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Partie I. Cadre théorique de la recherche

Chapitre 1. Introduction à l’analyse du récit : structure, cohérence et cohésion textuelle

7. Les marques de cohésion du discours

7.1. L’anaphore

« Une expression est anaphorique si son interprétation référentielle dépend d’une autre expression qui figure dans le texte » (Riegel, Pellat et Rioul (2006 : 610).

Soit l’énoncé suivant :

Depuis trois jours la seule distraction de Mme de Rênal avait été de tailler et de faire en toute hâte par Elisa une robe d’été, d’une jolie petite étoffe fort à la mode. A peine cette robe put-elle être terminée quelques instants après l’arrivée de Julien ; Mme de Rênal la mit aussitôt. (Ibid.)

Dans cet énoncé, on constate qu’il y a deux anaphores : le groupe nominal « cette robe », et le pronom personnel «la ». Ils ont pour référent le groupe nominal « une robe d’été ». Ces deux expressions anaphoriques permettent de suivre l’enchainement des événements dans une certaine continuité référentielle. Néanmoins, les référents ne sont pas toujours indiqués. C’est le cas de l’exemple suivant :

À Paris, ils roulent comme des fous.

Le pronom « ils » a un référent « anonyme inféré » à Paris.

7.1.1. Les anaphores pronominales

Les pronoms représentent une classe de mots. Leur emploi « permet d’éviter la répétition d’un groupe nominal ou d’un nom…». (Riegel, Pellat et Rioul, 2006 : 612-613). On distingue plusieurs catégories de pronoms qui peuvent jouer le rôle de substituts: les pronoms démonstratifs, possessifs personnels, réfléchis… Leurs formes varient en fonction de(s) personne(s) ou des choses dont ils se réfèrent et également selon leur fonction dans l’énoncé.

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Ces pronoms « contribuent à la structuration du texte » (Riegle 1994, Ibid.). Deux types de représentation peuvent figurer dans un énoncé :

*la représentation totale : Dans ce type de représentation, « le pronom représente totalement le groupe nominal antécédent (cas de la coréférence) » (Riegle, ibid.) : L’oiseau Bleu écoutait. Et plus il écoutait, plus il se persuadait que c’était son aimable princesse qui se plaignait (Madame

d’Aulnoy).

*la représentation partielle : Dans ce deuxième type de représentation, « le pronom représente une partie seulement du groupe nominal. C’est le cas notamment des possessifs, de certains démonstratifs et du pronom en :

Elle a acheté des pommes. Elle en a mangé plusieurs/trois/beaucoup ».

7.1.2. Les anaphores nominales

Les groupes nominaux anaphoriques permettent de reprendre des éléments antérieurs

dans un énoncé. Ils « comportent des déterminants définis » (Riegle : 614) tels que les

déterminants possessifs, démonstratifs ou articles définis. On distingue plusieurs formes d’anaphore nominale :

 L’anaphore fidèle est une reprise du nom avec simple changement de déterminant :

Il y avait une fois un marchand qui était extrêmement riche. Il avait six enfants, trois garçon et trois filles,

et comme ce marchand était un homme d’esprit, il n’épargna rien pour l’éducation de ses enfants (Madame

Le prince de Beaumont) » (Riegle : 614).

 L’anaphore infidèle : c’« est une reprise avec changement lexicaux : le groupe nominal anaphorique contient des éléments de son antécédent » (Riegle: 614).

Stéphane Mallarmé a renouvelé la poésie du XIXe siècle ; ce poète a eu de nombreux disciples, dont Paul Valéry.

Le nom commun « ce poète » remplace le nom propre « Stéphane de Mallarmé ». Le nom antérieur peut avoir comme substitut un synonyme :

C’était un court manuscrit d’une cinquantaine de pages. Le docteur le feuilleta et comprit que toutes ces

feuilles ne portaient que la même phrase indéfiniment recopiée, remaniée, enrichie ou appauvrie (Camus).

Il peut également être remplacé par un hyperonyme :

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L’anaphore conceptuelle : Dans ce type d’anaphore, « l’expression anaphorique ne reprend pas un groupe nominal ou un segment antérieur particulier. Elle condense et résume le contenu d’une phrase, d’un paragraphe ou de tout un fragment de texte antérieur (Riegle, ibid.).

Notre chatte est passée sous une voiture. Cet accident a laissé des traces.

Le groupe nominal anaphorique peut être représenté par « une nominalisation »

L’envieux alla chez Zadig, qui se promenait dans ses jardins avec deux amis et une dame, à laquelle il disait souvent des choses galantes, sans autre intention que celle de les dire. La conversation roulait sur une

guerre que le roi venait de terminer heureusement contre le prince d’Hyrcanie, son rival (Voltaire). (Riegle : 615).

Le groupe anaphorique conversation résume globalement le contenu de la phrase précédente sans que le verbe converser y figure.

 L’anaphore associative : dans ce type d’anaphore, il n’y a pas de « relation de coréférence stricte » entre le groupe anaphorique et son antécédent :

« Il heurta un cycliste qui tournait sans prévenir. La pédale lui arracha le bas de son pantalon et lui lacéra la cheville » (Riegle, ibid).

Dans cet énoncé, l’association entre « la pédale » et « la bicyclette » se réalise par « inférences successives » et ce, grâce à notre connaissance du monde.

7.1.3. Les anaphores adverbiales :

« Un adverbe…peut reprendre un fragment de texte antérieur » (Riegle, ibid.).

Il est une contrée qui te ressemble, où tout est beau, riche, tranquille et honnête, où la fantaisie a bâti et décoré une Chine occidentale, où la vie est douce à respirer, où le bonheur est marié au silence. C’est là qu’il faut aller vivre, c’est là qu’il faut aller mourir ! (Baudelaire).

Dans ce passage, l’adverbe de lieu « là » renvoie à « une contrée ».

7.1.4. Les anaphores verbales

Ce type d’anaphore se réalise par l’intermédiaire du verbe « faire » qui « représente un verbe dénotant d’un processus » (Riegle : 616) qui peut s’employer dans plusieurs contextes tels que :

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- dans une proposition comparative : « Il court plus que je ne faisais à son âge »

- avec un pronom complément anaphorique : « Le soleil se couche ; je vous conseille d’en faire autant »

7.1.5. Les anaphores adjectivales

Une proposition antérieure peut être représentée par l’adjectif « tel » en tête de proposition : « Bernard a eu tort de démissionner. Tel n’est pas mon avis »

Dans cet exemple, l’adverbe « tel » résume le contenu de la proposition antérieure.

Les expressions anaphoriques jouent un rôle important dans la cohésion du texte. Elles « assurent des solidarités référentielles (coréférence, associativité, etc.) entre certains constituants des énoncés et qui donnent naissance à des chaînes de référence » (Charolles 2008 :4). Les relations d’identité totale ou partielle de ces expressions donnent au texte ses fils conducteurs (Riegle, Pellat, Rioul, 2006 : 616).

Dans les copies des élèves de 6ème année, on ne retrouve pas tous ces différents types d’expressions anaphoriques à part l’anaphore fidèle, car le niveau des élèves ne le permet pas. Par contre la connaissance de ces éléments qui permettent d’établir des relations sémantiques entre les phrases permet aux enseignants qui corrigent les productions des élèves, de suivre d’une part la continuité sémantique dans le texte et d’autre part d’identifier les lacunes liées à la cohésion textuelle.