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Les processus d’implantation de l’autonomie gouvernementale

Chapitre préliminaire : Considérations théoriques et méthodologiques

Chapitre 1 – Un survol de l’état actuel de la gouvernance autochtone au Canada

1.1 Les difficultés liées à la revendication d’un droit à l’autodétermination

1.1.2 Les fondements politiques et législatifs de l’autonomie gouvernementale

1.1.2.2 Les processus d’implantation de l’autonomie gouvernementale

Dans sa politique concernant la mise en œuvre du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale, le gouvernement canadien énonce que la reconnaissance d’un tel droit aux peuples autochtones n’équivaut pas à une reconnaissance de ces peuples comme des États souverains et indépendants. L’implantation sert avant tout à ce que les nations et communautés autochtones ne soient pas isolées des autres Canadiens et qu’elles puissent évoluer à l’intérieur de la fédération190. L’approche fédérale peut sembler vague puisqu’elle ne prévoit pas de modèle-type ou de mesures concrètes pour la mise en œuvre de l’autonomie gouvernementale191. Cependant, elle envisage qu’il pourrait exister plus d’une façon d’implanter l’autonomie gouvernementale. Les nations et communautés détentrices de ce droit n’évoluent pas dans le même contexte et n’ont pas toutes les mêmes besoins et aspirations. Les moyens d’implantation de leur autonomie doivent tenir compte de ces différences192.

Une première manière d’implanter l’autonomie gouvernementale est le transfert de nouvelles responsabilités vers les bandes constituées en vertu de la Loi sur les Indiens193 et vers les communautés inuites ou métisses194. Cette technique maintient un cadre législatif qui accorde un droit de regard à l’ordre fédéral ou provincial, mais elle octroie une plus grande autonomie dans les domaines se rattachant aux cultures et aux traditions. La Loi sur l’éducation des Mi’kmaq195 est représentative de ce premier courant. Elle a intégré en droit fédéral un accord entre les Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse et le gouvernement fédéral qui permet aux communautés de légiférer en matière d’éducation primaire et secondaire196, de gérer les fonds pour aider ses membres à poursuivre des études postsecondaires197 et d’avoir pleine compétence pour offrir ces services à leurs résidents198. De ce fait même, le gouvernement

190 Id.

191 Peter W.HOGG et Mary Ellen TURPEL, «Implementing Aboriginal Self-Government: Constitutional and Jurisdictional Issues», (1995) 74 Can. Bar. Rev. 187, 192.

192 AFFAIRES AUTOCHTONES ET DU DEVELOPPMENT DU NORD CANADA, L'approche du gouvernement du Canada

concernant la mise en œuvre du droit inhérent des peuples autochtones à l'autonomie gouvernementale et la négociation de cette autonomie, préc., note 190 ; J.-F. TREMBLAY, préc., note 113, 149.

193 Préc., note 2.

194 T. MARTIN et E. DIOTTE, préc., note 5.

195 Loi sur l'éducaton des Mi'kmaq, L.C. 1998, c. 24. 196 Id., art. 6(1).

197 Id., art. 6(2). 198 Id., art. 7

fédéral cesse d’exercer sa compétence en matière d’éducation pour les communautés mi’kmaq. Les dispositions de la Loi sur les Indiens199 portant sur l’éducation ne s’appliquent plus à ces communautés, qui y restent cependant soumises quant à ses autres dispositions200. Une deuxième technique d’implantation de l’autonomie gouvernementale implique la conclusion d’ententes avec des communautés individuelles selon la politique de Négociation de l’autonomie gouvernementale avec les collectivités établie en 1986201. Cette initiative visait à permettre aux communautés d’accroître leurs compétences locales en allant au-delà des matières prévues dans la Loi sur les Indiens202. Ces ententes étaient mises en œuvre par l’adoption de lois fédérales qui instauraient un régime parallèle à celui de la Loi sur les Indiens et qui octroyaient aux communautés de plus amples pouvoirs décisionnels203. En 1986, la bande indienne sechelte204 a choisi de renoncer à l’application de la Loi sur les Indiens pour être régie par son propre régime législatif205, la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte206. Ce nouveau cadre a octroyé une nouvelle personnalité juridique au conseil de bande des Secheltes207 et de plus amples pouvoirs en matière d’éducation, d’accès aux terres et de services de santé208. Les Secheltes ont aussi reçu 42 millions de dollars, 933 hectares de terres de la Couronne et 288 hectares de terres privées, des permis de pêche supplémentaires, des pouvoirs accrus pour la gestion des ressources forestières et des titres de propriété additionnels sur la côte du Pacifique. En retour, les Secheltes avaient proposé d’élimination graduelle de l’exemption pour leurs membres de payer des taxes provinciales et des impôts209.

199 Préc., note 2.

200 Id., art. 11.

201 BIBLIOTHEQUE DU PARLEMENT, L'autonomie gouvernementale des autochtones [Ressource électronique], Ottawa, 1996, en ligne: http://www.parl.gc.ca/Content/LOP/researchpublications/962-f.htm (site consulté le 22 octobre 2011).

202 Préc., note 2.

203 BIBLIOTHEQUE DU PARLEMENT, L'autonomie gouvernementale des autochtones, préc., note 201.

204 Mis à part la bande de Sechelte, la Première Nation de Westbank et onze Premières nations du Yukon ont conclu des ententes d’autonomie gouvernementale.

205 RobertGROVES, «Territoriality and Aboriginal Self-Determination: Options for Pluralism in Canada» dans RenéJUPPE et RichardPOTZ (dir.), Law & Anthropology, vol. 8, The Hague, Kluwer Law International, 1996, p. 123-146, à la page 135.

206 L.C. 1984, c. 27. 207 Id., art. 6. 208 Id., art. 14(1).

Le processus privilégié par le gouvernement fédéral et les communautés autochtones pour instaurer une forme d’autonomie gouvernementale suit un troisième courant : la Politique du Canada sur les revendications globales210. Elle a été élaborée à la suite de la décision prise dans l’arrêt Calder c. Colombie-Britannique211, qui a relancé le débat quant à la reconnaissance d’une autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones. En réaction, le gouvernement libéral a mis sur pied en 1973 une politique en matière de revendications territoriales globales afin de négocier avec les communautés non liées par traité avec la Couronne. Cette politique prévoyait des négociations entre le fédéral et les peuples autochtones du Québec, de l’Est de l’Ontario, de la Colombie-Britannique, des Maritimes et des territoires afin de déterminer l’étendue de leur titre aborigène sur les terres et les ressources s’y trouvant, ainsi que le degré de leur autonomie gouvernementale. Une loi du Parlement finalisait l’entente212. À ce jour, vingt-trois ententes213 ont été conclues sous l’égide de cette politique214.