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5.   MÉTHODOLOGIE 50

5.1   La cristallographie des protéines 50

5.1.2   Les principes de la cristallographie des protéines 51

Seuls les principes fondamentaux nécessaires à une compréhension globale de la CRX sont exposés dans cette partie. Des informations plus détaillées peuvent être trouvées dans des ouvrages de référence [Drenth & Mesters 2007; McPherson 2002]. Nous nous sommes en particulier limités à la CRX monochromatique.

5.1.2.1 Pourquoi  utiliser  les  rayons  X  en  cristallographie  des  protéines  ?  

Les rayons X sont des ondes électromagnétiques (OEM) d’énergie comprise entre 0.1 keV et 100 keV. Leur longueur d’onde est donc comprise entre 0.1 Å et 900 Å, approximativement. Puisque les distances interatomiques au sein d’une protéine sont de l’ordre d’1.5 Å, les rayons X de longueur d’onde comparable sont adaptés à la résolution d’une structure à résolution atomique. Puisqu’il n’existe pas de lentille capable de focaliser les rayons X, on a recours à une méthode indirecte.

La CRX repose en premier lieu sur l’interaction des rayons X, considérés ici comme des OEM, avec les électrons de la protéine. L’OEM incidente fait osciller les électrons qui

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réémettent ensuite un rayonnement de même fréquence (ce qui est uniquement vrai dans le cas d’une interaction élastique, on parle alors de diffusion Thomson). L’onde résultante émise par le cristal est la somme des ondes émises par tous les électrons de la protéine. Cependant, l’échantillon étant sous forme cristalline, cette onde est également la somme de toutes les ondes de chaque protéine qui compose le cristal. L’agencement régulier et périodique des protéines dans le cristal est à l’origine de phénomènes d’interférences, constructives et destructives, entre les OEM. La nature du réseau cristallin impose des conditions à la diffusion : on parle alors de diffraction. Sur l’écran d’observation, des tâches forment un cliché de diffraction. La position des tâches sur le cliché de diffraction renseigne sur la géométrie du réseau cristallin. L’intensité des tâches est beaucoup plus riche en information : elle dépend de la structure de la protéine. Une expression permettant de calculer l’onde diffractée par un cristal à la distribution de la densité électronique d’une protéine peut être aisément établie. Le but d’une expérience de cristallographie sera alors d’inverser cette relation, et de calculer la distribution de la densité électronique à partir de l’onde diffractée.

5.1.2.2 Le  réseau  cristallin  

Le phénomène de diffraction naît de l’agencement périodique, dans les trois dimensions de l’espace, des molécules qui composent un cristal. La régularité de cette organisation est telle qu’elle se reflète à l’échelle macroscopique sous formes de faces planes. Dans cet empilement régulier, on peut identifier la répétition d’un motif, la maille élémentaire, caractérisée par trois vecteurs (

a,

b et

c) et trois angles (α, β et γ) ; la maille élémentaire

est la plus petite unité d’espace qui permet de reconstruire le motif cristallin par translation (selon les vecteurs susmentionnés). De ce point de vue, et indépendamment du contenu de la maille élémentaire, le cristal peut être vu comme un réseau. Nous verrons par la suite que la diffraction des rayons X (RX) peut alors être considérée comme une réflexion sur les plans du réseau cristallin.

5.1.2.3 La  symétrie  cristalline  

Le contenu de la maille élémentaire peut présenter des symétries internes. La maille élémentaire peut alors être reconstruite par l’application des opérateurs de symétrie correspondants à l’unité asymétrique, c'est-à-dire la plus petite unité d’espace qui ne

53 possède pas d’élément de symétrie. Les opérateurs de symétrie possibles sont des axes de rotation (simples ou hélicoïdaux) d’ordre 2, 3, 4 ou 6, des centres d’inversion et certaines combinaisons de ces opérateurs. Si l’unité asymétrique contient plusieurs copies de la protéine cristallisée, celles-ci peuvent être liées par des opérateurs de symétrie non- cristallographique.

Il existe 230 manières de combiner ces opérateurs de symétrie : ce sont les 230 groupes d’espace. Seuls 64 groupes d’espace sont autorisés dans les cristaux des protéines. En effet, l’application des symétries miroirs et des centres d’inversion sur les protéines conduirait à transformer des acides aminés de type L en acides aminés de type D, lesquels ne rentrent pas dans la composition des protéines.

5.1.2.4 La  loi  de  Bragg  

Lors d’une expérience de CRX, le cristal est placé sur le trajet d’un faisceau de RX de longueur d’onde λ. Comme les ondes des RX diffusés n’ont pas tous la même phase, les interférences entre elles sont pour la plupart destructives. En effet, chaque atome du cristal participe à la diffraction, et la distribution des phases des RX est homogène dans l’espace des phases ( ]0-2π]). L’amplitude de l’onde résultante en un point (du détecteur, par exemple) doit donc être statistiquement nulle. Toutefois, il existe un nombre discret de conditions pour lesquelles les interférences sont constructives. Tout se passe comme si les RX étaient réfléchis par les plans du réseau cristallin (Fig. 14). Ainsi si les RX réfléchis par un ensemble de plans parallèles du cristal sont en phase, ils donneront lieu à des interférences constructives. Cette condition est exprimée par la loi de Bragg :

2d sinθ = nλ  

d correspond à l’espacement entre deux plans, θ est l’angle entre la direction du RX incident et la surface d’un plan, λ la longueur d’onde des RX et n un entier. La différence de marche entre deux RX parallèles est égale à 2d sinθ. L'interférence constructive se produit lorsque la différence de marche est un multiple de la longueur d’onde des RX (nλ).

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Figure 14. Représentation schématique de la loi de Bragg.

5.1.2.5 Réseau  réciproque  et  résolution  

Afin de pouvoir mesurer leur intensité, les RX sont interceptés sur un écran (le détecteur), et dessinent ainsi des clichés de diffraction (voir plus loin). L’ensemble des taches de diffraction, obtenues par rotation du cristal dans le faisceau de RX, est une projection du réseau réciproque du cristal. Le réseau réciproque, purement imaginaire, est la transformée de Fourier (TF) du réseau réel. Les vecteurs qui définissent la maille du réseau réciproque sont les inverses des vecteurs de la maille du réseau réel. En conséquence, si les plans du réseau réciproque sont identifiés par leurs indices de Miller (h, k et l), les distances dhkl entre les plans du réseau réciproque seront égales à 1/d. Or :

1

d =

2sinθ λ

représente l’inverse de la résolution d’une réflexion. Sur le cliché de diffraction, plus les taches sont éloignées du centre, plus l’angle θ entre les RX et le plan du réseau dans l’espace réel est grand, et donc plus haute est la résolution de la réflexion correspondante. On pourra alors définir la résolution d’un jeu de données comme étant la résolution de la réflexion la plus éloignée du centre du détecteur.

5.1.2.6 La  sphère  d’Ewald  

La construction d’Ewald (Figure 16) permet de prédire la direction des RX diffractés, et donc le contenu des clichés de diffraction. Considérons un faisceau de RX parallèle et de longueur d’onde λ : alors la longueur d’onde dans l’espace réciproque sera égale à 1/λ.

55 Les RX sont représentés par une sphère de rayon 1/λ (la sphère d’Ewald). Le cristal et son réseau réciproque sont centrés en O. La diffraction se produit lorsqu’un nœud du réseau réciproque (défini par ses indices hkl) entre en contact avec la surface de la sphère d’Ewald (en P). La direction de l’onde diffractée est celle de l’axe MP sur la figure 15. Les RX incident et diffracté font un angle de 2θ. La position de la réflexion correspondante peut alors être déterminée sur la base de la valeur de 2 θ et de la distance cristal-détecteur.

Figure 15. La sphère d’Ewald.

5.1.2.7 La  transformée  de  Fourier  

Les clichés de diffraction peuvent être vus comme le résultat d’une TF du réseau cristallin dans l’espace réel. Résoudre la structure d’une protéine par CRX implique donc d’être capable de réaliser l’opération inverse.

Tous les atomes de toutes les protéines d’un cristal participent à chacune des réflexions. Le facteur de structure F(hkl), définit la relation entre la réflexion associée et la distribution de la densité électronique ρ(xyz) de la protéine :

F(hkl) = V ρ(xyz)e2πi(hx +ky +lz)

z =0 1

y =0 1

x =0 1

dxdydz

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On voit dans cette équation que le facteur de structure F(hkl) est la TF de la densité électronique ρ(xyz). L’intégration est réalisée sur tout le volume V de maille élémentaire2 (la symétrie cristalline rend équivalents toutes les positions liées par des opérateurs de symétrie). D’un point de vue expérimental, il est important de souligner que l’amplitude du facteur de structure est proportionnelle à l’intensité mesurée sur les clichés de diffraction.

La TF inverse permet de calculer la densité électronique à partir des facteurs de structure :

€ ρ(xyz) = 1 V F(hkl)e −2πi(hx +ky +lz) l

k

h

Une triple sommation remplace la triple intégration : les indices h, k et l peuvent uniquement prendre des valeurs discrètes et entières. Les cristaux de protéines et les clichés de diffraction étant centrosymétriques (si la loi de Friedel est respectée ; voir plus loin), la relation se simplifie ainsi :

ρ(xyz) = 2

V

h

k

l F(hkl) cos[2π(hx + ky + lz) −α(hkl)]

Dans cette dernière relation, la phase α(hkl) apparaît. L’impossibilité de la mesurer directement est à l’origine du problème de phase (voir plus loin).