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L'ACCORD DE POT-DE-VIN

Dans le document Les pots-de-vin (Page 111-151)

§ 1 : REMARQUES PRÉLIMINAIRES.

Si l'on « traduit» en droit civil notre définition 1 du pot-de-vin, celui-ci est alors l'accord secret portant sur l'octroi de tout avan-tage matériel indû à l'employé d'un tiers, dans le but d'influencer la volonté de ce tiers en faveur du donateur. Ainsi, fondamenta-lement, le pot-de-vin est un accord de volonté entre deux parties et doit être analysé comme tel, même s'il poursuit des fins « dou-teuses». Si l'on se penche sur les diverses phases de la corruption, on peut discerner trois rapports juridiques liant les trois parties en cause: l'employeur, l'employé, le corrupteur.

Cette situation peut être représentée graphiquement de la ma-nière suivante :

3.-EMPLOYEUR EMPLOYÉ-CORROMPU

2

-1 \

1

-

~-CORRUPTEUR~-1. C'est le rapport de «base» puisqu'il s'agit de l'accord de pot-de-vin entre l'employé et le corrupteur. Il s'agit d'un contrat

«comme tous les autres», soumis au droit des obligations com-mun ; nous utiliserons cependant le terme « accord de pot-de-vin » essentiellement pour des raisons pratiques, soit pour le dis-tinguer des autres rapports juridiques en cause (2.- et 3.-). Le chapitre VI sera consacré à l'examen de cet accord.

2. Ce rapport recouvre l'avantage obtenu par le corrupteur, le but ultime de la corruption : nous avons en effet vu 2 que la plupart

1 Cf. supra Chapitre I, 2.6.

2 Cf. supra Chapitre I, 2.3.2.

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du temps le corrupteur cherchait à obtenir un contrat avec l'em-ployeur avec l'aide de l'employé corrompu; nous examinerons ces conséquences de l'accord de pot-de-vin dans notre chapitre VII, sous la dénomination de contrat subséquent. Ce terme pré-sente à notre avis l'avantage de mettre en évidence le lien entre l'accord de pot-de-vin et le(s) but(s) du corrupteur, même si ceux-ci ne se succèdent pas immédiatement dans le temps.

3. Le troisième rapporl liant l'employeur à l'employé peut prendre diverses formes : mandat, contrat de travail, etc ... ; il exprime en termes juridiques la relation de confiance, relation qui est atteinte par la corruption qui fait violer ses devoirs au corrompu.

Nous examinerons dans le chapitre VIII les effets des pots-de-vin sur ces liens entre l'employeur et l'employé.

§ 2: L'ACCORD DE POT-DE-VIN ET LE DROIT CIVIL.

2.1. Examen de la validité de l'accord.

Il 8'agit d'un contrat soumis aux règles générales du Code des obligations, notamment en ce qui concerne le moment de la conclu·

sion, la forme des contrats, les modes d'interprétation, etc ...

Il pose cependant un problème particulier en ce qui concerne son objet direct et son but; faut-il admettre que la liberté contrac-tuelle autorise des accords portant sur la corruption, accords qui, très généralement, conduisent le corrompu à favoriser indûment le cor--rupteur en négligeant ses devoirs ?

Pour résoudre ce problème, il convient d'examiner si l'article 20 CO, qui prévoit la nullité des contrats ayant pour objet une chose impossible, illicite ou contraire aux mœurs, s'applique à l'ac-cord de pot-de-viu.

2.1.1. L'illicéité.

La corruption d'employés pnves contrevient, selon les cas, aux articles 13 lettre e LCD, 159, voire 148 CPS; le droit public fédéral est violé, ce qui constitue une des conditions possibles d'applica-tion de la nullité stipulée par l'article 20 CO.

Cependant, un contrat illicite n'est pas toujours nul: « En effet, selon la jurisprudence constante, un acte juridique est nul seule-ment si la règle prescrivant l'injonction ou la défense prévoit

ex-L'ACCORD DE POT-DE-VIN 105 pressément cette conséquence de droit, ou qu'elle l'exige d'après son sens et son but, eu égard à l'importance du résultat à com-battre 3 »,

Nous devons par conséquent examiner le cas particulier des pots-de-vin sous cet angle ; la jurisprudence relative à de tels cas est rare, et dans les arrêts publiés le problème des conséquences de J'illicéité de l'accord de base n'est jamais soulevé, parce que les tribunaux appliquent un raisonnement fondé non pas sur l'illicéité mais sur le caractère contraire aux bonnes mœurs 4 • De cette ma-nière, la nullité de l'accord s'impose dès qu'on admet qu'il viole les bonnes mœurs. On peut néanmoins penser que dans la mesure où l'infraction de gestion déloyale protège des intérêts individuels, la nullité civile sera aussi admise.

La doctrine spécialisée n'examine pas non plus en détail l'illi-céité, se contentant de la proclamer sans en déduire de conséquen-ces particulières 5.

Il est encore intéressant de noter qu'en droit allemand, où existe un § 134 BGB relatif à la nullité des actes illicites analogue à la jurisprudence du Tribunal fédéral citée ci-dessus, la doctrine ne tranche pas non plus directement le problème, mais recourt au

§ 138 BGB qui frappe de nullité les actes juridiques contraires aux mœur.s0 •

Face à cette situation, et compte tenu aussi du fait que tous ?es pots-de-vin ne violent pas nécessairement la LCD ou le Code pénal, il nous paraît tout à fait superflu d'examiner plus en détail les effets de l'illicéité ; cette question perd en effet tout sens et intérêt si l'accord est déjà contraire aux mœurs, donc nul (au moins en partie).

2.1.2. Le contrat contraire aux mœurs.

La notion de bonnes mœurs est par nature extrêmement vague et recouvre un domaine où l'on doit reconnaître un large pouvoir d'appréciation au juge chargé d'interpréter la loi 1.

3 JT 1971 1 40 ss, 45 = RO 95 II 532 ss (réf.), Winkler & CO c. Tramco SA;

cf. aussi RO 102 II 401 ss, 406, Boetji c. Metro Bank AG.

4 Cf. cependant la dernière phrase du cons. 1 de RO 95 II 37 ss, 39 (a contrario).

5 O. Hirzel, thèse, p. 50; A. Steinbeisser, thèse, p. 27; J. Kunz, thèse, p. 89.

6 Par ex. Baumbach/Hefermehl, commentaire ad § 12 UWG, p. 1095 ; H.R.

Koch, thèse, p. 211 ; hésitants : Soergel/Siebert/Schultze / v. Lassaux, ad § 134 BGB, n° 18, 37.

7 Cf. Oser/Schonenberger, ad 20 CO, 28.

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On peut cependant tenter d'esquisser une définition générale, comme le fait par exemple P. Engel lorsqu'il écrits: «Les bonnes mœurs sont les notions morales de base, communes à tous les élé-ments sains de la population et qui équivalent au minimum de mo-ralité devant être observé dans la vie sociale, ici et maintenant».

Il ne s'agit donc pas de faire régner un ordre idéal, mais bien plutôt d'assurer une vie en société supportable 9 ; et si l'on consi-dère quelques aspects essentiels de cette tâche du droit, il nous paraît juste d'affirmer que «die Grundlage unseres Rechtes und des gesellschaftlichen Zusammenlebens ist Treu und Glaube im Verkehr lu». Ainsi, dans le domaine économique qui nous occupe, doit-on considérer qu'il existe une loyauté et une honnêteté com-merciales minima 11 , qu'on ne peut pas ignorer et qui fixent la limite des transactions acceptables.

C'est pourquoi la doctrine suisse (même non «spécialisée») una-nime admet qu'un accord de pot-de-vin est contraire aux mœurs au sens de l'article 20 CO. Plus précisément, c'est l'objet-même du con-trat qui est contraire aux mœurs 12 , soit la demande ou l'acceptation d'un pot-de-vin pour en favoriser l'auteur. L'élément décisif est bien l'acceptation (ou la demande) du pot-de-vin et non la conséquence nécessaire rn de celle-ci, soit la violation par l'employé de ses devoirs à l'égard de son employeur. O. Hirzel nous paraît ainsi dans l'er-reur lorsqu'il écrit 14 : « In der blossen Tatsache des Gebens eines Vorteils von Seiten eines geschaftliche Interessierten an Ange-stellte oder Beauftragte und des Annahme des Vorteils durch diese, liegt an und für sich nichts Sittenwidriges. Unsittlich werden dieses Handeln und die entsprechenden Abreden erst dadurch, dass das Aequivalent für das dahingegebene darin besteht, dass der Ange-stellte oder Beauftragte, wenn nicht gegen seine vertraglichen Pflichten, so doch unter Verletzung des Vertrauens und der Treue, die er dem Prinzipal schuldet, Handlungen begeht, die nach all-gemeiner Anschauung seinen ihm obliegenden Verpflichtungen wider-sprechen ». Cet auteur oublie que le simple fait de cacher à son employeur l'existence de l'avantage fourni par le corrupteur consti-tue en soi une violation des devoirs de l'employé et qu'il est ainsi

s Traité, p. 198.

9 Cf. Becker, ad 19 CO, 33 : « die sittliche Niveau unserer Rechtsordnung" ; cf. F. Fick in RSJ 1914, p. 281 ss.

10 F. Fick, op. cit. p. 281 ; cf. aussi l'article 2 CCS.

11 Par ex. B. von Büren, partie générale, p. 115.

12 Par ex. P. Engel, traité, p. 61; Becker, ad 19 CO, 48; Guhl/Merz/Kummer, p. 65-66; A. von Tuhr, § 31, p. 224; B. von Büren, lac. cit. note précédente ; E. Bucher, § 15, p. 222.

13 Par définition puisque le pot-de-vin est caché à l'employeur.

14 Thèse, p. 50 (cf. aussi A. Stienbeisser, thèse, p. 27).

L'ACCORD DE POT-DE-VIN 107 conceptuellement impossible d'imaginer un cas où la corruption est conforme aux dits devoirs. Le secret est un élément essentiel de la notion. De plus, il est indifférent au corrupteur que le cor-rompu viole ou non ses obligations envers un tiers ; on ne saurait donc en faire un point important de l'accord de pot-de-vin comme semble le faire O. Hirzel. Ce qui est décisif, c'est que le corrompu soit «payé» par le corrupteur.

Le Tribunal fédéral fait d'ailleurs la même confusion que la doctrine spécialisée entre l'objet et les conséquences des actes des parties lorsqu'il déclare 15 : « ( ... ) ist unsittlich im besondern auch der Vertrag, durch der eine Vertragskontrahent bestimmt werden soll, seine Vertrags- oder sonstigen Rechtpflichten gegen dritte Personen zu verletzen, oder bei dem doch die Gefiihrdung dieses rechtlich geschützten Interesses an Treu und Glauben vorliegt.

Hierunter fiillt nicht nur die Bestechung, sondern jede Zusicherung eines Geld - oder geldwerten Vorteils für eine Leistung des Ver-sprechensempfiingers, welche mit dessen vertraglichen Pflichten gegenüber Dritten im Widerspruche steht ».

Par contre, dans un arrêt de 1970 10, le même Tribunal refusa l'exécution d'une promesse de verser un pot-de-vin à un tuteur chargé de vendre l'immeuble de son pupille, en se référant indirecte-ment à l'objet même de la promesse, à la cause des actes du tuteur et en disant: «Le tuteur manque à ses obligations si, en raison d'avantages personnels qu'un amateur lui a promis ou procurés, il n'examine pas les autres offres, ou s'il les refuse ou encore en cache l'existence à l'autorité tutélaire. ( ... ) Celui qui cherche à entraîner le tuteur sur cette voie, en lui offrant, promettant ou procurant ces avantages, porte atteinte aux mceurs. ( ... ) C'est donc à juste titre que, conformément à l'article 20 alinéa 1er CO, le Tribunal supé-rieur considère cette promesse comme nulle en raison de son objet contraire aux mceurs ».

Il nous paraît aussi, que l'accord de pot-de-vin est contraire aux mceurs, qu'il porte atteinte à de nombreux biens que le droit tente de protéger, en particulier la confiance, la loyauté des transactions.

Il faut cependant encore trancher une question délicate : dans la mesure où la qualification civile du pot-de-vin dépend directement de la notion - vague - de bonnes mceurs, peut-on admettre que dans quelques cas particuliers la corruption soit conforme aux bonnes mceurs, celles d'un certain milieu? La question est impor-tante puisqu'il s'agit là d'un argument spécifique employé, depuis

15 RO 30 II 413 ss, 417, Burcher-Durrer c. Amrein.

16 JT 1970 I, 75-76 = RO 95 II 37, Hasler et Spirig c. Gerwer.

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longtemps d'ailleurs, par les personnes impliquées dans des affaires de ce type 11.

La réponse à cette question rend nécessaire une définition un peu plus précise du concept de bonnes mœurs, notamment quant aux cercles d'individus dont les notions morales doivent être prises en considération.

Tout d'abord, il est bien clair que l'opinion des parties à l'ac-cord de base n'est pas relevante, car si on y voyait un critère suffi-sant, aucune transaction portant sur les pots-de-vin ne serait jamais contraire aux mœurs au sens du droit civil ; de même, le senti-ment dE:s personnes intéressées indirectesenti-ment, à titre de bénéfi-ciaires, comme par exemple l'entourage du corrompu, ou les rela-tions d'affaires du corrupteur, ou à titre de participants à d'autres accords de pots-de-vin, ne saurait constituer une référence utilisa-ble 1s. Ensuite, si l'on examine les définitions générales proposées par la doctrine, il faut constater qu'elles contiennent toutes un élé-ment de nature collective pour fixer le cercle des individus dont l'opinion doit être utilisée comme mesure de la conformité aux mœurs; cet élément est ainsi, selon les auteurs: «Les éléments sains de la population 19 », «Aller recht und billig denkenden Bürger 20 », «Die Mehrheit der BevOlkerung 21 », et plus précisément

« Die herrschende sittliche Anschauungen der Gesellschaft, speziell die ürtlichen Kreise ( ... ) 22 ».

Bien sûr, toutes ces expressions restent encore très vagues et l'on peut se demander comment reconnaître les éléments sains d'une population, par exemple ! Cependant, elles permettent à notre avis d'écarter l'opinion des seuls milieux recourant à des pratiques dou-teuses comme critère ; la preuve de la « moralité » de la corrup-tion devient plus difficile à apporter et cela même si l'on accepte la définition la plus restrictive, celle d'Oser et Schonenberger qui font intervenir le lieu où une transaction contestée déploie ses effets pour fixer le milieu de référence.

Cette restriction n'est éventuellement applicable, à notre avis, que dans des relations avec certains Etats étrangers, soit avec un pays particulier où de telles pratiques sont admises ouvertement et P'-'S seulement tolérées. Il faut encore que cette attitude d'accep-tation de la corruption soit celle de la majorité (cf. Die herrschende

17 Cf. supra Chapitre I, § 3 et aussi O. Hirzel, thèse, p. 52.

18 Dans le même sens, cf. A. Steinbeisser, thèse, p. 27; O. Hirzel, thèse, p. 50.

19 P. Engel, lac. cit. supra note 8.

20 O. Hirzel, thèse, p. 53.

21 A. Steinbeisser, thèse, p. 28; F. Fick in RSJ 1914, p. 282.

22 Oser/Schéinenberger, ad 20 CO, 29; R. Munz, thèse, p. 13 ss.

L'ACCORD DE POT-DE-VIN 109 sittliche Anschauung) et que les effets des pots-de-vin soient limités à ce seul pays. Il faut enfin que la transaction en cause soit con-forme à cet usage corrompu, en particulier en ce qui concerne le montant du pot-de-vin et la personne du bénéficiaire.

Il nous paraît qu'on ne peut accepter qu'avec la plus extrême réserve des dérogations à l'immoralité de la corruption et l'on peut faire remarquer que si toutes les conditions que nous posons sont satisfaites, l'accord de « corruption » n'est plus très caracté-ristique, notamment parce que son caractère secret est singulière·

ment estompé. Nous examinerons brièvement les problèmes de droit international privé posés par l'accord de pot-de-vin dans notre chif-fre 2.4 ci-dessous.

2.2. Conséquences du caractère immoral de l'accord de pot-de-vin.

2.2.1. La nullité totale.

La sanction de l'immoralité est la nullité 23. En conséquence, l'ac-cord de base est nul dès l'origine, il n'est pas possible pour les par-ties de déroger à cette règle impérative du Code des obligations :

« Art. 20 OR ist eine im Interesse der offentlichen Ordnung auf-gestellte Vorschrift und kann daher durch Parteidisposition nicht abgeanclert werden 2"' ».

La nullité doit être invoquée d'office par le juge, il n'est pas nécessaire qu'une des parties soulève ce moyen ; cette caractéristique peut avoir des conséquences intéressantes dans le domaine qui nous occupe où il est imaginable qu'à l'occasion d'un litige portant par exemple sur des contrats signés après un accord de pot-de-vin, l'exis-tence du pot-de-vin (ou sa promesse) soit découverte, ce qui permet au tribunal d'intervenir et de prononcer la nullité dudit accord. Il est possible aussi qu'un accord de pot-de-vin soit l'objet d'une action en justice parce qu'un litige est né au sujet de sa qualification, de ses modalités d'exécution ou du montant à verser au « corrompu ».

Ces hypothèses ne sont pas nécessairement très fréquentes, mais nous y voyon;; néanmoins une atténuation utile de la liberté des parties de saisir un juge, atténuation d'autant plus utile que celles-ci n'ont souvent que peu d'intérêt à agir (sous réserve cependant des cas oü la corruption prend la forme de l'extorsion).

23 Oser/Schonenberger, ad 20 CO, 51; P. Engel, traité, p. 205; A. Stein-beisser, thèse, p. 28, III, etc ...

24 RO 48 II 270 ss, 278, Leihkasse Enge c. Meier.

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C'est pourquoi la question soulevée plus haut du rôle de l'opi-nion des parties dans la qualification du contrat de base comme moral ou non a quand même des conséquences : il est possible ainsi que des tiers - ayant un intérêt à la nullité - agissent et intentent une action en constatation de nullité, alors que les parties étaient persuadées qu'elles ne violaient aucune norme de droit positif par leur accord de pot-de-vin. Dans un tel cas le juge se fondant sur l'opinion générale déclarera quand même la nullité dudit accord.

La nullité de l'accord de pot-de-vin est irrémédiable 25 , ce qui signifie que si les éléments constitutifs de la corruption étaient réu-nis au moment de la conclusion de l'accord, leur disparition ulté-rieure n'a pas pour effet de valider l'accord. Cette caractéristique est très importante au niveau du secret qui est l'élément fondamen-tal du pot-de-vin. En effet, la connaissance ultérieure de l'accord par l'employeur du corrompu ne rend pas celui-ci conforme aux mœurs et valable ; cette connaissance, voire même l'approbation de l'employeur, ne peut éventuellement avoir des effets juridiques que sur le contrat subséquent entre le corrupteur et l'employeur 26 et sur les rapports entre le corrompu et l'employeur 21 • L'employeur qui connaît et approuve le versement d'un pot-de-vin à son employé n'est en principe plus fondé à invoquer ni l'invalidité ou l'inexistence des contrats subséquents conclus avec le corrupteur, ni de justes motifs pour renvoyer sur le champ son employé corrompu. Il nous paraît en effet que l'invocation de tels moyens constituerait un abus de droit de la part de l'employeur qui, s'il accepte la corruption, doit aussi en accepter les effets directs et indirects.

Cette analyse des conséquences de la nullité ne s'applique pas lorsque les deux parties à l'accord de pot-de-vin envisagent dès l'origine de révéler leurs manœuvres à l'employeur; dans ce cas, un élément constitutif essentiel, le secret, manque et l'accord entre les partie'> n'est pas constitutif de corruption 28. Il n'y a par con-séquent aucun~ exception à l'irrémédiabilité de la nullité de l'ac-cord de pot-de-vin.

2.2.2. La nullité partielle.

La solution de la nullité totale de l'accord de pot-de-vin ne pose pas de problèmes particuliers lorsque ledit accord est passé

direc-25 Sur la notion d'irrémédiabilité, cf. Becker, ad 20 CO, 12; Gauch/Schluep/

Tercier, p. 78; P. Engel, traité, p. 182 et 205; Oser/Schèinenberger, ad 20 CO, 58;

A. von Tuhr, § 29 II, p. 203-4; von Tuhr/Peter, § 29 II, p. 229 ss.

26 Cf. infra Chapitre VII.

27 Cf. infra Chapitre VIII.

28 Cf. supra Chapitre I, 2.2.1 in fine.

L'ACCORD DE POT-DE-VIN 111 tement entre le corrupteur et le corrompu. Il existe cependant un certain nombre de cas où le « corrupteur » s'adresse à un agent 29 qu'il mandate pour conclure certaines affaires en son nom ; le man-dataire, ou l'intermédiaire, est rémunéré très largement pour les services rendus, notamment parce qu'il est entendu, ou plutôt sous-entendu, entre les partie qu'une fraction de cette rémunération peut servir à corrompre certains cocontractants et leurs employés.

Le contrat de mandat qui lie l'intermédiaire au « corrupteur »

a ainsi un contenu partiellement illicite (au regard du CPS et de la LCD) et immoral. Même s'il ne s'agit pas d'un accord de pot-de-vin comme ceux discutés ci-dessus ce mandat implique, dans l'esprit

a ainsi un contenu partiellement illicite (au regard du CPS et de la LCD) et immoral. Même s'il ne s'agit pas d'un accord de pot-de-vin comme ceux discutés ci-dessus ce mandat implique, dans l'esprit

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