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Les créatures de AADNC : les conseils tribau

Chapitre préliminaire : Considérations théoriques et méthodologiques

Chapitre 1 – Un survol de l’état actuel de la gouvernance autochtone au Canada

1.2 Les structures de gouvernance actuelles

1.2.2 Les créatures de AADNC : les conseils tribau

Depuis l’établissement d’un système de gouvernement local pour les Premières nations, les communautés ont appris à collaborer entre elles pour développer une approche commune dans certains domaines. Ces relations de collaboration se sont formalisées dans les années 1970, lorsque des Premières nations partageant les mêmes territoires, religions ou cultures se sont regroupées en tribus270. En 1984, le Cabinet a décidé que ces entités, dorénavant reconnues comme « conseils tribaux », remplaceraient les anciens bureaux de district de AADNC271. Les conseils tribaux deviennent donc responsables de la prestation de certains services consultatifs et de l’administration de certains programmes gouvernementaux272. En transférant ces responsabilités aux conseils tribaux, le gouvernement fédéral, en plus d’octroyer une plus grande autonomie administrative aux Premières Nations, a réalisé des économies d’échelle puisque ces entités offraient les mêmes services que les anciens bureaux de district à une fraction du coût273.

Aujourd’hui, un conseil tribal est défini par le gouvernement fédéral comme « un regroupement de bandes partageant un intérêt commun qui s’unissent volontairement pour offrir des services consultatifs et (ou) des programmes aux bandes membres, et qui possèdent une structure de soutien administratif bien définie »274. Un regroupement de Premières nations n’offrant qu’un seul service, par exemple en matière d’éducation ou de développement

269 Loi sur les Indiens, préc., note 2, art. 81(1) « non incompatibles avec la présente loi ou avec un règlement pris par le gouverneur en conseil », 83(1) « sous réserve de l’approbation du ministre » et 85.1(3) « le chef ou un membre du conseil doit envoyer par courrier au ministre une copie de chaque règlement ».

270 ANDRE COTE et NANCY BYAM, Rapport de vérification: Financement des conseils tribaux, Ottawa, Ministère des Affaires indiennes et Nord Canada, 1997, p. 1.

271 AFFAIRES INDIENNES ET NORD CANADA, Directives du Programme 20-1, vol. l, Affaires indiennes et inuit, chap. 7, Gestion des bandes, sect. 7.3 Conseils Tribaux, Ottawa, Ministère des Affaires indiennes et Nord Canada.

272 A. COTE et N. BYAM., préc., note 270, p. 2. 273 P. TRUDEL, préc., note 102, à la page 302.

économique, n’est donc pas considéré comme un conseil tribal275. Avant que la constitution d’un conseil tribal ne soit avalisée par AADNC, certains critères d’admissibilité doivent être respectés276. Lorsqu’ils sont remplis, le conseil tribal obtient un mandat de représentation de la part de AADNC et il y a transfert de fonds pour l’administration de programmes en matière de développement organisationnel, de services consultatifs277, de gestion et d’administration278 et de prestation de services279. De plus, les conseils tribaux peuvent conclure des accords avec des ministères fédéraux, tels que Santé Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada, pour administrer certains programmes dédiés aux Premières nations280. Environ 80 p. 100 des Premières nations sont regroupées au sein d’un conseil tribal281.

Cependant, les conseils tribaux tels qu’actuellement conçus sont loin de faire l’unanimité. En ce moment, il y a peu de suivi par le gouvernement sur les niveaux de services et les normes à respecter par les conseils tribaux. AADNC n’a pas les moyens de vérifier le respect des choix faits par les Premières nations membres quant à la prestation des services282. Ceci a permis l’émergence de problèmes récurrents d’organisation, parfois résolus par le démantèlement de certains conseils tribaux283. Des vérificateurs internes de AADNC souhaitent que le Ministère soutienne de manière plus constante les activités des conseils tribaux afin de s’assurer que les

275 Id.

276 A. COTE et N. BYAM, préc., note 270, p. 12. Les principaux sont que 1) le conseil doit être formé à l’initiative des Premières nations et que ces rôles et responsabilités, ainsi que les niveaux et normes de service, soit bien définis ; 2) un mandat défini a été confié par les Premières nations membres pour la prestation de services aux bénéficiaires du financement ; 3) le conseil doit être constitué en société ayant une personnalité juridique ; 4) une entente a été conclue avec AADNC pour des examens quant à l’efficacité des programmes et pour une vérification financière annuelle ; 5) le conseil compte au moins cinq Premières nations membres ; et 6) le conseil à l’obligation de rendre compte de ces activités aux Premières nations membres.

277 Incluant l’administration des bandes, la gestion financière, la planification communautaire, les services techniques et le développement économique.

278 Plus précisément, les coûts de réunion, salaires des administrateurs, administration générale des programmes et services, les frais de vérification et le financement pour la gestion et l’administration.

279 Sont compris les services pour lesquels les bandes peuvent individuellement recevoir du financement du gouvernement fédéral.

280 AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADA, Aperçu du programme des conseils tribaux, (2002), Ottawa, Governement du Canada, p. 4.

281 Id.

282 A. COTE et N. BYAM, préc., note 270, p. 8.

283 J. LECLAIR, «L'aménagement institutionnel de la diversité : "Petites collectivités ou nation ? Qui sont les titutlaires du droit inhérent des peuples autochtones à l'autodétermination ?"», préc., note 31, à la page 135.

deniers publics financent à travers le pays des programmes et des services de niveau comparable284.

Malgré ces problèmes de gouvernance, certains chercheurs suggèrent de regrouper l’administration des programmes et services de façon plus systématique au niveau des conseils tribaux aux dépens des Premières nations pour améliorer le niveau de prestation de services au sein des communautés285. Cependant, plusieurs Premières nations s’opposent à l’idée de perdre le contrôle sur ces domaines et sur le financement qui leur est rattaché286. Elles craignent qu’une centralisation de ces activités leur nuise à long terme. Les besoins et priorités des Premières nations sont variés et en constante évolution. Les programmes et les services fournis par le conseil tribal pourraient donc ne pas être adaptés à certaines des communautés membres287. Il demeure aussi que certains mécanismes de surveillance pour la reddition de comptes des conseils tribaux ne sont toujours pas en place, ce qui fait en sorte qu’il peut être difficile de détecter des déficiences dans les services fournis aux Premières nations membres288.

Puisque que le gouvernement fédéral semble favoriser les organisations nationales et régionales des Premières nations pour la mise en œuvre du droit à l’autodétermination des Autochtones, les conseils tribaux pourraient représenter les structures administratives appropriées auxquelles certaines compétences législatives pourraient être dévolues289. Le niveau de financement devra alors être ajusté afin de permettre aux conseils tribaux d’offrir des services plus spécialisés et diversifiés290.