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5.   MÉTHODOLOGIE 50

5.1   La cristallographie des protéines 50

5.1.5   La collecte de données 60

5.1.5.1 Les  sources  de  rayons  X   Les générateurs à anode tournante

Dans un laboratoire de cristallographie, les rayons X sont le plus souvent produits par un générateur à anode tournante. Dans un tube scellé, sous vide, des électrons sont émis par

61 un filament de tungstène qui constitue la cathode de l’appareil. Un fort potentiel négatif entre l’anode et la cathode accélère les électrons à grande vitesse. L’énergie des électrons est suffisamment élevée pour provoquer des transitions électroniques entre les orbitales internes des atomes qui constituent l’anode (des couches L ou M à la couche K). Le retour des électrons aux positions inoccupées s’accompagne de l’émission de rayons X. La longueur d’onde du rayonnement dépend de la nature de la transition électronique et du matériau qui constitue l’anode. En général, l’anode est en cuivre et on règle le potentiel entre l’anode et la cathode de sorte à sélectionner la raie Kα du cuivre (qui correspond à une transition LK) dont la longueur d’onde est d’environ 1.54 Å.

L’essentiel de l’énergie des électrons accélérés est convertie sous forme de chaleur ; la rotation de l’anode permet d’éviter sa destruction prématurée. En outre, ce système autorise la production d’un faisceau de rayons X plus intense que dans un système à anode fixe.

Nous avons restreint notre utilisation de ces générateurs à des tests. Nous avons en effet eu accès régulièrement au European Synchrotron Radiation Facility (ESRF), le synchrotron de Grenoble, la source de rayons X la plus brillante3 d’Europe.

Le rayonnement synchrotron

Les synchrotrons [Mitchell 1999] sont des structures annulaires dont le diamètre varie entre 10 m et plusieurs centaines de m. Des électrons (ou des positrons) sont accélérés par un accélérateur linéaire, amenés à une vitesse proche de celle de la lumière (environ 3.108 m.s-1) dans un accélérateur annulaire (booster), avant d’être injectés dans l’anneau de stockage pour une durée de plusieurs heures. Les changements de direction des particules dans l’anneau sont à l’origine de l’émission d’un rayonnement sur une large gamme de longueurs d’onde, des ondes radio aux rayons γ, avec un maximum d’intensité centré sur 1 Å. A chaque cycle, une impulsion radiofréquence permet de compenser la perte d’énergie due à l’émission des rayons X. L’orbite des électrons n’est pas réellement circulaire. Elle est maintenue par la présence d’aimants de courbure (bending magnets ; BM) tout au long de l’anneau.

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Pour utiliser les rayons X dans une expérience de CRX, les rayons doivent être captés vers la cabine expérimentale. Une ligne de lumière consiste en l’ensemble des éléments qui se situent entre l’anneau de stockage et la cabine expérimentale. Deux types de lignes de lumière existent :

_ les lignes BM.

_ les lignes ID (Insertion Device), plus récemment développées. Les ID sont des éléments insérés entre les sections linéaires de l’anneau qui permettent d’étendre le spectre vers les plus basses longueurs d’onde. Il en existe différents types (wigglers et ondulateurs). Leur fonctionnement repose sur une alternance de pôles magnétiques successivement positifs et négatifs qui produisent des courbures transversales le long de la trajectoire de la particule. Le rayonnement résultant est beaucoup plus intense que celui des lignes BM. A titre de comparaison, une collecte de 3 minutes sur une ligne ID prendrait environ 3 heures sur une ligne BM (et une journée sur un diffractomètre de laboratoire).

L’autre avantage majeur des synchrotrons réside dans la possibilité de sélectionner une longueur d’onde, par le biais d’un monochromateur. Cette propriété permet, en particulier, le phasage d’un jeu de données (voir plus loin) au moyen d’atomes lourds ou de diffuseurs anomaux. La diffraction de Laue exploite plus largement encore le caractère polychromatique du rayonnement synchrotron (voir plus loin).

5.1.5.2 L’enregistrement  des  clichés  de  diffraction  

Afin de pouvoir identifier et mesurer l’intensité de tâches de diffraction, il faut les enregistrer. En CRX, les données sont enregistrées en interceptant les RX sur un écran (le détecteur). Le cliché de diffraction (Fig. 18) ainsi formé est (idéalement) constellé de taches de diffraction. La nature du réseau cristallin et l’orientation du cristal déterminent la position des taches de Bragg. Leur intensité est liée au contenu de la maille : elle est porteuse de l’information structurale (cette information n’est que partielle puisque l’on ne peut mesurer la phase associée aux taches de Bragg : cf. partie 2.1.7.1). Deux types de détecteurs sont aujourd’hui couramment employés.

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Figure 18. Cliché de diffraction enregistré à partir d’un cristal natif de TcAChE. L’ombre du beamstop, qui protège le détecteur du rayonnement X direct, est visible.

_ Les Image Plates (IP) : ce sont des plaques recouvertes d’une fine couche d’un composé inorganique phosphoré capable de retenir une fraction de l’énergie des rayons X. Après exposition aux rayons X, l’IP est lue en éclairant la plaque pixel par pixel : l’énergie stockée est libérée sous forme d’une lumière d’intensité proportionnelle au nombre de photons X absorbés. L’effacement de la plaque, par exposition plus franche à la lumière, nécessite plusieurs minutes. Le temps de lecture est donc un inconvénient majeur des IP. Pour cette raison, ces détecteurs sont aujourd’hui essentiellement réservés aux diffractomètres de laboratoire.

_ Les détecteurs à CCD (Charge-Coupled Device) : c’est le type de détecteur que l’on rencontre typiquement dans les synchrotrons [Westbrook & Naday 1997]. Leur temps de lecture est plus court que celui des IP (approximativement 1 s). Ces détecteurs fonctionnent sur la base de l’effet photoélectrique. Les photons X sont dans un premier temps convertis en lumière visible au travers d’un écran luminescent. Dans chaque pixel, les photons visibles sont ensuite convertis en paires électron/trou dans un matériau semi- conducteur. Des électrons sont ainsi collectés proportionnellement au nombre de photons

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X reçus par le CCD. La lecture du détecteur se fait par transfert de charges : une tension proportionnelle au nombre d’électrons collectés est amplifiée et convertie en un signal numérique prêt pour le traitement de données.

Un nouveau type de détecteurs est apparu récemment, le PILATUS [Broennimann 2006]. C’est un détecteur à pixels qui compte chaque photon reçu. Ses caractéristiques permettent l’enregistrement de données en continu sur un cristal en rotation pendant toute la durée de la collecte de données. Un cliché de diffraction peut être enregistré en moins de 10 ms. En conséquence, la collecte d’un jeu de données complet peut être réalisée en quelques secondes. Nous n’avons pas eu accès à ce type de détecteur au cours de cette thèse.

5.1.5.3 Exposition  et  dommages  d’irradiation  aux  rayons  X  

L’avantage majeur du synchrotron, la brillance du faisceau de rayons X qu’il produit, est en même temps un inconvénient de taille. Même autour de 100 K, les rayons X causent des dommages irréversibles aux protéines. Le désordre qui en résulte réduit le pouvoir de diffraction du cristal. La limite de Henderson a été définie dans ce contexte : il a été calculé qu’ à 77 K, un cristal de macromolécules perd la moitié de son pouvoir de diffraction quand il a reçu une dose (énergie absorbée par unité de mase) de 2.107 Gy4 [Henderson 1990]. Une approche expérimentale suggère une valeur de 4,3.107 Gy [Owen 2006]. Toutefois, les auteurs suggèrent une limite de 3.107 Gy en-deçà de laquelle l’information biologique n’est pas compromise.

D’un point de vue expérimental, les dommages d’irradiation se traduisent, en sus de la diminution progressive de l’intensité diffractée, par l’augmentation de la mosaïcité, du facteur B de Wilson [Gonzalez & Nave 1994] et du volume de la maille élémentaire [Ravelli 2002]. Les RX induisent également des dommages spécifiques [Burmeister 2000; Leiros 2001; Ravelli & McSweeney 2000; Weik 2000; Weik 2002] : en particulier, la rupture des ponts disulfure et la décarboxylation des acides aminés acides (aspartate et glutamate).

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5.1.5.4 Stratégie  de  collecte  

Certains paramètres de collecte doivent être choisis avec soin.

_ Le temps d’exposition : ce doit être un compromis entre le niveau de signal/bruit des réflexions enregistrées et les dommages d’irradiation aux RX. Ce temps est également choisi de sorte à ne pas saturer les pixels du détecteur : les overloads ainsi générés conduisent à des réflexions inutilisables.

_ La résolution : le détecteur doit être placé à une distance telle que les réflexions de plus haute résolution puissent être enregistrées, tout en exploitant au maximum sa surface. Sur le cliché de diffraction, les réflexions de basse résolution sont au centre, alors que les réflexions de haute résolution sont au bord. Plus la résolution atteinte est haute, plus l’information structurale est détaillée. Les résolutions typiques atteintes avec les cristaux de protéines (autour de 2 Å) permettent d’affiner 4 paramètres par atome : les coordonnées (x, y, et z) et le facteur d’agitation thermique (B). Idéalement, le rapport nombre d’observations/paramètres affinés doit être au minimum de 1,5. En CRX, une observation est une réflexion indépendante.

_ La plage angulaire : il s’agit d’enregistrer des clichés de diffraction dans un nombre d’orientations du cristal suffisant pour reconstruire le réseau réciproque le plus complètement possible. Selon la symétrie du cristal et l’axe suivant lequel il est monté, un jeu complet nécessite en théorie des plages de 30° à 180° (limite supérieure imposée par la centro-symétrie des cristaux).

_ L’angle d’oscillation : en pratique, le cristal oscille pendant l’enregistrement du cliché. Ainsi les clichés contiennent plus de réflexions et proviennent de domaines angulaires contigus. Plusieurs passes (allers-retours) permettent d’améliorer le rapport signal/bruit de la réflexion. La rapidité des détecteurs permet d’envisager des oscillations inférieures à 1°. En pratique, l’angle d’oscillation est choisi de manière à éviter les overlaps (superposition de plusieurs réflexions sur une même zone du détecteur). Il tient donc être adapté à la mosaïcité du cristal. On cherche également à maximiser le signal/bruit des réflexions et à minimiser l’exposition totale (et donc les dommages d’irradiation). Dans le cas des cristaux d’AChE, nous n’avons pas constaté d’amélioration nette dans l’enregistrement et le traitement des données pour des valeurs inférieures à 1° et avons donc généralement choisi cette valeur lors de la collecte des jeux de données.

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