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Si ces dispositions du droit fédéral rangent le bruit dans la catégorie des atteintes pouvant être nuisibles ou incommodantes (art. 7 al. 1 LPE), aucune norme n’énonce ce qu’il faut entendre par «bruit». L’Office fédéral de l’en-vironnement, des forêts et du paysage (OFEFP) en donne la définition sui-vante: un son indésirable pour les personnes affectées, qui peut les incommo-der psychiquement, physiquement, socialement ou économiquement. Cette définition combine un phénomène physique, d’une part (un mouvement vi-bratoire, caractérisé par sa fréquence, exprimée en Hertz [Hz] et par son intensité, exprimée en décibels [dB]), et une perception individuelle, confé-rant à ce phénomène une dimension socio-psychologique19. Le bruit a des effets multiples – notamment des effets sur la santé20 – qui de manière géné-rale deviennent plus importants avec la croissance du niveau sonore21. Pour déterminer à partir de quel seuil d’intensité un bruit devient nuisible ou in-commodant, des études psycho-sociologiques ont parfois été nécessaires;

c’est sur cette base que, pour certains types de bruit, des valeurs limites ont pu être proposées par des spécialistes de l’acoustique22.

2. Les valeurs limites applicables à l’évaluation du bruit

La loi fédérale a, précisément, prévu des valeurs limites pour l’évaluation du bruit. Cela avait déjà été envisagé, en 1963, dans un rapport d’une commis-sion fédérale d’experts (scientifiques et juristes), rapport qui constitue en quelque sorte le point de départ du processus législatif ayant abouti à

l’adop-19 OFEFP (2002), p. 26.

20 D’après la définition de l’OMS, la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social; les effets sur la santé ne se limitent pas aux troubles physiques et objectifs pouvant faire l’objet d’un diagnostic (p. ex. les lésions auditives), mais englo-bent également les perturbations du bien-être subjectif, qui peuvent aussi mener à long terme à des troubles physiques (OFEFP (2002), p. 28).

21 La gamme des intensités sonores perceptibles s’étend de 0 dB à 130 dB («fourchette d’audibilité»). Il s’agit d’une échelle logarithmique, basée sur la réalité physiologique selon laquelle la perception auditive n’est pas proportionnelle à l’excitation physique, mais approximativement à son logarithme. À titres d’exemples, le niveau sonore d’une conversation à voix basse à 1.5 m est de 25 dB, celui d’une voiture assez silencieuse de 50 dB, celui d’un restaurant bruyant de 70 dB, d’une scie à ruban de 100 dB; à partir de 100 dB, un bruit est difficilement supportable. Cf à ce sujet: FAVRE (2002), p. 12 ss.

22 A propos d’une de ces études menée récemment en Suisse, la «Lärmstudie 90» (au sujet du dérangement provoqué par le bruit routier et le bruit aérien), cf. ATF 126 II 522, 576 Bachs = JT 2001 I 616.

tion de la LPE et de l’OPB23. Dans ces textes législatifs, la valeur représen-tant le seuil à partir duquel les atteintes peuvent être considérées comme nuisibles ou incommodantes est intitulée «valeur limite d’immissions» (VLI).

La loi précise que les valeurs limites d’immissions s’appliquant au bruit sont fixées de manière que, selon l’état de la science et l’expérience, les immissions inférieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la population dans son bien-être (cf. art. 13 et 15 LPE). Sur la base des critères légaux, le Conseil fédéral a fixé dans des annexes de l’ordonnance, à partir de 1987, des valeurs limites pour les principales sources d’émissions sonores.

Dans l’OPB, les valeurs limites sont exprimées en décibels. Elles correspon-dent à un niveau de bruit moyen, et non pas à un niveau instantané (niveau maximal, pointe). Les immissions de bruit sont en effet généralement déter-minées sous la forme du niveau d’évaluation Lr, qui se compose d’un niveau acoustique (niveau moyen Leq pour un certain laps de temps24, obtenu sur la base de calculs ou de mesures) et d’un facteur de correction K, tenant compte des caractéristiques de la gêne engendrée par un type de bruit donné (cf. art.

38 OPB)25. L’OPB fixe des valeurs limites d’immissions pour le bruit du trafic routier, le bruit des chemins de fer, le bruit des aérodromes civils, le bruit de l’industrie et des arts et métiers, le bruit des installations de tir et le bruit des aérodromes militaires26. Ces valeurs varient selon le degré de sen-sibilité de la zone (art. 43 OPB), en d’autres termes en fonction de l’affecta-tion de la zone où se produisent les immissions, affectal’affecta-tion définie par les plans et règlements d’aménagement du territoire (zones résidentielles, mix-tes, industrielles, etc. – cf. infra, IV.B). Elles sont en outre différentes pour le jour et pour la nuit27. S’agissant par exemple du bruit du trafic routier, ces valeurs sont les suivantes28:

23 Rapport intitulé «La lutte contre le bruit en Suisse» (édité en 1963 par le DFJP).

24 Comme le bruit émis par la plupart des installations (route, usine, voie de chemin de fer, aéroport, etc.) varie dans le temps, on détermine un niveau moyen Leq («niveau continu équivalent»), que l’on obtient en faisant la moyenne de l’énergie des émissions sonores sur une certaine période – cf. OFEFP (2002), p. 89.

25 En résumé: Lr = Leq + K. Le niveau d’évaluation Lr se calcule toutefois à partir de niveaux d’évaluation partiels et les corrections de niveau varient selon certains para-mètres; les formules de calcul figurent dans les annexes de l’OPB.

26 Annexes 3 à 8 de l’OPB.

27 Annexe 3 de l’OPB, valeurs limites d’exposition au bruit du trafic routier.

28 Le niveau d’évaluation Lr est exprimé en dB(A): il s’agit d’un niveau en décibels avec un facteur de pondération (A), pour tenir compte des réactions inégales de l’oreille humaine selon la fréquence – cf. OFEFP (2002), p. 89.

Jour (06-22 h.) Nuit (22-06 h.)

Degré de sensibilité I 55 dB(A) 45 dB(A)

Degré de sensibilité II 60 dB(A) 50 dB(A) Degré de sensibilité III 65 dB(A) 55 dB(A) Degré de sensibilité IV 70 dB(A) 60 dB(A)

Pour les autres sources de bruit, les VLI correspondent, à quelques nuances près, à celles prévues pour le trafic routier: en substance, le niveau d’évalua-tion Lr qui constitue le seuil déterminant est de 60 ou 65 dB(A) de jour dans les zones affectées à l’habitation (selon qu’on applique un degré de sensibi-lité II ou III). Dans le système de l’OPB, si les valeurs limites sont générale-ment fixées au même niveau, le mode de calcul du niveau d’évaluation Lr est en revanche spécifique à chaque genre de bruit.

Pour ces différentes sources de bruit (routes, chemins de fer, etc.), le droit fédéral contient ainsi actuellement des critères clairs permettant de détermi-ner si l’atteinte est excessive. L’élaboration de ces critères, notamment pour la définition du niveau d’évaluation Lr, et la fixation des valeurs limites d’immissions n’ont toutefois pas été des tâches faciles pour le législateur. La difficulté provient d’abord de la complexité technique de la matière, mais également d’une nécessaire pondération des intérêts en jeu: celui des per-sonnes exposées au bruit et celui des exploitants d’installations bruyantes, qui peut être un intérêt public (c’est le cas pour les infrastructures routières, ferroviaires et aéroportuaires). La fixation des valeurs limites d’immissions pour le bruit du trafic aérien a été particulièrement délicate. Ces valeurs n’ont été adoptées définitivement que plusieurs années après l’entrée en vigueur de la loi, soit en 1995 pour les aérodromes militaires et en 2001 pour les aérodromes civils. S’agissant du bruit du trafic aérien civil, le Tribunal fédéral a du reste été appelé à contrôler la légalité d’une première version de l’annexe 5 de l’OPB (valeurs limites d’exposition au bruit des aérodromes civils), à l’occasion d’une contestation relative à l’agrandissement de l’aéro-port de Zurich, et il a considéré que les valeurs fixées par le Conseil fédéral, plus favorables à l’exploitation des grands aéroports que ce qu’avait proposé une commission fédérale d’experts, n’étaient pas conformes aux critères de la loi fédérale sur la protection de l’environnement29. A la suite de cet arrêt,

29 ATF 126 II 522, 573 ss Bachs = JT 2001 I 616. Dans une contestation relative au bruit d’un stand de tir, la légalité de la formule de l’annexe 7 de l’OPB pour définir le niveau d’évaluation Lr a également été mise en cause, mais le Tribunal fédéral a rejeté le grief (ATF 126 II 480, 485 Mutrux).

le Conseil fédéral a dû fixer de nouvelles valeurs limites pour ce type de bruit30.

III. Les règles applicables à la construction

et à la transformation d’installations bruyantes

A. Le concept d’action à deux niveaux:

limitation préventive et limitation plus sévère

L’objectif du droit public fédéral n’est cependant pas uniquement de fixer des valeurs limites permettant de faire la distinction entre les bruits excessifs (nuisibles ou incommodants) et les autres, et de laisser à l’autorité compé-tente ou au juge le soin d’imposer de cas en cas les mesures de protection appropriées. Cette législation contient une série de règles s’appliquant à la construction de nouvelles installations bruyantes, à l’assainissement d’instal-lations existantes et également aux mesures d’aménagement du territoire à prendre pour assurer une meilleure protection contre le bruit. Il faut rappeler d’emblée que les valeurs limites d’immissions ne sont pas le seul critère déterminant pour la limitation des émissions de bruit d’une installation. En vertu des principes fondamentaux de la loi fédérale sur la protection de l’en-vironnement, le bruit doit être limité par des mesures prises à la source (art.

11 al. 1 LPE), selon un concept d’action à deux niveaux31. Il importe ainsi en premier lieu, à titre préventif et indépendamment des nuisances existantes, de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable (premier niveau, art. 11 al. 2 LPE). Cette action préventive est requise, par principe, même si le bruit n’est pas excessif dans le voisinage de l’installation (en d’autres termes, même en l’absence d’un dépassement de valeurs limites; cf. aussi art. 1 al. 2 LPE, qui consacre le principe de la prévention en droit de l’environnement). En outre, s’il appert ou s’il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de l’environne-ment, seront nuisibles ou incommodantes, les émissions doivent être limitées plus sévèrement (second niveau, art. 11 al. 3 LPE). Comme on vient de l’exposer, ce sont les valeurs limites d’immissions qui permettent d’évaluer

30 Révision de l’OPB du 30 mai 2001, RO 2001 1610.

31 À propos de ce concept, cf. notamment ATF 128 II 378, 384 TDC Switzerland.

le caractère nuisible ou incommodant de l’atteinte. Les principes de base de l’article 11 LPE sont complétés par différentes dispositions, qui figurent soit dans la loi elle-même soit dans l’ordonnance sur la protection contre le bruit.

B. Les conditions applicables à la construction de nouvelles