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LES RAPPORTS DE CONFRATERNITE

Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE (Page 58-61)

1. Fraternité et solidarité

Le serment d’Hippocrate ne limite pas les liens entre maître et disciple à une simple relation

d’enseignement. Tout comme le serment médical, il rappelle l’entraide indispensable qui doit

exister entre les membres de la même corporation.

Le sentiment d’appartenance à un groupe particulier s’inscrit très tôt dans l’esprit de l’étudiant

en médecine, d’une part par le principe de sélection appliqué dès les premières années

d’étude, et d’autre part, par les situations difficiles auxquelles chacun doit faire face

quotidiennement. Le soutien entre pairs est primordial pour supporter, physiquement, la

lourde charge de travail mais aussi, psychiquement, la confrontation régulière à la maladie et

la mort. L’épanchement larmoyant dans les bras des uns et des autres leur paraissant indigne

de leur condition et donc inenvisageable, les médecins, dans leur virilité primitive, préfèrent

chercher du réconfort dans la légèreté, le jeu, l’obscénité, le sexe, et libérer ainsi leurs

frustrations. Les repas en salle de garde en sont la plus belle représentation. Dans Un Léopard

sur le garrot

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, Jean-Christophe Ruffin se souvient de ces moments de repos, pendant son

internat, où chacun se plaisait à jouer un nouveau rôle et acceptait de se plier à des règles

issues d’un autre temps. Personnage actif de la « cérémonie » du déjeuner (il avait, pendant un

de ses semestres d’interne, occupé la fonction d’« économe », c’est-à-dire de régisseur et de

chef de la salle de garde), il évoque avec nostalgie l’esprit de communion qui régnait et ce

sentiment intense de fraternité qu’il ressentait alors (Annexe 7).

Cette solidarité initiale, décrite ici sous son aspect le plus grossier, se poursuit également plus

tard sous d’autres formes. Martin Winckler, dans La Maladie de Sachs

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, mentionne l’entraide

l’absence de l’un ou l’autre (Annexe 8). Des situations plus dramatiques encore mettent en

exergue cette fraternité : René Allendy, médecin et psychanalyste de la première moitié du

XXème siècle, est atteint d’une insuffisance rénale chronique terminale. Pendant ses derniers

mois de vie, il écrit Journal d’un médecin malade

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, dans lequel il relate sa vie quotidienne de

malade, ses pensées, ses impressions sur son entourage et sa maladie. Ses anciens confrères

viennent lui rendre visite dès qu’ils le peuvent : pour donner un avis médical, pour discuter

des évènements récents qui agitent le pays (nous sommes en 1942), ou pour évoquer leurs

problèmes personnels. Avec plus ou moins de courage, tous sont présents pour accompagner

l’un des leurs sur la longue route de la maladie, vers la mort. Conscients de leur impuissance

professionnelle, ils n’ont plus que le soutien moral et l’amitié à lui offrir.

2. Les aspects négatifs

L’entraide, la solidarité, la fraternité ne sont cependant pas toujours de mise entre médecins.

Dans ce métier où l’individualité prime, il est facile de jalouser et haïr ses confrères, de juger

leurs pratiques et leurs actes, voire de leur porter préjudice.

Sous prétexte de divergences d’opinion, la lutte entre deux hommes est fréquente dans la

communauté médicale. Laurent Pasquier

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l’expérimente auprès de ses deux maîtres qu’il

s’est choisis: il découvre en effet que les deux savants qu’il admire plus que tout, s’opposent

sur leur terrain de jeu commun, la science. En apparence, il s’agit d’un simple conflit d’idées

par articles interposés, mais Laurent réalise bientôt avec affliction que ses deux idoles se

vouent une haine implacable et féroce, les empêchant chacun d’apprécier à juste titre la valeur

des travaux de l’autre. Quitte à se déprécier et à se ridiculiser aux yeux de leurs disciples et de

la communauté scientifique, les professeurs Chalgrin et Rohner sont prêts à toutes les

main et de répondre au pardon que Chalgrin lui offre humblement pour clôturer leur querelle.

Le lendemain, Chalgrin est victime d’un accident vasculaire cérébral et prive Rohner de son

adversaire ultime, et d’une certaine manière du « sens même de [sa] vie ».

Dans Les Trois médecins

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, Martin Winckler évoque lui aussi la rivalité entre deux hommes,

LeRiche et Vargas, coordinateurs respectivement des premier et deuxième cycle des études de

médecine à la faculté de Tourmens. LeRiche est gynécologue-obstétricien et porte aux nues la

chirurgie, tandis que Vargas est microbiologiste et vénère la clinique plus que tout.

L’affrontement n’est jamais direct entre les deux médecins : leur joute idéologique se

concrétise par l’intermédiaire des étudiants (Annexe 10). Le serment d’Hippocrate semble

bien loin pour ces personnages qui manipulent leurs disciples et ridiculisent le principe de

confraternité sous leurs yeux.

Parfois les faits semblent moins graves mais le sont tout autant en réalité. Prononcer certaines

petites phrases telles que « Ce n’est pas très sérieux »

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portant un jugement sur les actes d’un

confrère devant un(e) patient(e), revient à dénigrer et désavouer le confrère. De même, des

sentiments négatifs tels que la colère éprouvée envers l’un de ses collègues peuvent

transparaitre dans l’attitude, le regard ou l’expression du médecin et condamner la relation

instaurée entre le collègue et le (la) malade.

Antoine Sénanque donne un contre-exemple extrême de confraternité dans Blouse

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: Vadas,

chirurgien orthopédique hors pair, accepte d’opérer les cas les plus désespérés ce qui entraine

peu à peu une dégradation de ses rapports avec toutes les équipes (infirmières, anesthésistes,

radiologues). Un jour de garde, il opère en urgence une compression traumatique de la

moelle : le patient se retrouve paraplégique et la famille porte plainte contre le chirurgien. La

responsabilité de Vadas n’est pas établie, mais ses collègues et confrères, au lieu de le

soutenir, le délaissent voire l’accablent (Annexe 11). Le lien fraternel est rompu ; le serment,

bafoué.

II. RELATIONS MEDECINS/MALADES

Dans le document DOCTORAT EN MEDECINE (Page 58-61)

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