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Les rapports de voisinage: responsabilité de l’utilisateur

n’im-porte quel autre usage, d’engager la responsabilité de l’utilisateur ou exploi-tant d’une entreprise. Dans l’optique de la protection de l’environnement, on peut retenir plus particulièrement trois sources de responsabilité:

= L’article 679 CC relatif à la responsabilité du propriétaire: «Celui qui est atteint ou menacé d’un dommage parce qu’un propriétaire excède son droit, peut actionner ce propriétaire pour qu’il remette les choses en l’état ou prenne des mesures en vue d’écarter le danger, sans préjudice de tous dommages-intérêts».

= L’article 59a LPE relatif à la responsabilité pour atteintes à l’environnement: «Le détenteur d’une entreprise ou d’une installation qui présente un danger particulier pour l’environnement répond des dom-mages résultant des atteintes que la réalisation de ce danger entraîne.

En cas de dommage dû à l’utilisation d’organismes pathogènes, l’art.

59abis est applicable […]».

= Le chapitre 5 de la LGG concernant la responsabilité découlant de l’usage d’organismes génétiquement modifiés: «Toute personne soumise au ré-gime de la notification ou de l’autorisation qui utilise des organismes génétiquement modifiés en milieu confiné, qui dissémine de tels organis-mes dans l’environnement à titre expérimental ou qui les met sans auto-risation en circulation, répond des dommages causés par cette utilisation et dus à la modification du matériel génétique de ces organismes» (art.

30 LGG).

L’article 59abis LPE, auquel renvoie l’article 59a LPE, est la transcription dans la LPE pour les organismes pathogènes des règles prévues par la LGG pour les OGM. Il ne soumet donc pas les organismes pathogènes à une responsabilité différente.

La responsabilité résultant de l’article 679 CC est bien connue. Son applica-tion en milieu agricole ne fait pas de doute, pas plus que sa mise en œuvre en cas d’atteinte à l’environnement. En particulier, la pollution des eaux ayant causé un dommage au voisinage a souvent donné lieu à l’application de cette disposition, tant il est vrai que le fait de polluer la rivière d’autrui ou de dé-truire son élevage de poissons constitue un excès du droit de propriété. L’in-troduction de normes spécifiques en droit de l’environnement n’a pas exclu l’application des dispositions sur le voisinage qui demeurent en complément du système de protection environnemental et indépendamment de lui (les conditions de l’article 679 CC sont réalisées indépendamment du contenu de la LPE).

Les dispositions nouvelles de la LGG et leur appendice dans la LPE relatif aux organismes pathogènes constituent une réglementation nouvelle et en partie spécifique au domaine agricole. L’agriculteur y est en effet considéré essentiellement comme un lésé potentiel (art. 30 al. 2 LGG). Sa responsabi-lité à l’égard des tiers pour l’usage qu’il ferait d’OGM (semences, pestici-des, herbicides) reste soumise aux règles générales (droit du voisinage et droit de l’environnement).

La responsabilité découlant de l’article 59a LPE paraît surtout destinée aux exploitants d’entreprises industrielles, mais son champ d’application s’étend également aux entreprises agricoles dans la mesure où les précisions conte-nues à l’article 59a alinéa 2 LPE identifient des risques particuliers pour l’environnement qui concernent également l’activité agricole:

«Présentent en règle générale un danger particulier pour l’environne-ment, notamment les entreprises et installations suivantes:

a. celles que le Conseil fédéral soumet aux prescriptions d’exécution selon l’art. 10 en raison des substances, des organismes ou des déchets qu’elles utilisent;

b. celles qui servent à éliminer les déchets;

c. celles dans lesquelles sont utilisés des liquides pouvant altérer les eaux;

d. celles qui détiennent des substances dont l’utilisation est soumise à autorisation par le Conseil fédéral, ou pour lesquelles le Conseil fédéral édicte d’autres prescriptions particulières pour protéger l’environne-ment».

Il est clair que les hypothèses visées sous c et d concernent également les exploitations agricoles. Elles sont dès lors soumises à cette responsabilité qui présente la caractéristique d’être objective en raison de la réalisation du risque préalablement identifié. Lors de l’introduction de cette disposition, la possibilité d’appliquer au même état de fait les dispositions nouvelles et celles du Code civil a été réaffirmée lors des débats parlementaires.

On peut dès lors résumer comme suit les cas de responsabilité possibles pour une exploitation agricole, ainsi que les cumuls d’actions:

Article 679 CC:

Celui qui est atteint ou me-nacé d’un dommage parce

1 Toute personne soumise au régime de la notification ou de l’autorisation qui utilise des or-ganismes génétiquement modi-fiés en milieu confiné, qui dis-sémine de tels organismes dans l’environnement à titre expéri-mental ou qui les met sans auto-risation en circulation, répond des dommages causés par cette utilisation et dus à la modifica-tion du matériel génétique de ces organismes […].

Articles 679 CC + 59a LPE

= possible

Articles 59a LPE + 30 LGG

= exclu...?

Articles 679 CC + 30 LGG

= possible

La situation des entreprises agricoles dans le cadre de la nouvelle responsa-bilité liée à l’utilisation d’OGM mérite quelques précisions. Si la loi a expres-sément prévu la situation de l’agriculteur victime des OGM et la responsabi-lité de celui qui les met en circulation, il n’a pas précisé si l’agriculteur qui utilise des OGM dûment autorisés encourait une responsabilité spécifique.

On peut néanmoins imaginer aisément des situations où l’utilisation de se-mences génétiquement modifiées peut causer une atteinte à l’environnement et un dommage à des tiers:

§ OGM transmettant des caractéristiques à une plante sauvage («mau-vaise herbe»;

§ OGM «transporté» (par le vent, les insectes…) sur le champ du voisin;

§ OGM affectant les insectes pollinisateurs;

§ Relations de voisinage entre agriculteurs OGM et agriculteurs biologi-ques.

Le dernier cas est particulièrement intéressant car il entraîne un dommage qui n’est pas seulement environnemental, puisque l’agriculteur biologique qui se retrouve avec une récolte partiellement OGM perd sa qualité et son label, de même que son droit à des subventions. En principe, si la mise en circula-tion est autorisée, seul le titulaire de l’autorisacircula-tion répond des dommages causés à un agriculteur (art. 30 al. 2 LGG).

Les semences vendues sont mises en circulation avec autorisation par le producteur de semences ou l’importateur. L’agriculteur suisse ne produit pra-tiquement plus ses propres semences. Le titulaire de l’autorisation répond en outre de façon générale de la mise en circulation d’OGM défectueux (art.

30 al. 4 LGG):

«Si le dommage est causé par la mise en circulation autorisée de tout autre organisme génétiquement modifié et qu’il est dû à la modifica-tion du matériel génétique de cet organisme, le titulaire de l’autorisa-tion en répond, pour autant que l’organisme soit défectueux. Il répond également des défauts que l’état des connaissances scientifiques et de la technique n’a pas permis de détecter au moment de la mise en circulation de l’organisme concerné».

Le dommage causé doit alors être dû soit (a) aux nouvelles propriétés des organismes», soit (b) «à la reproduction ou à la modification des mes», soit (c) «au transfert du matériel génétique modifié de ces organis-mes» (art. 30 al. 5 LGG). En outre, pour que l’OGM soit défectueux, il faut

qu’il «n’offre pas la sécurité que l’on est en droit d’attendre compte tenu des circonstances»; pour apprécier cette absence de conformité aux attentes, on tiendra compte notamment de: (a) «la manière dont il est présenté au public», (b) «l’utilisation qu’on est raisonnablement en droit d’attendre» et (c) «la date de sa mise dans le commerce» (art. 30 al. 6 LGG). Il est toutefois entendu qu’un produit composé d’OGM ne peut être considéré comme dé-fectueux du seul fait qu’un produit meilleur a été mis dans le commerce ultérieurement (art. 30 al. 7 LGG).

La concentration de la responsabilité sur les fabricants (ou importateurs) ne devrait toutefois pas exclure celle de l’utilisateur lorsque celui-ci remplit les conditions de la responsabilité dans les rapports de voisinage. En effet, l’ex-cès du droit de propriété est indépendant de la nature de l’activité du proprié-taire et l’on ne saurait priver le voisin de l’ensemble des voies de droit qu’of-fre le code civil (cessation du trouble, prévention, notamment) pour le motif que l’instrument de l’excès (l’OGM baladeur) est ou n’est pas défectueux.

En revanche l’existence d’une action fondée sur l’excès et dirigée contre l’exploitant agricole n’exclut pas la mise en cause du fabricant fondée sur l’article 30 alinéa 2 LGG (dommage causé aux agriculteurs par la modifica-tion du matériel génétique).

Le recours à la responsabilité fondée sur la LGG présente en outre l’avan-tage de préciser certains éléments relatifs au fardeau de la preuve, à l’éten-due du dommage et au recours à l’expertise. Ainsi, l’article 31 LGG précise-t-il: «Celui qui répond de l’utilisation d’organismes génétiquement modifiés doit également rembourser les frais des mesures nécessaires et adéquates prises pour remettre en état les composantes de l’environnement détruites ou détériorées, ou pour les remplacer par un équivalent». Cette réparation du dommage écologique ne devrait toutefois pas être exclue en cas de respon-sabilité fondée sur les rapports de voisinage. De même, l’allègement du far-deau de la preuve prévue à l’article 33 LGG et qui permet au juge de se contenter d’une «vraisemblance convaincante» n’est-il pas exclu sur la base des règles générales, mais son admissibilité demeure aléatoire.

On relèvera enfin que si le cumul de la responsabilité fondée sur l’art. 59a LPE et de celle résultant de l’art. 30 LGG paraît exclu, la LGG visant mani-festement à établir un régime spécial pour les dommages résultant de modi-fication génétiques, l’art. 59a LPE lui-même n’exclut que le régime des or-ganismes pathogènes. Sans doute, l’art. 59a al. 2 let. d LPE a-t-il été modifié

lors de l’adoption de la LGG pour exclure la référence à la manipulation d’organismes, mais le texte actuel de cette disposition et la référence aux liquides polluants de l’art. 59a al. 2 let. c LPE ne permettent pas d’exclure qu’une entreprise agricole puisse être considérée comme particulièrement dangereuse pour l’environnement du fait qu’elle utilise des produit contenant des OGM. Les conditions de la responsabilité ne sont en effet pas les mê-mes.

IV. L’exploitation d’une entreprise industrielle et la responsabilité environnementale

Les risques de pollution grave de l’environnement sont le plus souvent asso-ciés à l’image de l’entreprise industrielle. Aussi est-ce généralement à ce type d’activité que s’appliquent les règles sur la responsabilité dans ce do-maine, en particulier celle du propriétaire d’immeuble. Il en va de même pour les règles de l’aménagement du territoire visant à prévenir les nuisances.

L’étude d’impact, instrument privilégié dans cette optique, vise avant tout ce genre d’activités. Aussi les développement qui suivent se limitent-ils volon-tairement à un aspect spécifique et, peut-être moins souvent envisagé, de la responsabilité environnementale dans le domaine industriel, celui de l’utilisa-tion et de la producl’utilisa-tion de substances et d’organismes.

A. L’utilisation de substances et d’organismes sur un site