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De la démarche générale à la description des sites

4.6. Les paléochernozems et les colluvions qui les recouvrent

4.6.1. Introduction

L’ensemble des paléosols provient de République Tchèque (figure 4.9) ou de France (figure 4.11). Certains ont été identifiés grâce à la coopération avec des services archéologiques (cf. infra : BUB, CPB, MOR, KOL1, KOL2, KOL3). Les échantillons des sites WIW et SCD ont été transmis par Damien Ertlen (Université de Strasbourg). Deux paléosols d’Alsace (ZMC, S8SD294) ont fait l’objet d’une première étude dans la thèse de Ertlen (2009), mais sont détaillés ici avec un nouveau référentiel. Deux paléosols tchèques (BRE et POL) ont fait l’objet d’étude paléoenvironnementales (Ložek, 1974 ; Ložek et Smolíková, 1978). Le Dr. V. Ložek nous a aimablement servi de guide pour localiser précisément sur le terrain les affleurements qu’il avait étudiés dans les années 1970. Les échantillons BRC nous ont été transmis par Tereza Zadorova (Université des Sciences de la Vie, Prague). Les derniers (ZMK et ZMC) proviennent du site classique de Zeměchy, publié par Zander et al. (2000), Cílek (1995) et Ložek (1995), qui l’avaient étudié à l’aide d’autres méthodes. Au total, 16 paléosols ont été prélevés. Douze sont holocènes, quatre sont pléistocènes. Leurs principales caractéristiques sont résumées dans le tableau 4.3.

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Quand cela a été possible, nous avons également prélevé les sédiments qui scellent le paléosol, c’est-à-dire des colluvions qui sont le plus souvent d’origine agricole. En effet, ces colluvions résultent de l’érosion des horizons de surface et sont susceptibles d’apporter des renseignements complémentaires lors de l’analyse SPIR. En revanche, le matériau loessique qui sépare les deux paléosols de Zeměchy n’a pas été prélevé.

4.6.2. Description des sites

Les sites sont présentés dans le même ordre que sur le tableau 4.3 : République tchèque, puis France, Holocène puis Pléistocène. Des fiches de description plus précises (avec photos) sont données en annexe. Les coupes stratigraphiques sont présentées sur les figures 4.10 (paléosols tchèques) et 4.12 (France).

Břesnice - BRE (Rép. Tchèque) 49°56’44’’N, 14°9’22’’E, alt. 291 m

Le site de Břesnice est situé à proximité du village de Srbsko en Bohême (fig. 4.9 & 4.10). Cette séquence sédimentaire de l'Holocène est formée à la base d'un chernozem attribué au Boréal (Ložek, 1974). Ce paléosol est recouvert par deux couches successives de sédiments de 120 cm d'épaisseur : tout d’abord, des sédiments carbonatés de milieux marécageux, puis au-dessus, les colluvions modernes dont la partie supérieure est pédogénétisée et forme un colluviosol. Le paléochernozem a une structure massive. L’horizon A a une épaisseur de 65 cm. Il est parsemé de fins tubules de carbonates sous forme de pseudo-mycélium. Il y a aussi de nombreux éléments grossiers et des microcharbons de bois dans ce sol. L'horizon C est constitué par du lœss remanié.

Brumovice – BRK (Rép. Tchèque) 48°58’5’’N, 16°53’8’’E, alt. 195 m

Le site de Brumovice se trouve en Moravie de Sud (fig. 4.9 & 4.10). Les échantillons ont été prélevés sur une parcelle d’étude des processus d’érosion et de colluvionnement (Zádorová

et al., 2013). Le paléosol est un chernozem scellé sous 1,5 m de colluvions et situé dans la partie inférieure du versant. Le secteur est cultivé de façon plus ou moins continue probablement depuis le Néolithique (Zádorová, 2013). L’épaisseur de l’horizon A du paléochernozem est de 1,1 m, ce qui laisse supposer qu’il a aussi été épaissi par colluvionnement.

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Identification Position géographique

Type de sol

Nombre d'échantillons

Code de

site Nom de site Pays Latitude N

Longitude E Altitude m Colluvion s Paléosols BRE (H) Břesnice Rép. Tchèque 49°56'44" 14°09'22" 291 Paléo-chernozem 42 51 BRK (H) Brumovice Rép. Tchèque 48°58'05" 16°53'08" 195 Paléo-chernozem 15 18 BUB (H) Bubeneč Rép. Tchèque 50°06'30" 14°24'04" 196 Paléo-chernozem 0 35 KOL1 (H) Kolín Rép. Tchèque 50°00'17" 15°14'02" 205 Paléo-chernozem 21 63

KOL2 (H) Kolín Tchèque 50°00'20" 15°14'07" 205 Rép. chernozem Paléo- 0 63

KOL3 (H) Kolín Rép. Tchèque 50°00'16" 15°14'04" 205 Paléo-chernozem 0 48 POL (H) Poplze Rép. Tchèque 50°23'43" 14°02'33" 181 Paléo-chernozem 21 101

ZMC (P) Zeměchy Tchèque 50°14'00" 14°16'00" ±210 Rép. chernozem Paléo- 0 9

ZMK (P) Zeměchy Rép. Tchèque 50°14'00" 14°16'00" ±210 Paléo-chernozem 0 14 CPB1 (H) Clermont-Ferrand France 45°45'52" 3°09'30" 352 Paléo-chernozem 39 21

CPB2 (H) Clermont -Ferrand France

45°45'52" 3°09'30" 352

Paléo-chernozem 0 18

CPB3 (H) Clermont -Ferrand France 45°45'52" 3°09'30" 352 Fosse comblée 0 10

MOR (H) Didenheim-Morschwiller France 47°43'50" 7°16'58" 275 Paléo-chernozem 24 24 SCD (H) Sainte-Croix-en-Plaine France 48°00’48’’ 7°22'17'' 201 Paléosol isohumique 0 6

GOU (P) Gougenheim France

48°42’35’’’ 7°33’56’’ 201

Paléosol

isohumique 0 4

WIW (P) Wiwersheim France

48°38’19’’ 7°36’20’’ 170

Paléosol

isohumique 0 4

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Bubeneč – BUB (Rép. Tchèque) 49°57’N, 14°9’E, alt. 196 m

Le site est localisé à Prague-Bubene, en zone urbanisée. Le paléochernozem a été révélé au cours de la fouille archéologique d'une station multiculturelle occupée au Néolithique, à l’Age du Bronze et au Moyen Age. Le paléochernozem est bien structuré et recouvert par 150 cm de sédiments d’origine archéologique. La surface ondulée du paléochernozem correspond au début de l’Enéolithique (ca. 4200-3800 avant JC) (Maříková-Vlčková, non publié). L’horizon A a 65 cm d’épaisseur. L'horizon C est formé par du lœss, avec quelques crotovinas (fig. 4.9 & 4.10).

Figure 4.9. La répartition de sites de prélèvement de paléo-profils en République Tchèque : BRE = Břesnice ; BRK = Brumovice ; BUB = Bubeneč ; KOL = Kolín ; POP = Poplze, ZMK = Zeměchy.

Kolín - KOL (Rép. Tchèque) 50°0’17’’N, 15°14’2’’E, alt. 205 m

Le site de Kolín est situé à l'extrémité Est de la ville de Kolín en Bohême centrale, en rive gauche de l’Elbe (Labe en tchèque). Le paléochernozem est recouvert d'une couche d’environ 60 cm de colluvions (fig. 4.9 & 4.10). La roche-mère est formée de lœss remaniés. Le paléochernozem a été mis au jour lors d’une opération d’archéologie préventive précédant l’élargissement d’une route. Un important habitat LBK a été fouillé sur ce site. Des vestiges de l'âge du Fer et de la Période de Migration (VI°-VII° siècles AD) ont également été trouvés là. Le secteur est constitué de terres agricoles, exploitées de façon plus ou moins continue depuis le LBK. Les échantillons de sols ont été prélevés dans trois fosses appelées KOL1, KOL2, KOL3, distantes chacune d’une cinquantaine de mètres. KOL 1 est situé juste à l’extérieur de l’habitat LBK, tandis que les deux autres sont situés sur la zone archéologique. Un échantillon pour l’analyse pédoanthracologique a également été prélevé sur le profil KOL1. L’horizon A du paléochernozem a une épaisseur d’environ 80 cm.

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Figure 4.10b. Coupes stratigraphiques des paléosols tchèques – Zeměchy

Poplze- POL (Rép. Tchèque) 50°23’43’’N, 14°2’33’’E, 183 m

Le site est localisé au centre du village de Poplze u Libochovic dans le bassin de la rivière Ohre au nord-ouest de la Bohême Centrale (fig. 4.9 & 4.10). La stratigraphie correspond à un paléochernozem recouvert par une couche de 4 m de haut de colluvions. Ce profil a déjà été décrit par Ložek et Smolíková (1978). Le paléochernozem est considéré comme Holocène par ces auteurs, mais n’a pas été daté directement. Ce sont les aspects stratigraphiques et malacologiques qui sont à l’origine de la proposition de datation. La région a été peuplée depuis le Néolithique, et quelques fragments remaniés de poterie du Néolithique et de l'âge du Bronze ont été trouvés dans les colluvions. L’horizon A du paléochernozem a une épaisseur de 40 cm seulement. En dessous se trouve un horizon cambique de 8 cm, nettement identifiable.

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Zeměchy - ZMC et ZMK (Rép. Tchèque) 50°14’N, 14°16’E, 196-218 m

On peut observer l’épaisse série de lœss de Zeměchy (Bohême Centrale) dans une longue gorge de 350 m. Le substratum géologique est formé de grès du Carbonifère supérieur, qui sont recouverts par une couche de sable et une terrasse de graviers de la rivière Knovizsky Potok. La terrasse est recouverte par une dune de lœss de 12 m d’épaisseur (Cílek, 1996). Le lœss est interrompu par quatre sols fossiles des pédocomplexes PK II (= Würm précoce et inférieur) et PKIII (= interface Riss - Würm) (fig. 4.9 & 4.10 ; voir aussi § 2.4.1.). PK III est formé par un luvisol (L) à la base, surmonté par un chernozem (C1) ; dont il est séparé par une couche mince de colluvions lœssiques. PK II est composé de deux chernozems (C2 et C3), séparés par une couche de lœss remaniée par colluvionnement. L’ensemble est recouvert par une couche de lœss de la dernière période glaciaire. Un chernozem fonctionnel, cultivé, est présent au sommet de cette série. Bien que la Bohême centrale ait été très peuplée depuis le Paléolithique, seuls quelques artefacts de l'âge du Bronze et de la Période de Migration ont été trouvés, au sommet du profil (Cílek, 1996) .Les échantillons pour analyse de charbon de bois ont été prélevés sur les chernozems du Pléistocène de PKII (C3 et C2) ainsi que sur le chernozem et le luvisol du PK III (C1 et L). Les trois paléochernozems ont été échantillonnés pour les analyses SPIR.

Clermont-Ferrand – CPB (France) 45°45’52’’ N, 3°9’30’’E, alt. 352 m

Le site de Petit-Baulieu, à l’est de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), se trouve dans une région agricole appelée Terres Noires de Limagne (fig. 4.11 & 4.12). Dans cette région, des sols que l’on peut qualifier de chernozems sont présents en mosaïque avec d'autres types de sols organiques (Bornand et al., 1968 ; Legros, 2007). En raison des conditions climatiques spécifiques (voir § 3.1.4.), cette région est la seule en France où les chernozems sont représenté, bien à l’ouest de leurs zones d’extension en Europe Centrale et Orientale. Le paléochernozem a été découvert lors de la fouille archéologique préventive d'un vaste habitat de l’Age du Bronze (1900-1750 avant JC) (Thirault et al., 2013). Il est recouvert par 130 cm de colluvions résultant de l’érosion agricole depuis au moins l'Age du Fer. Les 25 cm supérieurs du paléochernozem semblent avoir été transformés par le travail du sol pendant l'Age du Bronze. L'horizon C est caractérisé par la présence d’abondantes crotovinas. La roche mère est constituée par des marnes lacustres du Stampien, très riches en limons. Ce matériau carbonaté a des caractéristiques relativement proches des loess. Trois profils ont été prélevés. Le premier (CPB1) correspond à une colonne stratigraphique complète, allant de la base du paléochernozem au sommet des colluvions. Il fait 2,6 m d’épaisseur. L’horizon A du paléochernozem fait environ 50 cm d’épaisseur, et sa partie supérieure semble avoir été remaniée sur 25 cm environ par des labours post Age du Bronze. Pour leur part, les colluvions qui recouvrent le paléochernozem font 1,3 m d’épaisseur. Elles sont constituées de matériel provenant de l’érosion des « Terres noires ». Le profil CPB1 est le profil de référence. Sur le deuxième profil (CPB2) n’a été prélevé que le paléochernozem pour compléter certaines interprétations du géo-archéologue qui a suivi le chantier. Le troisième (CPB3) correspond à un comblement de fosse archéologique de l’Age du Bronze. L’hypothèse qui prévaut est que le comblement date de l’Age du Bronze ancien, et qu’il est constitué d’horizons de surface des sols érodés. Sa signature pourrait nous renseigner sur le type de végétation, et manquer dans la colonne stratigraphique complète, si le paléochernozem a été érodé avant d’être enfoui.

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Didenheim-Morschwiller- MOR (France) 47°43'50’’N, 7°16'58’’E, alt. 275 m

Ce paléosol, localisé à l’Est de Mulhouse dans le Haut-Rhin, a été découvert lors de la fouille archéologique préventive d'un site multiculturel (fig. 4.11 & 4.12). Sur ce site, ont été découverts les plus remarquables vestiges de la culture Horgen (3300-2700 avant J.C.) connus dans le sud de la vallée du Rhin supérieur. Le début de l'exploitation agricole de ce paléosol correspond probablement à cette culture Horgen, et l'exploitation de ce sol a persisté peut-être à l’Age du Bronze et à La Tène (Vergnaud et al., en préparation). Le paléosol isohumique de type chernozem est recouvert par une couche de 95 à 110 cm d'épaisseur de colluvions dont les 45 cm supérieurs se sont transformés en brunisol. Dans le paléosol, la structure grumeleuse typique des chernozems fonctionnels n’est pas conservée. La roche mère de ce sol est du lœss. Notons que les chernozems ne sont pas représentés dans la couverture pédologique actuelle de toute la région.

Figure 4.11. La répartition de sites de prélèvement de paléo-profils en France : CPB = Clermont-Ferrand ; MOR = Didenheim-Morschwiller ; GOU = Gougenheim ; SCD = Sainte-Croix-en-Plaine ; WIW = Wiwersheim

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Gougenheim GOU (

France

) 48°42’35’’N, 7°33’56’’, alt. 182 m

Ce paléosol localisé sur la commune de Gougenheim dans le Bas-Rhin se situe au nord du village, au lieu-dit Heidenberg. Cette stratigraphie a été relevée lors du diagnostic géoarchéologique réalisé par l’INRAP (Schneider et Ertlen, 2010) en amont des travaux de construction de la ligne à grande vitesse (LGV Est Européenne) entre Baudrecourt (France) et Strasbourg (Bas-Rhin, France). Le paléosol apparaît sous environ 150 cm de colluvions. Il est imprégné en matière organique sur une épaisseur importante (MO > 4 % sur 60 cm d’épaisseur). Cette unité pédologique est parcourue par des galeries fossiles de rongeurs matérialisées par des taches circulaires plus claires. Il s’agit d’un paléosol isohumique typique des milieux continentaux. Deux échantillons de ce sol ont été datés par 14C dans le sondage F294 à des profondeurs de 1,6 et 2 m. Les deux dates correspondent au dernier maximum glaciaire (19290 ± 90 BP ; 20110 ± 100 BP). L’écart entre les deux dates signifie que lors du recouvrement du paléosol par des colluvions le temps moyen de résidence de la matière organique à 40 cm de profondeur était de de l’ordre de 800 ans. Ce gradient du temps moyen de résidence correspond à l’ordre de grandeur pour les sols isohumiques (Scharpenseel et Pietig, 1970 ; 1971). Dans le sondage 347, le niveau le plus organique est surmonté d’une unité stratigraphique également légèrement imprégnée en MO. Pour cette unité, aucun trait pédologique n’est observé. Il s’agit plutôt de colluvions provenant de versants, eux-même recouverts d’un sol isohumique. Ceci un en accord avec la disposition paléotopographique.

Sainte-Croix-en-Plaine SCC 48°00’48’N, 7°22'17'', alt. 196 m

Ce paléosol, localisé au sud de Colmar en Alsace (fig. 4.11 & 4.12) a été découvert lors d’une fouille archéologique préventive. Le sol étudié, un sol isohumique de type « sol gris de steppe » a été recouvert par des matériaux alluviaux ou colluvio-alluviaux à l’Holocène supérieur (impossible de préciser). Il n’a pas une teneur en MO suffisante pour pouvoir être classé comme un chernozem. Le horizon A est épais une trentaine de cm, il était probablement tronqué. On distingue des crotovinas. C'est la surface de ce sol qui constitue ici la surface d'occupation archéologique du Bronze final. Le sous-sol est constitué par un dépôt rhénan qui a subi une cimentation partielle sous forme calcaire (Vogt et Marocke, 1972-74).

Wiwersheim WIW 48°36’20’’N, 7°36’20’’E, alt. 167 m

Il s’agit ici d’un paléosol développé dans un lœss, qui a été découvert lors de la