• Aucun résultat trouvé

LES RAPPORTS CORROMPU-EMPLOYEUR

Dans le document Les pots-de-vin (Page 171-183)

§ 1 : LE COMPORTEMENT DU CORROMPU EN DROIT CIVIL.

En acceptant - ou en exigeant - un avantage dont il reconnaît la nature corruptrice, l'employé trahit manifestement les intérêts de son employeur. Il viole par là le devoir de fidélité que la loi lui impose.

Ce devoir est exprimé de manière légèrement différente selon les contrats en cause, mais fondamentalement le corrompu est tenu de s'y soumettre.

1.1. Contrat de travail.

L'article 321 a alinéa 1 CO est très clair à ce sujet; il prévoit:

« Le travailleur exécute avec soin le travail qui lui est confié et sauvegarde fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur». Ce devoir implique l'interdiction d'accepter des pots-de-vin 1 ; c'est ce qu'a dit le Tribunal fédéral 2 : «Le silence du contrat d'engagement ne signifie pas, selon les règles de la bonne foi, que le demandeur pouvait recevoir des cadeaux du genre de ceux offerts par Früh.

De tels versements ne se font pas pour des motifs désintéressés, mais constituent des « pots-de-vin » destinés à ménager au donateur les bonnes grâces de celui qui les reçoit. Le premier risque fort d'être ainsi amené, dans l'accomplissement de ses obligations con-tractuelles, à faire passer les intérêts de son employeur après ceux de la partie adverse ou après son propre désir de lucre. »

1 Par ex. M. Rehbinder, Droit suisse du travail, p. 50.

2 JT 1967 I, p. 146 ss, 151 = RO 92 Il, p. 184 ss, Maag c. Konsumverein Frauenfeld.

164 PARTIE SPÉCIALE

1.2. Contrat de mandat.

L'article 398 alinéa 2 CO impose aussi expressément au manda-taire un devoir de fidélité envers son mandant. Cette disposition est très importante en pratique puisque les règles du mandat s'ap-pliquent à titre subsidiaire à de nombreux contrats (cf. l'article 394 alinéa 2 CO).

Ce devoir de fidélité doit s'interpréter largement, comme d'ail-leurs dans le cas du contrat de travail 3 : «Die Treue geht weiter.

Es genügt nicht, dass der Schuldner die zur konkreten Vertragser-füllung notwendigen Erfüllungshandlungen sorgfültig vornimmt.

Vielmehr ist er verpflichtet, alles zu tun, was zur Erreicherung des Auftragserfolges erfordlich, sein oder werden kann und insbesondere alles zu unterlassen, was dem Auftragsgeber Schaden, insbesondere Vermogensschaden, zufügen konnte 4 ».

Il est ainsi évident que le mandataire corrompu (ou extorqueur) viole un tel devoir de fidélité ; le pot-de-vin est d'ailleurs souvent cité comme exemple d'une telle violation 5 • La même solution pré-vaut en droit allemands, comme en droit anglais 1.

Un certain nombre d'auteurs8 pensent que le devoir de fidélité impose au mandataire ou à l'employé l'obligation de révéler à son mandant ou employeur une offre de pot-de-vin rejetée, car celle-ci révèle un état d'esprit et une façon de travailler qui mettent en danger (ou peuvent mettre en danger) les intérêts présents et futurs de l'employeur ou mandant. Une telle interprétation du devoir de fidélité nous paraît tout à fait justifiée ; en effet, elle seule permet de sauvegarder la confiance qui doit présider aux relations entre employeur et employé. C'est donc à notre avis plutôt sur cette con-fiance qu'il faut fonder le devoir d'avertir l'employeur et non sur d'éventuels risques causés par le corrupteur.

1.3. Autres contrats.

Un devoir de fidélité analogue est à la charge de l'entrepreneur, du courtier, de l'agent, du transport, de l'associé d'une société de personnes 9,

3 Par ex. : A. Steinbeisser, thèse, p. 98 ss.

4 Gautschi, ad 398 CO, 5 a, p. 351.

5 Idem, phrase suivante; Oser/Schonenberger, ad. 319 CO, 32.

6 Soergel/Siebert/Wlotzke/Volze, ad § 611 BGB, 78 (réf.).

7 Halsbury's Laws of England, vol. 1, 791 ; Salford Corpn. v. Lever (1891) I QB 168 CA, p. ex. et supra Chapitre VI, 2.4.2 (réf.).

s En droit alemand : M. Riese in BB 1952, p. 774 et avec des réserves les auteurs cités à la note 6 ; en droit suisse : A. Steinbeisser, thèse, p. 100.

9 Cf. Gautschi, ad 364 CO, 1; ad 398 CO, 5 b et les articles 538, 540 CO.

LES RAPPORTS CORROMPU-EMPLOYEUR 165 Il faut maintenant examiner les moyens à disposition de l'em-ployeur trompé; nous utiliserons désormais le terme eml'em-ployeur, sauf précision particulière, dans un sens large, c'est-à-dire sans viser reçus dans l'exercice de leur activité contractuelle.

Ces deux textes doivent être interprétés largement 10 et

166 PARTIE SPÉCIALE

Que se passe-t-il en cas de corruption indirecte 14, c'est-à-dire lorsque l'avantage indû est accordé à une tierce personne suscep·

tible d'influencer l'employé (en raison de liens particuliers entre ces deux individus) et que l'employé le sait ? O. Hirzel 15 reconnaît un devoir de restitution du tiers et le fonde sur le fait qu'il existe un rapport de causalité entre l'avantage et les actes de l'employé et que « Das Zugewendete kann hier nicht unter den Begriff der Schenkung fallen, sondern ist es das Aequivalent einer unlauteren Handlung, sein Rechtsgrund das unlautere Verhalten des Angestell-ten oder BeauftragAngestell-ten 1s ».

Cette conclusion nous paraît inacceptable : la base du devoir de restitution est le contrat de travail ou de mandat auquel le cor-rupteur médiat est totalement étranger ; on ne peut donc fonder une action contre ce tiers que sur un acte illicite propre (et c'est une question controversée que de savoir si l'incitation à la violation d'obligations contractuelles est un acte illicite, cf. supra chapitre VII, 5.1.1 et 5.1.2; une telle action est analogue à celle contre le corrupteur 17).

Le tiers ne pourrait ainsi qu'être poursuivi pour le dommage qu'il a causé comme «intermédiaire», dommage qui n'a pas de liens directs et nécessaires avec le montant du pot-de-vin. De plus, l'em·

ployé ou le mandataire n'est pas enrichi non plus dans cette hypo·

thèse, ce qui exclut l'application des articles 321 b alinéa 1 et 400 alinéa 1 CO.

Cependant, dans la mesure où le corrompu et l'intermédiaire ont commis un acte illicite, l'application de l'article 50 CO permet d'invoquer leur responsabilité solidaire (cf. supra chapitre VII, 2.1.3). Plus intéressants sont néanmoins les problèmes de concours entre diverses prétentions sur les pots-de-vin.

2.2.2. Concours de prétentions.

Lorsque le corrompu commet une infraction (cf. supra chapi-tre V), l'Etat peut, dans certains cas 18, exiger la confiscation, ou même éventuellement la dévolution des avantages retirés par le cor-rompu, sur la base des articles 58 ou 59 CPS. Il faut par conséquent se demander quelle est la situation lorsque l'Etat et l'employeur réclament - sur des bases différentes - le même pot-de-vin.

14 Sur la notion, cf. J. Kunz, thèse, p. 50 ss ; O. Hirzel, thèse, p. 45 ; A. Stein·

beisser, thèse, p. 16 ss.

15 Thèse, p. 93.

16 Idem.

17 Supra Chapitre VII, § 5.

18 Cf. H. Schultz in RJB 1978, p. 305 ss (not. 330); J. Gauthier in Festgabe Schultz, p. 365 ss.

LES RAPPORTS CORROMPU-EMPLOYEUR 167 Les deux actions, publiques et privées, poursuivent le même but:

éviter que le corrompu ne retire un avantage économique de l'acte reproché m. On doit donc admettre que lorsque ce but est atteint par l'action de l'employeur, l'article 58 CPS ne peut plus s'ap-pliquer 20 •

Cette déduction est d'ailleurs confirmée par l'article 58 bis CPS qui réserve les prétentions des tiers, soit dans le cas de la corrup-tion les prétencorrup-tions de l'employeur.

Ce n'est donc à notre avis qu'à défaut de prétentions de l'em-ployeur que l'on peut recourir aux mesures des articles 58 et 59 CPS.

Le droit allemand connaît le même problème de concours entre les droits de l'employeur, fondés sur les paragraphes 667 et 687 II du BGB, et de l'Etat, fondés sur le paragraphe 12 III de l'UWG 21•

La doctrine met ces diverses actions sur pied d'égalité, mais il pa-raît possible d'ordonner la dévolution - totale ou partielle - à l'Etat malgré un remboursement à l'employeur, si l'équité l'exige 22 • L'employé peut ainsi devoir payer deux fois le pot-de-vin et être appauvri d'autant ; nous noterons cependant qu'une telle solution ne semble, implicitement, admise que lorsque l'employé corrompu a causé d'autres dommages par ses actes déloyaux. Enfin, la dévolu-tion à l'Etat a, en droit allemand, le caractère d'une peine 2 3 et ne constitue pas une simple mesure réelle de sûreté comme en Suisse;

cette caractéristique explique le traitement différent d'un problème analogue.

§ 3 : LA RÉPARATION DU DOMMAGE ÉVENTUEL.

3.1. Généralités.

L'acceptation de pots-de-vin, donc la violation du devoir de fidé-lité de l'employé 24, peut avoir des conséquences dommageables pour

19 Cf. H. Schultz in RJB 1978, p. 332 et le texte même de l'article 58 alinéa 1 lettre a CPS.

20 Dans le même sens, H. Schultz, op. cit., p. 318, et moins clairement: J. Gau-thier, op. cit., p. 373.

21 Cf. E. Tillmann, thèse.

22 Le même, not. p. 136 (réf.); Baumbach/Hefermehl, commentaire, § 12 21 ; H. Menkens in DB 1970, p. 686.

23 E. Tillmann, thèse, p. 6 ; E. Eser, thèse, p. 107 ss ; cf. aussi l'arrêt du BGH in NJW 1957 II, p. 1244.

24 Cf. supra § 1.

12

168 PARTIE SPÉCIALE

l'employeur. Il peut ainsi arriver que celui-ci soit amené à conclure des contrats désavantageux avec le corrupteur, désavantageux en raison du prix payé, des prestations obtenues 2 5 , Un tel dommage n'est pas nécessairement supprimé ou diminué par les actions dont l'employeur peut disposer envers le corrupteur en raison du con-trat subséquent ; il peut ainsi arriver que les actions contre le corrupteur n'aboutissent pas parce que ce dernier a disparu ou qu'il ne peut faire face à ses obligations; on peut aussi imaginer que l'employeur choisisse de poursuivre uniquement son employé, res-ponsable solidaire en vertu de 50 CO (cf. Chapitre VII, 5.1.3). Il convient donc d'examiner brièvement cette question de la répara-tion du dommage causé par l'employé corrompu à son employeur.

En matière de contrat de travail, l'article 321 e alinéa 1 prévoit que «le travailleur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence», Cette règle s'applique aussi à la responsabilité du mandataire (article 398 alinéa 1 CO).

Le fait que le droit du travail règle expressément la responsa-bilité de l'employé et prévoie notamment des critères particuliers pour mesurer la diligence de celui-ci (articles 321 lettre e alinéa 2) conduit à se demander si la règle de l'article 97 CO sur le fardeau de la preuve en matière de faute s'applique dans cette matière. Le Message de 1967 concernant la revision du droit du travail 26 et la majorité de la doctrine 21 appliquent les articles 97 CO et suivants et imposent à l'employé la preuve de l'inexistence d'une faute.

D'autres auteurs, tenant compte de la nature particulière du contrat de travail, mettent la preuve de la faute à la charge de l'em-ployeur 28, En matière de corruption, l'application de l'une ou l'au-tre opinion n'a pas d'effets très différents puisque la loi - que nul n'est censé ignorer - interdit à l'employé de recevoir des pots-de-vin (cf. supra 1.1 et 1.2) ce qui facilite la preuve de la faute de l'employé.

Les problèmes se posent en réalité, en matière de corruption, au niveau de la preuve du dommage de l'employeur.

Ce dommage résultant de la violation du contrat liant l'em-ployeur à l'employé sera examiné selon les règles de l'article 42 CO auxquelles renvoie l'article 99 alinéa 3 CO ; le juge dispose par

con-25 Pour des exemples, cf. H.R. Koch, thèse, p. 110 ss; les auteurs suisses restent très évasifs sur ce problème précis de la nature du dommage.

26 Mesage du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale concernant la revision des titres X et X bis du code des obligations, 2S août 1967, Vl/1 ad 321 e, p. 71.

27 Par exemple Becker ad 320 CO, 12; M. Rehbinder, Droit suisse du travail, p. SS.

28 F. Vischer, Schweizerisches Privatrecht, VIl/l, p. 360; E. Schweingruber, commentaire, ad 321 e.

LES RAPPORTS CORROMPU-EMPLOYEUR 169 séquent d'un certain pouvoir d'appréciation tant en ce qui concerne l'existence, que l'évaluation du dommage 29 • Cependant, l'employeur doit quand même fournir des indices suffisants à cet égard, ce qui n'est pas toujours facile en matière de pots-de-vin 30 •

Il ne nous paraît pas possible d'admettre, comme le fait O.

Hirzel 31 que le montant du dommage est toujours au moins égal à celui de l'avantage conféré à l'employé corrompu. Le corrupteur tient bien sûr compte de cet élément dans le calcul de ses prix ; néanmoins, il n'est pas certain qu'il diminue ses prix lorsqu'il ob-tient une affaire sans l'aide de pots-de-vin, ni qu'il les augmente dans la proportion exacte de ceux-ci.

L'affirmation du Bundesgerichtshof en la matière ne nous paraît pas convaincante non plus: «Es ist der typische Verlauf, dass dem Geschaftsherrn, wenn er das Geschaft selbst geführt oder ein red-licher Vertreter für ihn gehandelt hatte, wertmassig mindestens der dem unredlichen Vertreter gewahrte Vorteil als Gegenleistung ange-boten worden ware 32 ». Même si on facilite par là - ce qui en soi nous paraît souhaitable - la tâche de l'employeur, l'hypothèse de travail reste quand même spéculative; l'employeur n'est donc à notre avis pas déchargé par ce biais du fardeau de la preuve de son dommage.

Les quelques remarques faites sur les difficultés de l'action en réparation du dommage nous incitent à noter qu'en regard des pos-sibilités de récupérer le pot-de-vin (supra § 2), de renvoyer le cor-rompu 33 ou de se défaire du contrat subséquent (supra chapitre VII), cette action apparaît en pratique comme exceptionnelle et peut-être même subsidiaire. On voit en effet mal pourquoi l'em-ployeur qui dispose de nombreux moyens d'intervention choisirait la voie la plus difficile et la plus aléatoire.

3.2. Concours de prétentions.

La question la plus importante en matière de concours est celle de la possibilité pour l'employeur d'exiger la restitution de l'avan-tage indû et, en même temps, la réparation du dommage subi.

29 JT 1968 I 534 ss = RO 93 I 453 ss, Grobéty.

30 Cf. Kunz, thèse, p. 86 et 100; A. Steinbeisser, thèse, p. 100 ; O. Hirzel, thèse, p. 73 ; H.R. Koch, thèse, p. 184; E. Tilmann, thèse, p. 16-17.

31 Thèse, p. 74 ; cf. aussi A. Steinbeisser, thèse, p. 103 et E. Heinmann, loc. cit.

note 13.

32 in NJW 1962, p. 1100; critiqué par E. Tillmann, thèse, p. 17 (réf.); approuvé par Baumbach/Hefermehl, commentaire, p. 1095.

33 Infra, § 4.

170 PARTIE SPÉCIALE

Il nous paraît que ces deux actions sont cumulatives 33his: la pre-mière représente en effet simplement l'exécution d'un devoir con-tractuel (et légal) et est pour cette raison tout à fait indépen-dante d'une action en dommages-intérêts résultant de la violation de son devoir de fidélité par le corrompu. Cette remarque, qui met en lumière la distinction entre les deux prétentions, renforce encore notre opinion selon laquelle le dommage éventuel n'est pas néces-sairement égal au montant du pot-de-vin qui en est à la source.

§ 4: LA RÉSILIATION DU CONTRAT LIANT L'EMPLOYEUR AU CORROMPU.

L'acceptation, respectivement la demande, de pots-de-vin cons-tituent un juste motif permettant à l'employeur de résilier le contrat le liant au corrompu.

4.1. Contrat de travail.

L'article 337 alinéa 1 CO permet expressément la résiliation im-médiate pour de justes motifs. Cette disposition a le même sens que l'ancien article 352 CO 34 ; nous pouvons donc nous référer à la jurisprudence fondée sur celui-ci.

Deux conditions doivent être remplies pour que l'existence de justes motifs soient reconnus : d'une part, il faut que « Les actes ou le comportement invoqués soient de nature à ruiner la con-fiance mutuelle des cocontractants» et que, d'autre part, «Ils pré-sentent une certaine gravité objective 35 ».

En matière de corruption, les deux exigences posées par la juris-prudence sont manifestement satisfaites; c'est d'ailleurs ce qu'a reconnu le Tribunal fédéral en 1966 dans son arrêt Maag 3 6 où il a écrit: «L'acceptation de cadeaux constituait un juste motif de résiliation du seul fait qu'elle rendait le demandeur indigne de la confiance de son employeur 37 » ; de plus, comme le pot-de-vin est

« réprimé » par différents textes légaux, LCD, CO, CPS, il est clair

33bls Cf. A. Steinbeisser, thèse, p. 104.

34 RO 101 la, 544 SS, 548, B. SA c. A ...

35 RO 97 II, 142 ss, 145, F.c.L. (réf.).

36 JT 1967 I, 146 ss = RO 92 II, 184 ss, Maag c. Konsumverein Frauenfeld ; cf. déjà RO 30 II, 426 ss, Allgemeiner Konsumverein Rheinfelden c. Steiger.

37 JT 1967 I, p. 152.

LES RAPPORTS CORROMPU-EMPLOYEUR 171 qu'il présente objectivement une certaine gravité et qu'on ne sau-rait à cet égard invoquer l'usage 3s ou le peu d'importance.

Le travailleur corrompu pourra par conséquent être renvoyé sur le champ en application de l'article 337 CO. Les conséquences pécu-niaires de cette résiliation immédiate sont réglées par l'article 337 b alinéa 1 ., CO ; ainsi, si l'employeur peut démontrer qu'il avait un intérêt particulier au maintien du contrat s9 , il est fondé à en récla-mer la réparation au travailleur corrompu qu'il licencie en quelque sorte «malgré lui», puisqu'il ne peut plus lui faire confiance. Il nous paraît qu'il s'agit ici d'une hypothèse probablement peu fréquente en pratique, mais qu'il convenait néanmoins de mentionner.

4.2. Contrat de mandat.

L'article 404 CO permet la résiliation du mandat en tout temps ; il est donc inutile de démontrer dans un premier temps que le pot-de-vin a brisé le lien de confiance entre le mandant et le mandataire corrompu. Cependant, cette caractéristique de la corruption joue quand même un certain rôle, dans la mesure où elle exclut l'invo-cation par le corrompu de la résiliation en temps inopportun (ar-ticle 404 alinéa 2 CO 40), que le mandant ait ou non subi un dom-mage en raison des actes déloyaux du mandataire.

La position du mandant est ainsi plus favorable que celle de l'employeur en matière de résiliation immédiate du contrat.

§ 5: EVALUATION DES MOYENS À LA DISPOSITION DE L'EMPLOYEUR.

5.1. Rappel des divers moyens.

5.1.1. Rapports entre l'employeur et le corrupteur (chapitre VII).

L'employeur peut :

a) invoquer l'inexistence du contrat subséquent pour manque ou dépassement de pouvoir de son représentant corrompu, ou l'inva-lider en raison d'une erreur essentielle ou d'un dol ;

38 Idem, p. 151.

39 Cf. E. Schweingruber, commentaire, p. 200 ss.

40 Cf. Gautschi, ad. 404 CO, 17.

172 PARTIE SPÉCIALE

b) exiger au cas où la corruption est un acte illicite la réparation de son dommage (article 41 alinéa 1 CO);

c) invoquer l'article 41 alinéa 2 CO au cas où l'hypothèse b) ci-des-sus n'est pas réalisée;

d) lorsqu'il est victime d'un acte illicite de son employé, demander solidairement la réparation du préjudice subi à l'instigateur (cor-rupteur) (article 50 CO) ;

e) recourir aux actions civiles et pénales de la LCD ou du CPS dans la mesure où le corrupteur y a participé.

L'employeur peut dans certains cas s'adresser à l'employeur du corrupteur (article 55 CO), ou à la personne morale dont il est l'organe (article 55 CC), pour obtenir la réparation de son préjudice.

5.1.2. Rapports entre l'employeur et le corrompu (chapitre VIII).

L'employeur peut :

a) exiger la remise du pot-de-vin ; b) exiger la réparation du dommage;

c) résilier le contrat le liant au corrompu 41,

5.2.

Evaluation.

A la lecture du rappel des possibilités ouvertes à l'employeur par la corruption de son employé, les remarques suivantes s'impo-sent : tout d'abord, les moyens d'action sont nombreux, ils permet-tent d'agir contre les différents participants (corrupteur; corrompu;

intermédiaire) et de saisir le phénomène à divers niveaux et mo-ments (accord de pot-de-vin ; contrat subséquent ; rapports avec l'employé). Ensuite, la majorité des interventions permet de réparer les dommages pécuniaires subis par l'employeur et/ou de rendre la corruption non rentable pour les deux intéressés : le corrupteur et le corrompu qui se voient dépouillés de leurs avantages indus.

Idéalement, ces moyens de droit civil fournissent la possibilité de rendre la coruption non lucrative, donc sans intérêt, et d'en prévenir ainsi la répétition ou l'extension; idéalement, ils remplis-sent une double fonction de prévention et de répression.

41 En outre, le pot-de-vin peut être confisqué par l'Etat dans certains cas.

LES RAPPORTS CORROMPU-EMPLOYEUR 173 Cependant, il ne faut pas surestimer l'efficacité réelle des diver-ses interventions; en effet, toutes ces actions reposent sur un acte de l'employeur, acte que celui-ci n'est peut-être pas toujours prêt à effectuer. Un employeur, inconscient ou peu conscient de tous les dangers impliqués par la corruption, est facilement tenté de rester inactif, et ceci pour des raisons qu'on peut éventuellement comprendre.

Tout d'abord, des motifs psychologiques, analogues à ceux rele-vés en matière de répression pénale 42 , inciteront certains em-ployeurs à rester passifs, soit parce qu'ils ne veulent pas avouer

Tout d'abord, des motifs psychologiques, analogues à ceux rele-vés en matière de répression pénale 42 , inciteront certains em-ployeurs à rester passifs, soit parce qu'ils ne veulent pas avouer

Dans le document Les pots-de-vin (Page 171-183)

Documents relatifs