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LE CONTRAT SUBSÉQUENT

Dans le document Les pots-de-vin (Page 151-171)

Il s'agit, comme nous l'avons dit (supra Chapitre VI, § 1), de l'avantage visé et obtenu par le corrupteur.

Dans la mesure où il s'agit de l'élément essentiel du dessein de ce dernier personnage, nous aurions pu utiliser le terme contrat principal; nous avons préféré l'expression contrat subséquent car elle fait mieux ressortir le lien entre l'accord de pot-de-vin et ce second rapport juridique, lien qui n'est cependant pas nécessaire-ment vérifié dans le temps : on peut en effet imaginer par exemple que les deux rapports coexistent exactement. Le terme subséquent ne s'applique ainsi qu'à l'intention du corrupteur pour qui un con-trat est nécessairement la conséquence de l'autre.

Nous examinerons les problèmes posés par le contrat subséquent en distinguant selon la personne qui conclut avec le corrupteur : l'employé comme représentant, ou l'employeur sur les conseils de son préposé corrompu.

Il convient cependant de poser préalablement la question géné-rale de la validité de ce contrat ou de sa nullité.

§ 1 : NULLITÉ DU CONTRAT SUBSÉQUENT?

Fondé sur un accord de pot-de-vin, le contrat subséquent auquel le corrupteur est partie est-il nul ?

Cette question a été tranchée dans un arrêt du Tribunal fédéral de 19211, qu'il nous paraît utile de rappeler brièvement ici pour faciliter l'examen de ce problème. L'employé d'une entreprise d'élec-tricité, l'ingénieur K., avait reçu d'un fournisseur (Spalti) des « com-missions» pour deux affaires, l'une conclue par lui, l'autre par son

1 Spalti c. Motor AG, JT 1921 I 423 ss RO 47 II 86 ss.

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employeur. A l'occasion d'une autre enquête pénale dirigée contre K., l'employeur découvrit ce fait et demanda que les deux contrats soient déclarés nuls car contraires aux mœurs et conclus sous l'effet d'une erreur essentielle : la croyance que K. agissait conformément à ses devoirs.

Le Tribunal cantonal donna raison à l'employeur car « ( ... ) dem die Geschaftsmoral so schwer schadigenden Schmiergeldunwesen nur duch die Rechtsfolge der Nichtigkeit derartiger Vertrage beizu~

kommen sei 2 »; le Tribunal fédéral rejeta les deux demandes parce que, d'une part les contrats n'étaient pas immoraux et d'autre part, pas conclus sous l'emprise d'une erreur essentielle. Nous souligne-rons tout de suite que la jurisprudence en matière d'erreur a été modifiée depuis lors, ce qui explique l'attitude restrictive du Tri-bunal fédéral: nous n'examinerons donc pas ici ce point, mais nous nous concentrerons sur le problème du caractère contraire aux mœurs.

Le contenu des contrats en cause - contrats de vente - n'était évidemment pas en soi immoral ; cependant, en cas de corruption, les motifs et le but du corrupteur sont immoraux, alors que ceux de l'employeur - qu'il soit ou non représenté - sont parfaitement irréprochables, du point de vue juridique. Suffit-il alors qu'une par-tie soit animée de telles intentions pour qu'un contrat soit nul, parce que contraire à l'article 20 CO ?

La doctrine 3, et la jurisprudence 4, exigent que les motifs ou le but immoraux soient communs aux deux parties ou que la seconde les connaisse ou doive les connaître. La corruption se caractérisant par le secret, l'application de l'article 20 CO est exclue, ce qu'a dé-cidé à juste titre le Tribunal fédéral.

Le fait que certains contrats soient conclus par le corrompu au titre de représentant du corrupteur ne modifie pas cette analyse ô :

en effet, selon les principes mêmes de la représentation, seule l'atti-tude du représenté 6 - soit l'employeur innocent - est prise en considération. Il nous paraît donc erroné et inutile (cf. § 2 et 3 infra) d'admettre une exception en la matière parce que la corrup-tion semble une méthode particulièrement condamnable 1,

2 Cité par E. Huber in RSJ 1921, p. 81.

3 Par ex.: von Tuhr/Siegwart, § 31, p, 240; Oser/Schonenberger, ad 20 CO, 45 c; P. Engel, traité, p. 205; A. Steinbeisser, thèse, p, 78.

4 Par ex. : arrêt Spiilti, p. 426 ; RO 80 II 45 ss, Finger c. Lamalex SA (réf.).

5 Cf. A. Steinbeisser, thèse, p. 78; O. Hirzel, thèse, p. 104.

6 Partie au contrat, cf. l'article 32 alinéa 1 CO.

7 Cf. le jugement du Tribunal zurichois que le TF a mis à néant (note 1), cité par J. Kunz, thèse, p. 91.

LE CONTRAT SUBSÉQUENT 145 Dans certains cas 8 , l'accord de pot-de-vin est encore contraire au droit selon l'article 20 CO : quelle en est la conséquence pour les contrats subséquents ? Le Tribunal fédéral n'a pas, curieuse-ment, évoqué ce problème alors que la corruption était à l'époque réprimée pénalement (amende) par la loi cantonale applicable.

Le contenu du contrat subséquent n'est pas a priori nul : de plus, les parties ne poursuivent pas un but illicite en soi ; seul le moyen utilisé par une des parties est illicite et l'autre partie l'ignore. Il nous paraîtrait d'autant plus difficile d'admettre ici une nullité pour illicéité du contrat subséquent que cette conséquence sé-vère n'est attachée que de manière relativement restrictive à une

violation de la loi 1l; il ne se justifie donc pas, à notre avis 10, de traiter différemment l'employeur innocent selon que le corrupteur a utililisé des moyens seulement immoraux ou, par hasard, aussi contraires au droit. Par conséquent, les contrats subséquents ne tombent pas non plus sous le coup de l'article 20 CO pour illicéité.

Ces constatations nous conduisent à examiner les arguments que peut quand même, contrairement à l'opinion du Tribunal fédéral 11,

invoquer l'employeur «trompé».

§ 2 : LE CONTRAT SUBSÉQUENT CONCLU PAR L'EMPLOYÉ AU NOM DE L'EMPLOYEUR

Dans cette hypothèse, le corrompu et le corrupteur sont prati-quement les seuls maîtres - sous réserve de certaines instructions de l'employeur - du contenu du contrat subséquent et, par défini-tion, connaissent et ont voulu l'accord de pot-de-vin.

Par sa conduite, le représentant viole manifestement le contrat le liant au représenté, contrat de travail, de mandat, etc ... ; cet agissement a-t-il une conséquence sur le pouvoir de représentation - la procuration - conférée au corrompu ?

Selon la doctrine 12 - et la jurisprudence 13 - dominantes, la procuration a un caractère abstrait et le contrat qui la «fonde»,

s Lorsqu'il viole la LCD, le CPS.

9 Cf. supra chapitre VI, 2.1.1.

10 Contra, avec des nuances, O. Hirzel, p. 109 à 111.

11 Cf. supra note 1 ; le TF n'a pas à tort, distingué les 2 contrats qui cor-respondent à nos hypothèses des § 2 et 3 : cf. la critique de E. Buber, lac. cit., note 2.

12 Cf. Oser/Schonenberger, ad 32 CO, n°' 26, 27; A. Egger in Festgabe für Carl Wieland, Bâle 1934, p. 47 ss, 58-59.

13 RO 78 1, 369 ss = JT 1953 I, 275 ss, Garesa AG; RO 99 Il, 39 ss = JT 1974 I, 162 ss, Lautenschlagcer c. Brügger.

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par conséquent son éventuelle violation, ne jouent aucun rôle à cet égard ; cependant, cette opinion, qui tend à protéger les tiers de bonne foi 14 (cocontractants ignorants ou ne devant rien savoir), n'a pas d'importance en cas de corruption puisqu'il est évident que le corrupteur connaît l'action déloyale du représentant, son complice.

Nous nous trouvons alors dans un cas de collusion, c'est-à-dire l'hy-pothèse « ( ... ), Wenn der Vertreter seine Vertrauensstellung miss-braucht, und der Dritte davon Kenntnis hat. Haufig wird der Dritte in solchen Fallen selbst arglistig bei der Schadigung des Vertretenen mitgewirkt haben, doch ist dies nicht Voraussetzung für die An-nahme einer Kollusion 15 ».

Il suffit donc que le corrupteur recherche son propre intérêt, il n'est pas nécessaire qu'il ait aussi la volonté de léser d'une quel-conque manière l'employeur représenté. Les effets de la collusion sont les suivants : l'employeur n'est pas lié par le contrat subsé-quent que l'employé, au su du tiers, n'avait pas le pouvoir de con-clure ; il peut néanmoins le ratifier dans les conditions de l'article 38 alinéa 1 CO ; le corrupteur ne peut pas réclamer au corrompu la réparation du dommage qu'il subit du fait de l'inexistence du contrat subséquent (article 39 alinéa 1, in fine 16).

Si l'on interprète les actes du corrompu comme un dépassement de ses pouvoirs 11, nécessairement connu du tiers corrupteur, l'ana-lyse de la situation n'est pas modifiée; cette interprétation suppose cependant que l'on admette l'opposabilité au tiers des relations

«internes» entre l'employeur et l'employé, ce que même la doctrine dominante admet lorsque le tiers est de mauvaise foi 1s.

Le corrupteur ne pourra en outre pas invoquer l'existence d'une procuration apparente pour exiger que l'employeur honore le con-trat subséquent ; la protection de l'apparence est un cas d'applica-tion de la protecd'applica-tion de la bonne foi rn, ce qui exclut, par définid'applica-tion, la protection du tiers corrupteur de collusion avec le représentant infidèle.

En conséquence, l'employeur peut toujours invoquer la corrup-tion de son employé pour nier sa qualité de cocontractant à l'égard du tiers corrupteur.

14 Par ex. : A. Egger, op. cit. supra note 12, p. 64; P. Engel, traité, p. 265.

15 M. Danuser, thèse, p. 28 (réf.).

16 Dans le même sens, E .Huber in RSJ 1921, p. 85; O. Hirzel, thèse, p. 123 ; A. Steinbeisser, thèse, p. 72-73.

17 J. Kunz, thèse, p. 97; A. Steinbeisser, thèse, p. 71.

1s Cf. supra note 12.

19 Cf. M. Danuser, thèse, p. 77 ss.

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§ 3: LE CONTRAT SUBSÉQUENT CONCLU PAR L'EMPLOYEUR.

AVEC LE CORRUPTEUR.

Dans cette hypothèse, l'employé ne fait que conseiller son em-ployeur, il «prépare le terrain»; l'employeur ne connaît, par défi-nition, pas l'existence des pots-de-vin au moment où il conclut avec le corrupteur. En effet, s'il la connaît et qu'il conclut un contrat avec le corrupteur, le contrat en question est normalement valable, il n'est plus question d'invoquer l'existence de pots-de-vin 20 de bonne foi!

3.1. Invalidation pour erreur essentielle.

Lorsqu'il conclut, l'employeur est victime d'une double erreur : d'une part, il croit que son employé l'a conseillé fidèlement et de manière «objective» et, d'autre part, il ne connaît pas les manœu-vres corruptrices de son cocontractant. S'agit-il d'un cas d'erreur essentielle visé par l'article 24 alinéa 1 chiffre 4 CO, qui prévoit que l'erreur est essentielle lorsqu'elle «porte sur des faits que la loyauté commerciale permettait à celui qui se prévaut de son erreur de considérer comme des éléments nécessaires » ?

Le non-recours à la corruption par le cocontractant est-il un élé-ment nécessaire du contrat pour l'employeur (point de vue subjec-tif) ; l'élément en question est-il essentiel du point de vue, objectif, de la loyauté en affaires; l'erreur était-elle, au moins, reconnaissa-ble par le corrupteur ? Ce sont là les trois conditions qui doivent être satisfaites pour l'invocation des articles 24 alinéa 1 chiffre 4 et 31 CO.

Tout d'abord, la doctrine 21 et la jurisprudence - modifiée de-puis l'arrêt Spalti 22 - admettent que l'élément nécessaire du con-trat ne se limite pas au contenu étroit dudit concon-trat, mais que

« tout état de fait déterminé qui, d'après les règles de la bonne foi en affaires entre en considération pour la conclusion du contrat peut être considéré comme un des éléments nécessaires de celui-ci 2a ».

20 Contra, dans certaines hypothèses, O. Hirzel, thèse, p. 105 ss. On voit difficilement d'ailleurs qui, dans le cas cité, se prévaudrait de la nullité du contrat pour motif ou but contraire aux mœurs.

21 Cf. le résumé de B. Schmidlin in RDS 1970 I, p. 225 ss, 241 ss et de P. Engel, traité, p. 224 ; cf. K. Oftinger in RSJ 1970, p. 180.

22 Cité supra, note 1.

2s JT 1954 I, p. 153 ss, 141 = RO 79 II 155, Frick c. von Arx.

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La corruption, soit à la fois la cause et un des faits accompagnant la naissance de l'accord de volonté, peut constituer ainsi un élément nécessaire au sens de l'article 24 alinéa 1 chiffre 4 CO; de plus, dans la grande majorité des cas, l'employeur doit considérer comme tout à fait fondamental le non usage de ce moyen déloyal qu'est le pot-de-vin ; il n'est pas indifférent pour de nombreux employeurs de savoir que leur cocontractant n'a pas hésité à violer la LCD ou à influencer leurs employés.

Il nous semble donc, qu'en règle générale, il ne devrait pas être difficile à l'employeur de démontrer que l'abstention de moyens de pression douteux est à ses yeux un élément nécessaire du con-trat. Si, en outre, l'employeur a aussi eu l'occasion préalablement de manifester ouvertement son opposition à la corruption, notamment par la mise sur pied d'un règlement interne à l'entreprise, par des instructions à ses représentants ou mandataires, la preuve de l'im-portance qu'il attache aux transactions correctes sera encore plus facile à apporter. On peut cependant imaginer des hypothèses où l'employeur ne pourra pas démontrer qu'il n'accepte pas le recours à des pots-de-vin, parce qu'il n'aura pas eu une attitude cohérente à ce sujet et qu'il n'aura, par exemple, pas réagi lors de précédentes affaires. Il convient ainsi d'examiner soigneusement l'existence de l'élément constitutif subjectif de l'erreur essentielle.

Ensuite, il faut se demander si, d'un point de vue objectif 24, il est essentiel que le contractant ne recourt pas à la corruption.

Nous ne pouvons que répondre positivement à cette question, déjà par la simple constatation que l'on a jugé la corruption suffisam-ment grave pour l'inclure dans les infractions pénales de la LCD.

Il n'est ainsi, à notre avis, pas possible pour un corrupteur de se

« défendre » en invoquant une pratique courante de pots-de-vin ou le caractère particulièrement corrompu d'une branche donnée de l'économie. La loyauté commerciale - Treu und Glauben in Ge-schaftsverkehr - exige que l'on s'abstienne de recourir à des pra-tiques dont une des conséquences est la modification injustifiée des conditions de la concurrence.

Enfin, il faut encore que l'erreur de l'employeur soit reconnais-sable par son cocontractant, le corrupteur ; le fait que la corruption soit gardée si jalousement secrète, que les pots-de-vin soient offerts à l'employé et non à l'employeur cocontractant final, démontre assez clairement la reconnaissance par le corrupteur de l'existence et du caractère à la fois subjectivement et objectivement essentiel de l'erreur de l'employeur 25 •

24 Oser/Schëinenberger, ad 24 CO, 45; Becker, ad 24 CO, 29.

25 Dans le même sens, cf. A. Steinbeisser, thèse, p. 60.

LE CONTRAT SUBSÉQUENT 149 Les trois conditions de l'article 24 alinéa 1 chiffre 4 nous sem-blent par conséquent satisfaites, ce qui permet à l'employeur soit d'invoquer ce vice du consentement pendant l'année qui en suit la découverte pour invalider (article 23 CO) le contrat, soit de ratifier le contrat (article 31 alinéa 1 CO). De plus, comme l'erreur a été provoquée par le corrupteur, l'employeur qui subirait encore un dommage, malgré la ratification du contrat, peut en demander répa-ration à celui-là. La base de son action est alors l'invocation d'une responsabilité précontractuelle du corrupteur 2 6 • Cette action se prescrit selon l'article 60 CO, soit subsidiairement par dix ans à compter du fait dommageable 21. L'article 60 alinéa 3 CO permet cependant à l'employeur de refuser l'exécution de sa propre obliga-tion envers le corrupteur même après ce délai.

3.2. Invalidation en raison du dol.

Comme dans l'hypothèse ci-dessus (3.1), l'employeur est victime d'une double erreur, relative soit au comportement de son employé, soit à celui du corrupteur. La loi distingue les deux cas dans son article 28 CO alinéas 1 et 2.

3.2.1. Le dol du corupteur.

Il est clair que puisque nous avons accepté l'existence d'une erreur essentielle au sens de l'article 24 alinéa 1 chiffre 4 CO, la con-dition de l'erreur «même non essentielle» de l'article 28 est satis-faite, a fortiori.

Le corrupteur cause ou entretient l'erreur de l'employeur par son silence 28 sur l'existence de l'accord de base; or, il n'existe pas une obligation générale de parler, d'informer son cocontractant:

«L'obligation de détromper quelqu'un peut résulter d'une disposition expresse de la loi, d'un accord contractuel ou de la bonne foi 29 ».

Qu'en est-il de l'attitude du corrupteur; à quel titre peut-on lui reprocher son silence, par ailleurs caractéristique du pot-de-vin ?

26 Cf. P. Piotet, culpa in contrahendo, p. 110 ss; P. Engel, traité, p, 238;

J. Kunz, thèse, p, 97.

27 Cf. not. RO 101 II 266, Migros & consorts c. Commune de Neuchâtel ; Des-chenaux/Tercier, La responsabilité civile, p. 261; contra not., P. Engel, traité, p. 506, (réf.) et E. Bucher, § 17, p. 254.

28 O. Hirzel, thèse, p. 120, construit un dol « actif» sur la corruption de l'employé sans noter, à tort à notre avis, que l'erreur de l'employeur n'est que la conséquence indirecte du pot-de-vin, mais la conséquence directe seulement du silence du corrupteur.

29 JT 1961 IV 8 ss, 8 = RO 86 IV 205 ss, Müller c. MP du canton de Zürich.

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Son obligation d'avertir l'employeur pourrait résulter, soit d'une règle coutumière qui impose aux auteurs d'un état dangereux d'en prévenir les conséquences dommageables 30, soit du devoir lorsqu'on connaît l'erreur de détromper l'autre partie pour lui permettre de juger objectivement le contenu du contrat 31 • Ces deux fondements proposés par la doctrine nous paraissent par trop généraux pour être utilisables; il nous paraît que l'obligation du corrupteur doit être fondée sur la nature même de la corruption, la nature même du fait dissimulé 32 : ce fait est quasiment impossible à découvrir sans recherches difficiles, il est particulièrement dangereux dans ses conséquences, il est très souvent le résultat d'une initiative du corrupteur - concontractant lui-même - , il apporte un avantage à celui-ci, etc ...

Il nous paraît donc que le silence du corrupteur est constitutif de tromperie intentionnelle et que, même s'il est naïf 3s de penser qu'un corrupteur révèle ses actes, il est justifié, dans l'intérêt de la loyauté des transactions - intérêt protégé de multiples façons, donc important - , de lui reprocher ce silence «inévitable».

L'erreur provoquée volontairement par le corrupteur conduit l'employeur à conclure; les deux autres conditions de l'article 28 CO 34 sont alors remplies : l'intention dolosive du cocontractant, le lien de causalité entre la tromperie et l'acte de la victime du dol.

Ce dernier élément peut ne pas exister, par exemple lorsque l'em-ployeur était déjà décidé à conclure avec le même cocontractant, aux mêmes conditions, avant les conseils « mal intentionnés » de son employé ; c'est au corrupteur qu'il appartiendra alors de prou-ver ce fait qui détruit le lien de causalité.

Il n'est pas nécessaire, contrairement à l'escroquerie qui est le pendant pénal du dol, que le corrupteur ait l'intention de causer un préjudice ou recherche un avantage s5.

Victime du dol du corrupteur, l'employeur peut recourir à l'ar-ticle 31 CO qui lui donne le droit d'invalider ou de ratifier le contrat pendant le délai d'un an suivant la connaissance du dol. Si l'em-ployeur invalide le contrat, mais qu'il subit encore un dommage - en raison par exemple d'actes préparatoires à l'exécution du contrat - , l'existence d'un dol du corrupteur lui permet d'invoquer l'article

ao H. Gilomen, thèse, p. 62 ss.

31 O. Hirzel, thèse, p. 121-122.

32 Cf. SJ 1961, p. 127-128.

33 Cf. A. Steinbeisser, thèse, p. 64.

34 Par ex.: Oser/Schonenberger, ad 28 CO, 8 ss, 10 ss.

35 Par ex.: O. Lutz in RSJ 1936-7, p. 67 ss; Oser/SchOnenberger, ad 28 CO, 13.

LE CONTRAT SUBSÉQUENT 151 41 CO et de demander la réparation de ce dommage; le dol

consti-tue en effet un acte illicite au sens de l'article 41 CO 36 •

Si l'employeur ratifie le contrat, mais qu'il subit encore un dom-mage - en raison par exemple d'un prix excessif-, l'article 31 ali-néa 3 CO réserve expressément son droit de réclamer des dommages-intérêts 37; l'employeur pourra ainsi à nouveau invoquer le dol, acte illicite au sens de l'article 41 CO et exiger la réparation de son dommage. Il faut noter néanmoins, que dans l'hypothèse de la rati·

fication du contrat, l'employeur, qui peut récupérer le montant versé à son employé (cf. infra chapitre VIII), ne subira que rare-ment un dommage découlant d'un prix excessif motivé par le verse-ment d'un pot-de-vin.

Nous n'entrerons pas dans les détails de calcul du dommage (intérêt négatif ou positif 38), puisqu'il s'agit de problèmes essentiel-lement théoriques dans notre cas. La prescription est régie, comme pour l'erreur essentielle, par l'article 60 CO (supra 3.1. in fine).

3.2.2. Le dol de l'employé, dol d'un tiers.

L'article 28 alinéa 2 CO prévoit que « la partie qui est victime du dol d'un tiers demeure obligée, à moins que l'autre partie n'ait connu ou dû connaître le dol lors de la conclusion du contrat ». Pour

L'article 28 alinéa 2 CO prévoit que « la partie qui est victime du dol d'un tiers demeure obligée, à moins que l'autre partie n'ait connu ou dû connaître le dol lors de la conclusion du contrat ». Pour

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