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LA CORRUPTION DU SECTEUR PUBLIC ET CELLE DU SECTEUR PRIVÉ

Dans le document Les pots-de-vin (Page 77-93)

§ 1 : LA RÉGLEMENTATION DU SECTEUR PUBLIC, LE BIEN PROTÉGÉ.

1.1. La réglementation applicable et le bien protégé.

Le Code pénal suisse réprime la corruption des fonctionnaires sous trois aspects : la corruption active à l'article 288 (titre quin-zième: infractions contre l'autorité publique), la corruption passive à l'article 315 et l'acceptation d'un avantage à l'article 316 (titre dix-huitième : infractions contre les devoirs de fonctions et les de-voirs professionnels).

Les deux premières dispositions, sanctionnées par des peines plus sévères que la troisième visent les cas où les fonctionnaires sont amenés par h; corrupteur à violer les devoirs de leur charge ; il s'agit en quelque sorte de la répression de formes qualifiées de corruption 1 • L'article 316 représente ainsi l'infraction de base qui est réalisé<: chaque fois qu'un fonctionnaire est corrompu. Le légis-lateur suisse réprime ainsi, contrairement au législégis-lateur américain 2,

le «graissage de pattes» 3 • Cette position très stricte a été adoptée dès l'avant projet de 1916 4 ; le Conseil fédéral a expliqué cette déci-sion dans son message de 1918 5 de la manière suivante 6 : «Le projet est sévère à l'égard des délits des fonctionnaires. C'est que nous

1 Cf. G. Stratenwerth, traité II, p. 345.

2 Cf. supra, Chapitre III, note 82.

a Cf. l'expression de P. Logoz, commentaire, P.S. II, p. 761.

4 Article 288; pour les anciens droits cantonaux, cf. E. Kraft, thèse, 1'" partie.

5 Le projet de 1918 reprend textuellement à son article 280 les textes de 1916.

6 FF 1918 IV, p. 74.

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attachons une grande importance au maintien de la réputation d'in-tégrité qui, jusqu'ici, appartient à juste titre aux fonctionnaires de notre pays ».

Cette décision tort controversée 7 est à notre avis tout à fait jus-tifiée : en effet, nous ne discernons pas de différence fondmnentale entre l'attitude du fonctionnaire qui accepte un avantage pour ac-complir un acte conforme à ses devoirs et celle de celui qui accepte le même avantage pour violer les devoirs de sa charge. Les consé-quences pratiques de ces deux attitudes sont peut-être différentes, ce qui justifierait éventuellement la disparité des peines-menaces, mais les risques pour l'administration dans son ensemble restent les mêmes et la «réputation d'intégrités» des fonctionnaires est atteinte d'une façon identique. On peut à cet égard faire une inté-ressante comparaison avec les cas où un pot-de-vin est offert à un employé et que l'affaire conclue par ce biais est ou non avanta-geuse pour l'employeur du corrompu. Dans l'hypothèse où le résul-tat n'es:: pas favorable à l'employeur, nous nous trouvons indiscuta·

blement dans un cas de corruption ; dans l'hypothèse où le résul-tat représente une «bonne» affaire pour l'employeur, l'attitude de l'employé et du corrupteur reste fondamentalement la même : ils se sont entendus pour s'octroyer des avantages secrets 9 , l'employé a trompé son employeur et a déçu la confiance que ce dernier lui portait. Le fait que les conséquences pratiques ne lèsent pas l'em-ployeur ne relève finalement que du hasard, hasard dont on ne saurait faire dépendre la qualification de comportements en réalité identiques dans leurs motivations. Dans les deux hypothèses la con-currenœ est falsifiée, la confiance entre les diverses parties en cause est menacée.

II paraît donc parfaitement logique si l'on veut protéger la répu·

tation d'intégrité des fonctionnaires, l'apparence d'objectivité de l'administration 10 d'étendre la protection pénale aux premières manifestations de corruption, soit à l'acceptation d'avantages indus de l'article 316 CPS. Le bien protégé 11 est suffisamment important pour justifier une protection extensive. Le fait que la corruption porte aussi atteinte à des biens supra-individuels impose une défi-nition qui ne $'attache pas aux résultats secondaires (affaire avanta·

geuse ou non; violation ou non des devoirs de sa charge) de l'acte.

7 Cf. les remarques de W. Peter, thèse, p. 18 ss, 54 ss (réf.); sur l'article 316, cf. R. Gerber in RPS 1979, p. 243 ss.

8 Cf. note 6 supra et Chapitre II, 4.1.2.

9 Cf. Chapitre I, 2.2.2. et 2.3.2.

10 Cf. H.R. Bass, thèse, p. 75.

11 Par ex.: G. Stratenwerth, loc. cit. note 1 et Chapitre II, 4.1.2.

SECTEUR PUBLIC / SECTEUR PRIVÉ 71 1.2. Les éléments constitutifs essentiels, rappel.

Pour assurer la sauvegarde du bien protégé, il convient d'inter-venir dès qu'un fonctionnaire apparaît comme vénal. C'est pour-quoi, les infractions en question sont réalisées dès qu'un avantage a été sollicité (articles 315 et 316) ou offert (articles 288) et qu'il n'est pas nécessaire que le corrompu entre réellement en posses-sion du pot-de-vin envisagé 12 ; de même, le comportement ultérieur du fonctionnaire peut très bien ne pas être conforme aux espoirs et visées du corrupteur 13.

Le Tribunal fédéral a d'ailleurs déclaré très clairement: «La seule offre d'un avantage constitue la corruption active de même que le seul fait d'exiger est déjà un délit de corruption passive; il n'est pas nécessaire pour que le délit existe dans le premier cas que l'offre soit acceptée par le fonctionnaire ou dans le second, que le tiers acquiesce à l'exigence de celui-ci 14 ».

De même, la notion de « don ou de quelque autre avantage »

(Geschenk oder anderer Vorteil) doit être interprétée largement;

elle comprend donc ainsi les avantages matériels et immatériels comme « ( ... ) jede andere Gunst: gesellschaftliche, berufliche Vor-telle, Wahlunterstüzung, eine günstige Heirat usw ... 15 ». Ces avan-tages doivent être indus, c'est-à-dire ne pas constituer des taxes ou émoluments exigés pour l'exercice d'une activité administrative (cf.

l'article 313 CPS). Le comportement du fonctionnaire - soit le but, l'objet de la corruption - doit être en rapport étroit avec ses fonc-tions officielles (cf. par analogie les articles 285 et 286 CPS) ; il n'est cependant pas nécessaire, selon le Tribunal fédéral 16, qu'il s'agisse directement d'un acte de sa fonction 17 , il suffit que «Le fonction-naire profite de façon illicite de sa position officielle. Cela sera no·

tamment le cas pour des actes qu'il aura l'occasion de commettre grâce à sa fonction. S'il n'existe aucune relation de droit ou de fait entre les actes défendus et les fonctions officielles, tel le cas d'une occupation accessoire sans aucun rapport avec l'activité offi.

12 Par ex. O. Feldmann, thèse, Fribourg, 1967, p. 114-115; G. Stratenwerth, traité II, p. 350; JT 1975 IV 120 ss = RO 100 IV 56 ss, Rochelt c. M.P. de St-Gall.

13 Par ex. JT 1918 I, 54 ss, 56 = RO 43 I 220 ss, M.P. fédéral c. Mühlemann (ancien article 56 CP qui correspond à l'article 316 CPS), cf. JT 1946 IV, 54 ss, cons. 3 -= RO 71 IV 139 ss, Spring c. Procureur général du canton de Berne.

14 JT 1951 IV 113 ss, 121 = RO 77 IV 39 ss, Freuler et Handschin c. M.P. de Bâle-Ville et JT 1967 IV 98 ss, 102, 103 = RO 93 IV 49 ss, Haas et Bühler c.

M.P. de Bâle-Ville.

15 G. Stratenwerth, traité Il, p. 346.

16 Contra G. Stratenwerth, traité, II, p. 348 ss.

17 Cf. JT 1974 IV, p. 146, Gruber c. M.P. Bâle-Ville; JT 1951 IV, p. 122; JT 1967 IV, p. 103 (cités note 14).

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cielle, l'article 315 - pas plus que l'article 288 CP - ne pourra être appliqué. La corruption consiste en effet à payer un fonctionnaire pour en obtenir un acte impliquant un abus de sa charge 1B ». Cette opinion du Tribunal fédéral nous paraît tout à fait conforme aux buts de la loi 19 , si l'on se réfère aux explications que notre Cour suprême a fourni dans le cas cité ci-dessus (note 18) et si l'on ne s'attache pas à la forme plutôt résumée qu'elle a utilisée dans les arrêts ultérieurs, notamment dans l'arrêt Haas et Bühler de 1967 (à la page 103). Il est clair en outre que lorsque le comportement du corrompu s'inscrit en dehors de ses fonctions officielles, d'autres règles et sanctions peuvent être appliquées, notamment les mesures disciplinaires prévues par le statut particulier auquel le corrompu est soumis 20.

Précisons enfin que seule la corruption active qualifiée (article 288) est pénalement réprimée, le corrupteur restant en principe impuni lorsqu'il offre uniquement des avantages indus au sens de l'article 316 CPS 21.

1.3. La corruption de fonctionnaires en Suisse.

La jurisprudence, tant fédérale que cantonale, sur ces trois arti-cles du Code pénal est extrêmement pauvre et si l'on examine en-core la statistique de la criminalité en Suisse 22 , on découvrira qu'en dix-huit ans, soit de 1960 à 1978 (année du jugement) il a été prononcé en tout 163 condamnations pour corruption active (article 288), 18 pour corruption passive (article 315) et 9 seulement pour violation de l'article 316 CPS. Cette énumération permet de com-prendre la rareté des cas tranchés par les tribunaux ! Face à ce phénomène, nous développerons deux remarques : premièrement, la conclusion la plus évidente est que, même si l'on doit en matière de pots-de-vin compter avec un important «chiffre noir» 2 3 , l'ad-ministration suisse n'est probablement pas très corrompue, que sa réputation d'intégrité (cf. supra note 8) n'est pas menacée d'une manière inquiétante. Le rôle du droit pénal dans le maintien de ce caractère d'incorruptibilité reste cependant très difficile à

détermi-18 JT 1947 IV, p. 147.

19 Cf. supra note 6.

20 Par ex. : O. Feldmann, thèse, p. 116 ; H.R. Bass, thèse, p. 71 ; pour les sanctions, cf. par ex. : LF sur le statut des fonctionnaires )RS 172.221.10), art. 31 ss.

21 Cf. W. Peter, thèse, p. 53 ss; R. Gerber in RPS 1979, p. 247-248; contra:

P. Logoz, commentaire, PS, II, p. 761 (réf.).

22 Publiée annuellement par le Bureau fédéral des statistiques, Berne.

23 Cf. supra Chapitre II, 1.1 et H.V. Weber in Handworterbuch der Krimino-logie, vol. I, p. 59-60.

SECTEUR PUBLIC j SECTEUR PRIVÉ 73 ner et l'on peut se demander si, d'une part, les traitements conve-nables assurés très généralement aux fonctionnaires et la faible dimension des collectivités locales, d'autre part, ne jouent pas aussi un rôle dissuasif important en la matière.

Il ne s'agit bien sûr ici que de spéculations, mais il ne nous paraît pas déraisonnable d'imaginer que les risques accrus de dé-couverte et de connaissance rapide de l'infraction dans un milieu en définitive assez restreint soient des facteurs préventifs non négli-geables. Enfin, il faut encore relever que lorsque la communauté locale est petite, il devient, à notre avis, moins nécessaire de recou-rir à des moyens grossiers comme la corruption pour obtenir un traitement favorable : la personnalité des parties en cause, les rela-tions sociales, l'atmosphère générale, prennent une importance dif-férente, jouent un rôle beaucoup plus subtil et efficace qui échappe totalement au contrôle du droit.

Deuxièmement, il convient encore de souligner la très grande dif-férence entre les cas de corruption active: 163 (soit en moyenne 9 par an) et ceux de corruption passive: 18 (soit en moyenne 1 par an).

L'explication de cette disproportion est délicate, comme l'est d'ail-leurs cellE; des statistiques en matière de corruption d'une manière générale 24 • Il faut tout d'abord noter qu'en cas de corruption, les deux parties ont un intérêt évident à cacher leurs agissements, inté-rêt qui diminue peut-être pour l'infraction visée par l'article 316 CPS puisque le « corrupteur» n'est alors pas punissable. De plus, en raison de l'application du principe de l'opportunité de la poursuite, un certain nombre de cas où le fonctionnaire ne jouait qu'un rôle minime ont probablement été laissés de côté par les autorités com-pétentes. Ensuite, il est aussi vraisemblable que l'administration préfère soit simplement se «débarrasser» rapidement du fonction-naire corrompu, soit dans des circonstances peu graves lui infliger des sanctions disciplinaires plus discrètes. Enfin, on ne doit proba-blement pas sous-estimer non plus la difficulté de prouver l'exis-tence de l'infraction de corruption passive, simple ou qualifiée; et on peut encore imaginer que certains délits ne sont que des tenta-tives de corruption dénoncées par des fonctionnaires intègres (cf.

l'arrêt cité supra note 14).

Après avoir brièvement évoqué les principaux éléments consti-tutifs des infractions de corruption, il nous paraît utile de définir encore plus précisément la notion de « fonctionnaire » ; nous avons choisi cette démarche - à première vue plutôt illogique - car elle nous permet de montrer plus clairement les liens entre le secteur public et privé, l'existence de charges et de fonctions semblables

24 Cf. H.V. Weber, op. cit. note précédente, not. p. 59.

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malgré une réglementation traditionnellement très fortement

diffé-rerc1·~e.

La notion de ionctionnaire nous semble donc constituer, en rela-tion avec le concept de t&cbes de l'Etat, la charnière entre les deux domaines : public et privé.

§ 2 : LA NOTION PÉNALE DE FONCTIONNAIRE EN MATIÈRE DE CORRUPTION.

2.1. La notion.

L'article 110 chiffre 4 CPS définit cette notion ainsi: «Le terme fonctionnaire s'applique au fonctionnaire et à l'employé d'une ad-ministration publique ou de la justice. Sont aussi considérés comme fonctionnaires les personnes qui occupent une fonction ou un emploi à titre provisoire; ou qui exercent une fonction publique tempo-raire ». Les articles sur la corruption précisent encore qu'ils sont applicables au membre d'une autorité, arbitre ou expert, traducteur ou interprète commis par l'autorité et même en cas de corruption active (article 288) à une personne appartenant à l'armée 25 •

De la simple lecture de ces divers textes légaux résulte déjà le sentiment que la notion de fonctionnaire en droit pénal est très large et doit probablement de plus être interprétée de manière assez large. Le Tribunal fédéral a ainsi été amené à déclarer : « Chaque fois que le Code Pénal attache de l'importance à la qualité de fonc-tionnaire (par exemple articles 140 ch. 2, 285 ss, 312 ss), il le fait non pas à raison du rapport de service, mais des fonctions que l'agent exerce 26 ».

Il peut par conséquent très bien arriver que le droit pénal qua-lifie de fonctionnaire un individu auquel le droit administratif ne reconnaît pas formellement ce statut (cf. les arrêts cités infra, notes 55 et 56) ; de là, il faut conclure a contrario - et nous obtenons déjà un élément important - que chaque fois que le droit public confère à un individu la qualité de fonctionnaire, ce dernier pos-sède nécessairement ce même statut en droit pénal 27 ,

Le critère déterminant réside donc uniquement dans la défini-tion des ~<fonctions officielles», car celui qui exerce de telles

fonc-25 Extension nécessaire car l'article 141 CPM ne s'applique pas aux civils en temps de paix.

26 JT 1945 IV 80 ss, 85 = RO 70 IV, 218 ss, M.P. fédéral c. Christen et consort.

27 Cf. J.A. Sieber in RPS 1966, p. 78 ss, 79; G. Stratenwerth, traité, II, p. 339.

SECTEUR PUBLIC / SECTEUR PRIVÉ 75 tions est automatiquement considéré par le droit pénal comme un fonctionnaire. Il faut par conséquent s'attacher à déterminer quelles sont les tâches qui entrent « im Kreis ôffentlichrechtlicher Aufgaben des Gemeinwesens 28 » ou qui selon une formulation légère-ment différente: « (dienen) der Erfüllung einer dem Gemein-wesen zukommenden ôffentlichrechtlichen Aufgabe 29 » ; cette dé-marche n'est pas aisée et ne peut finalement être entreprise que lors de l'examen de cas particuliers puisque la notion même de tâche dévolue à l'Etat évolue constamment.

Il convient donc d'examiner chaque fois quels sont les rapports entre le travail effectué, le statut particulier de l'institution ou de l'individu au sein de l'administration ou de la communauté et les tâches dévolues à l'Etat.

Selon la doctrine quasi-unanime 3o, il est nécessaire qu'existe en outre un rapport de subordination envers l'Etat, ce qui exclut géné-ralement les parlementaires et les jurés fédéraux 31 , par exemple, de la définition de l'article 110 chiffre 4 CPS, mais non des articles 288, 315 et 316 CPS où ils sont englobés dans la notion d'« autorités».

Ainsi, selon les cas, des activités extérieurement semblables pour-ront-elles être qualifiées différemment: par exemple, le statut de fonctionnaire a été dénié à un fondé de procuration de la banque cantonale de Zürich - établissement autonome de droit public -parce que celle-ci ne faisait pas partie hiérarchiquement de l'admi-nistration cantonale malgré l'existence de liens assez étroits, comme la nomination par le Parlement du conseil d'administration et la responsabilité de l'Etat en cas de découvert 32; les motifs - non le résultat - de cette décision ont été critiqué par J.A. Sieber 33

qui aurait lui exclu la qualité de fonctionnaire parce que la banque cantonale en cause ne poursuit en réalité que des buts purement fiscaux et non d'intérêt général ; si par contre ce même fondé de procuration avait été employé soit par la BNS (la loi confère expres-sément le statut de fonctionnaire à ses employés 34), soit par une banque cantonale organisée d'une autre manière, il aurait été con-sidéré comme fonctionnaire et soumis à une réglementation plus rigoureuse. Ainsi, il est en principe moins « dangereux » de cor-rompre un fondé de procuration de la banque cantonale zurichoise

28 J.A. Sieber, thèse, p. 344.

29 G. Stratenwerth, lac. cit. supra note 27.

30 Par ex. : G. Stratenwerth, traité, II, p. 340; V. Schwander, traité, p. 252;

JT 1950 IV 52 ss = RO 76 IV 150 ss, Bodmer c. M.P. de Soleure; contra: J.A.

Sieber, thèse, p. 283 ss.

31 RO 76 IV 81 ss, M.P. de la Confédération c. Métry.

32 Obergericht ZH, 24/10/1955 in RSJ 1956, p. 278, n° 135.

33 Thèse, p. 367 ss.

34 RS 951.11.

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ou un fondé de procuration d'une banque pnvee que leurs homo-logues « bénéficiant » pénalement d'un statut de fonctionnaire. La justification de cette inégalité de traitement n'est pas évidente ...

et l'on peut penser que laisser aux hasards de la définition du fonc-tionnaire la répression d'actes identiques n'est pas nécessairement le moyen le plus adéquat de combattre les pots-de-vin!

C'est probablement une réflexion de ce type qui a quand même incité le législateur à définir de manière un peu différente et à élar-gir le cercle des personnes susceptibles, si elles sont corrompues, d'être assimilées à des fonctionnaires : soit les membres d'une auto-rité, arbitres ou experts, traducteurs ou interprètes, personnes appe-lées à rendre la justice. Une telle extension de concept se justifie d'ailleurs aussi si l'on se réfère au bien protégé, soit l'apparence d'objectivité de l'administration.

Le premier groupe mentionné soit les membres d'une autorité recouvre une notion qui a posé dès les travaux préparatoires 35 et pose encore de délicats problèmes de définition. Tout d'abord, pour déterminer plus précisément cette notion, il faut se rap-porter à la caractéristique fondamentale - la même que pour la définition du fonctionnaire - soit l'exercice d'une fonction rele-vant des tâches générales dévolues à l'Etat, la notion de membre d'une autorité privée n'a pas de sens ici 36 •

La différence avec le fonctionnaire réside ainsi dans l'inexis-tence, en principe, d'un lien de subordination envers l'Etat 37 ; peu importe par conséquent le niveau de l'autorité : communal, canto-nal ou fédéral et sont par exemple membres d'une autorité : les par-lementaires fédéraux 38, les membres d'un gouvernement cantonal 39,

d'une commission communale d'assistance publique 40• Le cercle déjà vaste des fonctionnaires visés par la réglementation pénale de la corruption s'aggrandit donc encore notablement.

Enfin, si l'on ajoute les arbitres, experts, traducteurs, inter-prêtes et personnes appelées à rendre la justice, énumérés par les articles 288, 315 et 316, un grand nombre d'activités tombe dans le champ d'application des dits articles, activités qui commencent à avoir un lien beaucoup plus ténu avec le bien protégé. Ainsi, les arbitres sont désignés et leur compétence fondée par des accords de pur droit privé et ils n'exercent en réalité aucune fonction offi-cielle au sens propre, même lorsqu'ils tranchent en dernière

ins-35 Cf. le résumé donné par J.A. Sieber, thèse, p. 250 ss.

36 Le même, p. 263.

37 G. Stratenwerth, traité, II, p. 340 (réf.).

38 Par ex.: J.A. Sieber, thèse, note 29, p. 260 (réf.).

30 Par ex.: P. Logoz, commentaire, P.S., Il, p. 746-7.

40 Obergericht ZH, 15/2/1951 in BIZR 1952, p. 47 ss.

SECTEUR PUBLIC / SECTEUR PRIVÉ 77 tance des li tiges juridiques et que leur sentence est reconnue par l'ordre juridique 41 ; il s'opère donc par là en quelque sorte un glis-sement vers le secteur privé et l'on tend à protéger aussi l'objecti-vité et l'honnêteté des transactions privées, même de manière indi-recte et implicite.

Il faut maintenant que nous évoquions brièvement la modifica-tion que subit la nomodifica-tion-même de « tâches dévolues à l'Etat 42 » ;

cette modification tend d'une part à changer directement le champ des compétences de l'Etat en imposant à celui-ci de nouvelles char-ges et, d'autre part, à associer plus largement les personnes privées à ces tâches d'intérêt général. Une telle étude est importante pour notre propos car il faut se demander si cette modification a pour corollaire un changement de la notion de fonctionnaire, notion qui

cette modification tend d'une part à changer directement le champ des compétences de l'Etat en imposant à celui-ci de nouvelles char-ges et, d'autre part, à associer plus largement les personnes privées à ces tâches d'intérêt général. Une telle étude est importante pour notre propos car il faut se demander si cette modification a pour corollaire un changement de la notion de fonctionnaire, notion qui

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