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Les principes de Yogyakarta

Dans le document Être transgenre en Belgique (Page 57-60)

des trans*

4.1. Droits de l’Homme

4.1.3. Les principes de Yogyakarta

La Commission Internationale des Juristes et le Service International des Droits de l’Homme ont mis sur pied – au nom d’une coalition d’organismes de défense des droits de l’Homme – un projet visant à établir un cer-tain nombre de principes juridiques internationaux concernant l’application du droit international aux viola-tions des droits fondamentaux liés à la nature sexuelle et à l’identité de genre ; ceci afin de rendre plus claires et plus cohérentes les obligations des états en matière de droits de l’Homme. Ces principes ont été définis, élaborés, commentés et affinés par un groupe d’éminents experts.172 A l’occasion d’une réunion organisée en novembre 2006 à l’université de Gadjah Mada à Yogyakarta, en Indonésie, 29 spécialistes renommés issus de 25 pays et de diverses disciplines avec différents degrés d’expertise législative en matière de droits de l’Homme ont adopté à l’unanimité les principes de Yogyakarta concernant l’application du droit international en ce qui concerne les droits fondamentaux liés à la nature sexuelle et à l’identité de genre.

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Les principes de Yogyakarta couvrent un large spectre de normes dans le domaine des droits de l’Homme et de leur application à des questions touchant la nature sexuelle et l’identité de genre. Ils confirment l’obli-gation fondamentale qu’ont les états de tenir compte des droits de l’Homme. Chaque principe formule des recommandations détaillées à l’adresse de tous les états. Les experts insistent en outre sur le fait que tous ces acteurs ont la responsabilité de promouvoir et de protéger les droits de l’Homme. Les autres acteurs, comme les instances des Nations unies chargées des droits de l’Homme, les institutions nationales dédiées aux droits de l’Homme, les médias, les organisations non gouvernementales et les financiers, font l’objet de recomman-dations complémentaires.

Les experts s’accordent à dire que les principes de Yogyakarta véhiculent une image positive de la législation internationale actuelle en matière de droits de l’Homme pour les questions liées à la nature sexuelle et à l’identité de genre. Ils reconnaissent également que les états devraient peut-être adopter des obligations com-plémentaires étant donné l’évolution constante du contexte juridique des droits de l’Homme.

Les principes de Yogyakarta confirment les normes juridiques internationales contraignantes auxquelles tous les états doivent satisfaire. Ils permettent d’envisager un autre avenir où tous les gens, nés libres et égaux en droits et dignité, pourront bénéficier des précieux droits acquis dès la naissance.

Dans ces principes, le concept d’ « identité de genre » a la signification suivante : « l’expérience intime et per-sonnelle de son genre profondément vécue par chacun, qu’elle corresponde ou non au sexe assigné à la nais-sance, y compris la conscience personnelle du corps (qui peut impliquer, si consentie librement, une modifica-tion de l’apparence ou des foncmodifica-tions corporelles par des moyens médicaux, chirurgicaux ou autres) et d’autres expressions du genre, y compris l’habillement, le discours et les manières de se conduire. »

Le principe 3 – « Le Droit à la reconnaissance devant la loi » – est particulièrement important pour les person-nes transgenres. Il stipule que :

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Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique. Les personnes aux diverses orientations sexuelles et identités de genre jouiront d’une capacité juridique dans tous les aspects de leur vie. L’orientation sexuelle et l’identité de genre définies par chacun personnellement font partie intégrante de sa personnalité et sont l’un des aspects les plus fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté. Personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassig-nation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre. Aucun statut, tels que le mariage ou la condition de parent, ne peut être invoqué en tant que tel pour empêcher la reconnaissance légale de l’identité de genre d’une personne. Personne ne sera soumis à de la pression pour dissimuler, supprimer ou nier son orientation sexuelle ou son identité de genre.

Les états devront :

1) Garantir que toutes les personnes se voient accordées une capacité juridique dans les affaires civiles, sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, ainsi que la possibilité d’exercer cette capacité, y compris un droit égal à conclure des contrats, et à administrer, posséder, acquérir (y com-pris par héritage), gérer, jouir et disposer de biens ;

2) Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour respecter pleinement et reconnaître légalement l’identité de genre telle que chacun l’a définie pour soi-même ;

3) Prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour assurer l’existence de procédures par lesquelles tous les documents émis par l’état indiquant l’identité de genre d’une personne – y compris les certificats de naissance, les passeports, les registres électoraux et d’autres documents – reflètent l’identité de genre profonde telle que définie par chacun pour soi-même ; 4) Garantir que de telles procédures soient efficaces, équitables et non-discriminatoires, et qu’elles respec-tent la dignité et la vie privée de la personne concernée ;

5) Garantir que les modifications apportées aux documents d’identité soient reconnues dans toutes les situations où l’identification ou la catégorisation des personnes en fonction du sexe est requise par la loi ou une politique ;

6) Mettre en place des programmes ciblés afin d’apporter un soutien social à toutes les personnes subissant un transition ou une réassignation de sexe.

Cet article – et plus particulièrement la phrase « Personne ne sera forcé de subir des procédures médicales, y compris la chirurgie de réassignation de sexe, la stérilisation ou la thérapie hormonale, comme condition à la reconnaissance légale de son identité de genre. » – est clairement en contradiction avec la loi du 10 mai 2007 relative à la transsexualité (M.B. du 11 juillet 2007) (voir ci-dessus). Aux Pays-Bas, l’adoption des principes de Yogyakarta a incité le ministre actuel de l’Emancipation à réexaminer à la loupe la stérilisation obligatoire des personnes transsexuelles. Cette intention a été récemment confirmée par le ministre néerlandais des Affaires étrangères. Le 15 mai 2009 (Journée internationale contre l’homophobie), le Parlement néerlandais a organisé une conférence sur les droits des LGBTIQ.173 Le ministre des Affaires étrangères Maxime Verhagen y a promis

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d’adapter la loi néerlandaise, qui exige que les personnes transsexuelles subissent une chirurgie irréversible, conformément au 18ème principe de Yogyakarta (le droit d’être protégé des abus médicaux).

En Belgique, la Sénatrice Martine Taelman a introduit une Proposition de résolution concernant l’acceptation et l’alignement généraux des lesbigays (10 avril 2008) auprès du Sénat belge (Pièce législative 4-687/1, 10 avril 2008). Ici aussi, le texte demande notamment au gouvernement fédéral de souscrire aux 29 principes de Yo-gyakarta, bien qu’il ne dise pas un mot sur les personnes transgenres ou l’identité de genre et ne porte que sur les lesbigays et l’orientation sexuelle. La Proposition de résolution a été transmise le 17 avril à la Commission des Affaires sociales, où elle attend encore d’être traitée.

Le 11 juin 2008, Zoé Genot et Meryem Almaci ont introduit à la Chambre des Représentants une proposition de résolution sur la reconnaissance des principes de Yogyakarta en ce qui concerne l’application des droits de l’Homme liés à la nature sexuelle et à l’identité de genre (Doc 52-1240/001). L’objectif de cette proposition est que la Belgique, à l’instar d’autres parlements nationaux en Europe, reconnaisse officiellement les principes de Yogyakarta, en vue de l’application effective des dispositions contre la discrimination basée sur la nature sexuelle et l’identité de genre. Cette proposition de résolution s’attache toutefois à la thématique de la trans-sexualité, voire de l’identité de genre. Ainsi, le paragraphe F de la résolution précise : « Considérant que de nombreux pays, dont certains Etats-membres de l’Union européenne, ne reconnaissent pas certains droits humains les plus élémentaires aux homosexuels et transgenres », le gouvernement fédéral est donc appelé à :

« 1) souscrire aux principes de Yogyakarta et en appliquer pleinement les dispositions dans tous les domaines de la vie publique et privée, afin de mettre fin à toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle et l’iden-tité de genre », ainsi qu’à : « 5) renforcer les politiques antidiscriminatoires, de prévention du suicide chez les homosexuels, de sensibilisation et d’informations relatives au libre choix de son orientation sexuelle et d’iden-tité de genre ». Le document doit encore être traité par le Groupe de travail de la Commission des Relations extérieures affecté aux propositions de résolutions.

Dans le document Être transgenre en Belgique (Page 57-60)