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Partie I. Cadre théorique de la recherche

Chapitre 2. L’apprentissage de l’écriture des textes narratifs : description des processus rédactionnels

2. Les opérations cognitives dans le traitement du récit

2. Les opérations cognitives dans le traitement du récit

Nombreux sont les travaux théoriques et empiriques qui ont abordé les problèmes soulevés par la production verbale écrite (Flower et Hayes, 1980, Bereiter et Scardamalia 1987, Garret et Levelt, 1989, Van Galen 1991, Berningeret et Swanson 1994, Kellogg 1996, Chanquoy et Alamargot 2015…). Ces travaux s’appuyaient sur trois types de modèles de processus rédactionnel qui envisagent la production verbale écrite comme « une activité à la fois analysable en composantes et envisageable comme un tout" (Garcia –Debanc et Fayol, 2002 : 39). Ces études ont mis en évidence « le rôle de schémas disponibles en mémoire à long terme sur les activités de planification et de révision » (Adam, 2017 : 25). Ces activités seront définies en détail au cours de la présentation du modèle de Flower et Hayes.

2.1. Les modèles du processus rédactionnel

Les opérations de production de texte en langue étrangère sont d’une grande complexité. Cette activité mentale suppose de la part d’un scripteur novice la mise en œuvre d’un grand nombre de compétences et de processus mentaux. D’après Legros et Marin (2008 : 96), l’apprenant « doit en effet disposer des informations sur le contenu du texte à produire et des connaissances sur la langue et les textes nécessaires à leur mise en mots ».

Dans ce cadre, de nombreuses recherches ont tenté de rendre compte de ces processus en proposant des modèles qui visent l’intégration des opérations cognitives en rapport avec « la production verbale écrite, les composantes contextuelles et les caractéristiques du rédacteur »(Ibid.). Nous nous limiterons ici à ceux qui ont eu le plus d’influence dans le domaine de la DLE.

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2.1.1. Le modèle de Flower et Hayes

Le modèle de Hayes et Flower (1980) est « établi à partir d’une analyse de protocole verbaux ayant pour objectif d’identifier les origines des difficultés afin d’envisager l’amélioration des productions » Garcia –Debanc et Fayol (2002 :39), ce qui a conduit les auteurs à distinguer la représentation schématique suivante (40):

Figure 7. Représentation schématique du processus d’écriture Hayes et Flower 1980

Ce modèle, prend en compte trois composantes de statut différent. Les deux premières concernent l’environnement de la tâche et le rôle de la mémoire à long terme (MLT6), et la troisième décrit précisément les processus rédactionnels. La première de ses composantes, liés à l’environnement de la tâche inclut le contexte de production, qui comprend « tous les facteurs extérieurs au scripteur susceptibles d’influencer l’activité d’écriture. Il s’agit de facteurs tels que les directives reliées à la tâche et le texte produit jusque-là par le scripteur » (Sagnier 2013 : 83). « La deuxième composante du modèle est la MLT. En effet, pour être en mesure de produire un texte, le rédacteur doit récupérer en MLT des informations afin de les organiser ou de les réorganiser en élaborant des plans d’action. Les informations stockées en MLT concernent les connaissances référentielles, le type de texte à produire, l’élaboration d’un plan de texte et les connaissances pragmatiques » (Legros et Marin, 2008 : 97).

La troisième composante englobe l’ensemble des processus rédactionnels.

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2.1.2. Le modèle de Bereiter et Scardamalia

Le modèle de Bereiter et Scardamalia (1987, cité par Legros et Marin) s’intéresse aux apprenants de 9 à 16 ans et aux scripteurs adultes. Il « décrit deux stratégies d’utilisation de connaissances qui rendent compte des traitements opérés par [les] scripteurs » novices et adultes:

- Au niveau des jeunes scripteurs, la stratégie utilisée est celle « des connaissances rapportées » qui se rapporte à la récupération dans la mémoire à long terme de connaissances et à leur transcription directe en mots. Cette stratégie ne prend pas en compte « la forme linguistique » et « le contenu conceptuel ». En revanche, « la structuration des connaissances du rédacteur » est mise en relief par es phrases récupérées dans la MLT.

-Au niveau des scripteurs experts, la première stratégie n’est pas suffisante. Elle est supplée par une deuxième : la stratégie des connaissances transformées « qui se traduit par « la capacité de réorganiser ces connaissances afin de les rendre compatibles avec les contraintes thématiques et rhétoriques liées à une intention spécifique (Legros et Marin, 2008 : 105) ». Ce type de stratégie ne peut se réaliser sans un développement des compétences liées à la « planification du contenu du texte pour atteindre des buts de plus en plus complexes (Ibid.).

Malgré ses avantages au niveau de la compréhension du processus rédactionnel, ce modèle est considéré comme « général ».

2.1.3. Le modèle de Garrett/Levelt

Le modèle Garrett/Levelt s’attache à la production verbale orale et écrite. Il a été élaboré par Garrett (1975, 1980), à partir de l’analyse des erreurs des élèves en production orale. Il a été par la suite développé par Levelt et ses collaborateurs en 1989. Ce modèle s’attache « à la production des mots et des phrases ainsi qu’aux rapports compréhension/production » (Garcia – Debanc et Fayol, ibid.). D’après les deux chercheurs (39),

ce modèle prend comme entrée les résultats émanant de l’élaboration conceptuelle du message pour donner à ce message une forme linguistique. La construction de cette forme s’effectue en deux temps. Le modèle construit d’abord une représentation fonctionnelle élaborant parallèlement une structure grammaticale abstraite (verbe/sujet de…) et des éléments lexicaux eux aussi abstraits (les lemmas). Dans un deuxième temps, la structure syntaxique et les formes lexicales « de surface » sont récupérées pour être « envoyées » au composant articulatoire.

70 Figure 8. Le processus rédactionnel selon Garrett/Levelt (1980)

2.1.4. Le modèle de Van Galen

Le modèle de Van Galen (1991) se rapporte essentiellement à la réalisation graphique du message qui représente la dernière étape dans la production écrite. Il se caractérise par la réalisation des différentes opérations de production écrite d’une manière simultanée.

Ce modèle a l’avantage de montrer la complexité de la réalisation graphique qui est souvent considérée comme élémentaire. « Il intègre la détermination de l’orthographe correcte des mots, la sélection des allographes, le contrôle de la taille des lettres, l’ajustement musculaire, etc. » (Garcia-Debanc et Fayol 2002 : 300). De même, ce modèle soulève la question du rythme au niveau de la production des « unités relevant des différents niveaux telles que la proposition qui se rapporte à la conception globale du message et de la lettre qui représente le niveau de la réalisation graphique.

Le modèle de Van Galen a donc permis de réfléchir sur le temps alloué à la coordination des différentes composantes impliquées qui assurent à la production son harmonie et sa continuité.

2.1.5. Le modèle de Berninger et Swanson

Le modèle de Berninger et Swanson (1994) a pour objectif d’aider les jeunes scripteurs de cinq à dix ans à s’approprier progressivement les compétences rédactionnelles. Ce modèle

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comporte trois « phases de développement » en rapport avec les trois étapes présentées par Hayes et Flower (la planification, la mise en page et la révision). Néanmoins l’ordre perçu dans ces trois phases est modifié. De ce fait, la mise en texte (la formulation) représente le premier processus. Il est décomposé en deux sous-processus » l’exécution (transcription) et la génération de texte (text génération) » (Legros et Marin 2008 : 106). La révision qui représente le deuxième processus « se limite à des corrections de surface engageant essentiellement l’orthographe et la ponctuation » (ibid. : 106). La planification du texte, dernier processus selon les deux chercheurs, intervient plus tardivement. Elle est associée au développement des compétences de production écrite chez l’apprenant. Sa complexité varie selon l’âge de l’enfant.

2.1.6. Le modèle de Hayes et Nash

Le modèle de Hayes et Nash (1996) s’intéresse à la phase de planification. Celle-ci est appelée par les deux chercheurs « planning in writing ». Elle est décomposée en deux parties. La première composante est appelée « la planification des processus (process planning) ». Elle se rapporte aux connaissances du scripteur. La deuxième composante qui est associée à la « planification textuelle (text planning) » est basée sur le contenu du texte construit et son impact sur le destinataire. Elle comporte deux sous-composants :

- la planification textuelle (abstract planning » qui se rapporte aux « idées sans spécification linguistique » et à la planification langagière (language planning) qui est associée à production d’un énoncé en conformité avec les règles syntaxiques.

-la planification abstraite qui est formée de « deux types de planification, une planification hors contenu (non –content planning) et une planification du contenu (content planning) qui renvoient pour la première, au « plan pour faire » et pour la seconde, au plan pour dire » du modèle princeps de Hayes et Flower »(Ibid. : 107).

Dans ce modèle les opérations mentales des scripteurs correspondent à beaucoup de domaines « tels que « la réflexion, le raisonnement, la construction de connaissances et la résolution de problèmes » (Ibid. : 109).

2.1.7. Le modèle de Kellogg (1996)

Le modèle de Kellogg (cité par Legros et Marin 2008 : 101) se base sur le modèle de mémoire de travail de Baddeley7. Il se caractérise par trois types de processus rédactionnels qui

7Voir sous-section 8.1. Chapitre 2

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sont en relation avec « les différents registres de la MDT ». Chaque processus comprend deux sous-processus. : le premier processus (Formulation) permet à l’apprenant de planifier ses idées et de les traduire verbalement comme dans le modèle de Hayes et Flower. Le deuxième (Exécution) assure la programmation et la mise en texte. Et le troisième (contrôle) permet la relecture du texte en cours de production et la vérification du « message » pendant et après ou après sa production. L’édition permet d’identifier les difficultés et de les résoudre selon la décision du rédacteur en proposant une autre édition pour ce texte.

Le schéma ci-dessous récapitule les différentes composantes du modèle de Kellogg.

Figure 9. Les composantes du modèle de Kellogg 1996