume (identification), ou il restitue une connaissance plus ou moins complexe, scolaire, médiatique, ou issue du sens commun, sans autre élaboration personnelle (reproduction).

Au delà du couple identification-reproduction, pour repérer le profil de raisonnement* de l'élève, nous nous sommes limités à quatre grands types d'activités intellectuelles. L'élève qui cherche à construire un sens global est amené à :

• exprimer une interrogation ou une hypothèse qui va guider sa réflexion ; c'est ce que nous avons appelé formulation de problème;

• affecter un sens précis à certaines des infonnations qui lui sont proposées : interprétation;

• regrouper certaines infonnations pour les mettre en relations, en faire un ensemble cohérent, les comparer; il effectue ainsi une organisation.

Pour affiner les relations qui pouvaient exister entre l'activité d'organisation et la conceptualisation, nous avons été amenés à distinguer différentes formes d'organisation selon la nature ou l'effet de la mise en relation effectuée.

Nous avons été guidés dans ce choix par les verbalisations mêmes des élèves que nous avons confrontées avec des taxonomies* (en particulier celle de Guilford 102), pour les caractériser en termes d'activités de comparaison, hiérarchisation, etc. Nous avons aussi utilisé les différentes réflexions sur la conceptualisation, en relevant les activités intellectuelles

101 Recherche Articulation CM2-6ème :

Les enseignants en CM2 et en 6ème, ruptures et continuités,Rapport de recherche n011,INRP, 1987.

Recherche Articulation troisième-seconde INRP, AUDIGIER, F., cRÉMIEUX, C., MOUSSEAU, M.J., in Les enseignements en Troisième et Seconde: ruptures et continuités. INRP,1993.

102 GUILFORD,l.P., The nature of human intelligence, New-York, Mac Graw-Hill, 1967

constitutives du processus selon différents auteurs : catégorisation, généralisation, etc... Au tenne de cette double confrontation, nous avons retenu uniquement les activités ci-dessous.

Certaines correspondent à une caractérisation des mises en relation effectuées :

- comparaison ;

- hiérarchisation:lorsque l'élève classe attributs ou composantes par ordre d'importance;

- discrimination : lorsque l'élève distingue deux notions, deux concepts, deux attributs proches;

- structuration :lorsque l'élève donne une valeur de nécessité, et non de contingence, aux relations entre les attributs ou les composantes manipulées ;

- catégorisation :lorsque l'élève classe des objets de même nature.

D'autres vont au delà: ce n'est plus seulement la mise en relation mais son produit:

- généralisation: formulation de règles communes aux différents objets concernés, ou recours à des règles générales les concernant;

- production d'informations nouvelles:bien entendu, l'information n'est neuve que pour l'élève. Mais il "invente" une suite logiqueàce qu'il a articulé. Cette activité peut relever de la déduction c'est-à-dire d'une opération intellectuelle au cours de laquelle le sujet est amené àinférer une conséquence d'un fait, à répondre à la question "si cela est vrai, qu'est-ce que cela implique ?" Dans d'autre cas, la création d'information est imputableàuneinduction:l'élève dégage des données certaines régularités ou constances qui ne sont pas immédiatement apparentes, ou recourt pour leur donner un sens à une notion plus englobante que celle initialement mobilisée. La déduction fonctionne grâce àdes inférences rigoureuses, elle travaille en quelque sorte en aval ; l'induction utilise des inférences probables; l'hypothèse est miseàl'épreuve des faits dont elle rend compte;

elle travaille en amont.

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OUTILS ÉLABORÉS,

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