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La construction des librairies spectrales de référence SPIR

6.5. Les librairies spectrales: discussion et conclusion

En premier lieu, il convient de se rappeler que les propriétés physico-chimiques des sols jouent un rôle sur l’absorbance. C’est particulièrement le cas de la teneur en carbonates. En revanche, le pH ne peut être prédit avec précision en approche SPIR quantitative (Cécillon et al., 2009 ; Viscarra Rossel et al., 2006 ; Chang et al., 2001). Il convient donc de vérifier si ces propriétés physico-chimiques des échantillons sont – ou non - susceptibles de perturber l’interprétation qualitative sur l’origine végétale des matières organiques des sols (forêt, prairie,…).

Pour nous assurer que la distinction se fait sur l’origine de la M.O., et non sur une caractéristique de sol spécifique, nous avons analysé les paramètres principaux de ces sols : teneur en Corg, pH, teneur en CaCO3 et la distribution granulométrique. En comparant ces propriétés une par une entre sols forestiers et sols sous prairies, nous avons montré que ces deux populations présentaient de grandes zones de recouvrement. Mais en couplant ces caractéristiques deux à deux, notamment le pH et la teneur en Corg, nous observons que les deux populations sont en fait différentes. Ces différences sont liées directement à la végétation : dans les forêts la teneur en MO est plus élevée en surface, parce que les apports de matière organique fraîche se font essentiellement en surface du sol, par les feuilles mortes. Il en résulte une acidité plus marquée dans les horizons superficiels et une teneur en carbonate moindre. Ces différences sont impossibles à éviter, parce qu’intrinsèquement liées au fonctionnement différent de ces deux types d’écosystèmes.

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Pour mieux répondre au rôle de l’influence des propriétés chimiques, surtout à celui du pH et de CaCO3, nous avons relevé les longueurs d’ondes les plus discriminantes, c’est-à-dire celles qui ont un fort coefficient dans notre modèle. D’après Stenberg et al., (2010) le CaCO3 influence principalement les spectres proche infrarouge autour de 2335 nm et dans une moindre mesure autour de 1870, 1990, 2160, 2335 et 2500 nm. Parmi les bandes qui participent le plus à la discrimination de nos classes, nous trouvons dans la librairie spectrale bipartite (fig. 6.11) un maximum entre 1888 et 1909 nm, que l’on peut rapprocher dans une certaine mesure du pic de 1870 nm. Le pic de carbonates le plus important autour de 2335 nm est aussi pris en compte dans notre modèle avec un coefficient modeste de 1,77 (fig. 6.10). Ceci nous permet de dire que la teneur en carbonates joue un rôle lors des analyses qualitatives des spectres, mais que cette influence n’est pas prépondérante. Il est dès lors possible d’affirmer que les populations que nous avons mises en évidence reflètent bien le type de végétation et non les caractéristiques physico-chimiques des sols.

Ainsi, l'analyse discriminante de la librairie spectrale de référence bipartite construite sur les chernozems et sols formés sur lœss confirme qu'il existe une distinction évidente de signatures entre les sols sous prairie et les sols sous forêt, liée à l’origine prairiale ou forestière des matières organiques du sol. Nous avons montré que la librairie spectrale présentée est très performante. En effet, elle nous permet de classer parfaitement la totalité de nos échantillons : 100 % sur le référentiel bipartite.

Après l’application des premières dérivées sur leur librairie de référence des sols très hétérogènes, Ertlen et al. (2010) observent une distance de Mahalanobis de 12,27 entre les sols des prairies et des sols forestiers. La librairie de référence constituée à partir de sols développés sur lœss donne une distance de Mahalanobis plus importante, ce qui est normal car les sols sont plus homogènes, ce qui gomme des facteurs pouvant interférer dans le spectre. Au contraire de Ertlen et al. (2010), nous n’observons pas d'augmentation de la distance de Mahalanobis après l'application des dérivées secondes.

Du point de vue des écosystèmes, la librairie spectrale bipartite de référence reste limitée. L’analyse discriminante ne peut fournir aucune distinction entre les différents types de forêts ou les différents types de prairies. En particulier, la distinction n'est pas possible entre la végétation naturelle de steppe, de prairie ou les sols cultivés. La définition des écosystèmes intermédiaires tels que les forêts-steppe restent impossible dans la libraire de référence. Ces faits mettent des limites à la reconstruction des paléo-environnements. Pour résoudre ce problème, nous avons utilisé une approche d’identification des sols cultivés mise au point par Froehlicher (2013), qui devrait en théorie nous permettre une distinction plus précise. Nous avons élargi la librairie spectrale bipartite des chernozems à une troisième classe : les sols cultivés. Malgré les restrictions faites par Froehlicher (2013) sur l’influence potentielle des valeurs du pH et de la teneur en carbone organique sur la qualité de distinction des groupes, nous avons obtenu de très bons résultats, puisque nous avons bien classé 99,3 % des échantillons de référence. Ceci nous permet d’affirmer que ce référentiel tripartite est robuste.

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La libraire spectrale tripartite sur les différentes forêts montre une bonne distinction entre les classes. Ertlen (2009) a prouvé une distinction entre les types de forêts avec un degré de confiance élevé. Dans notre cas, 96,8% des échantillons se sont classés correctement. Cependant, une faiblesse de cette librairie à prendre en compte est l’absence de références de sols formés sur lœss sous forêts de conifères.

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Chapitre 7

Application de la SPIR qualitative aux chernozems et