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Partie I. Cadre théorique de la recherche

Chapitre 1. Introduction à l’analyse du récit : structure, cohérence et cohésion textuelle

7. Les marques de cohésion du discours

7.2. Les connecteurs

Parmi les autres organisateurs textuels qui participent à l’enchainement linéaire du texte figurent les connecteurs. D’après Riegel, Pellat et Rioul, (616),

les connecteurs sont des éléments de liaison entre des propositions ou des ensembles de propositions ; ils contribuent à la structuration du texte en marquant des relations sémantico-logiques entre les propositions ou entre les séquences qui les composent. Pour rapprocher ou séparer les unités successives d’un texte, es connecteurs jouent un rôle complémentaire par rapport aux signes de ponctuation»

Soit cet énoncé proposé par Charolles (2012 : 5) :

"…Il est un misogyne profond, mais il s'en défend parce qu'il en est inconscient. " (Le Parisien

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On constate que ce fragment de discours comporte trois phrases reliées par les connecteurs « mais » et « parce que ». Le premier connecteur indique une relation d’opposition entre la PH1 et la PH2. Le deuxième connecteur exprime une relation de cause. Ces deux connecteurs marquent avec d’autres éléments de cohésion des relations sémantico-logiques entre les constituants de la phrase.

En grammaire textuelle, la classification des connecteurs se fait en fonction des relations logiques qu'ils expriment ou selon leur classe grammaticale. Elle se différencie ainsi d’un chercheur à un autre. La classification que nous proposerons dans notre recherche est inspirée des travaux de Vigner (2004), Riegle, Pellat et Rioul (2006) et d’Adam (2008). On peut distinguer deux classes d’organisateurs textuels : les connecteurs temporels et spatiaux qui « ordonnent les parties de la représentation discursive sur les axes majeurs du temps et de l’espace » (Adam 2008 : 115) et les connecteurs logiques « qui structurent essentiellement la progression du texte et l’indication de ses différentes parties » (Ibid.). Nous nous limiterons dans notre étude aux connecteurs qui peuvent être utilisés dans les productions écrites des élèves du 1er cycle de l’enseignement de base.

7.2.1. Les connecteurs temporels

Dans leurs productions verbales écrites, les apprenants utilisent souvent des connecteurs temporels. Ces connecteurs sont marqués par des adverbes (d’abord), des locutions adverbiales (tout-à-coup), des conjonctions de coordination (et) etc. Ils ont plusieurs fonctions. Dans un texte narratif, ils peuvent marquer une succession chronologique (alors, après, ensuite, et puis) ou une succession linéaire (d’abord, ensuite, puis, enfin, finalement). On peut également rencontrer dans les récits des connecteurs spécifiques tels que soudain ou tout-à-coup qui « permettent de regrouper des propositions en un ensemble homogène et de découper le texte en séquences » (Riegle, 2006 : 618).

Soit les exemples suivant (Ibid.):

Les canons renversèrent d’abord à peu près six mille hommes de chaque côté ; ensuite la mousqueterie ôta

du meilleur des mondes environ neuf à dix mille coquins qui en infectaient la surface (Voltaire)

Dans cet énoncé, le connecteur « d’abord » indique le début des hostilités. Par ailleurs, le connecteur « ensuite » marque la suite.

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Dans ce deuxième exemple, le connecteur « Enfin » marque l’aboutissement de l’action en mettant terme à l’attente des soldats.

Les connecteurs temporels possèdent ainsi « la propriété…de pouvoir se combiner selon un ordre d’informativité de plus en plus grande : Et + puis+ alors+après+ensuite+ … » (Adam, ibid. :116).

7.2.2. Les connecteurs spatiaux

Dans un texte narratif, les connecteurs spatiaux marquent la localisation spatiale. Ils sont désignés par des adverbes (ici, là), des locutions adverbiales (en face de, plus loin…), des groupes prépositionnels (à droite, à gauche…). Ils permettent généralement de structurer une description en situant les éléments dans l’espace les uns par rapport aux autres.

Soit ce passage de Maupassant (Adam 2008, ibid.) :

Devant lui s’étendait un vaste gazon où éclatait trois grande vaches, rouge, bleue et blanche, trois larges corbeilles de fleurs épanouies, l’une en face de la maison et les autres sur les côtés. Plus loin se dressaient

jusqu’au ciel les premiers arbres de la futaie, tandis qu’à gauche, par-dessus la Brindille élargit en étang, on

apercevait de longues prairies, tout un pays vert et plat, coupé par des rigoles et des haies de saules pareils à un court plumeau frémissant de branches minces. A droite, derrière les écuries, les remises, tous les

bâtiments, qui dépendaient de la propriété, commençait le village, riche, peuplé d’éleveurs de bœufs.

Les locutions adverbiales et les groupes prépositionnels signalés en gras structurent le texte. « La combinaison d’organisateurs spatiaux et temporels a pour but d’aider le lecteur à construire un tout cohérent » (Adam 2008 : 116).

Soit l’exemple suivant (Ibid. : 117):

À chacun le Pajero correspond à ses exigences ! Par exemple le Pajero Métal : D’ABORD un système de

transmission Super Selec unique, alliant les atouts de la traction intégrale permanente à ceux de la traction enclenchable. PUIS un moteur répondant à toutes vos exigences : un quatre-cylindre puissant, un brillant V6

ou un turbo-diesel sobre et infatigable. ET ENFIN un équipement imbattable : direction assistée, jantes en

aluminium, pneus extra-larges- BREF, tout ce qui donne une dimension supérieur au 4x4 […].

Les connecteurs signalés en gras contribuent à la structuration de l’énoncé.

7.2.3. Les connecteurs argumentatifs

Même si l’emploi des connecteurs argumentatifs caractérise les textes argumentatifs, cela n’empêche qu’on les retrouve souvent dans les récits des enfants. Ces connecteurs peuvent prendre plusieurs valeurs : opposition-concession, explication-justification, complémentation,

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énumératifs, de reformulation. Nous ne citerons dans notre étude que ceux qui figurent dans le programme de français du cycle primaire.

Connecteurs argumentatifs marqueurs de l’opposition-concession

Le connecteur « mais » peut exprimer une concession ou une opposition. Soit les deux énoncés suivants :

E1 : Ainsi le choix, puis la responsabilité d’une écriture, désignent une liberté, mais cette liberté n’a pas les

mêmes limites selon les différents moments de l’histoire (R. Barthes). E2 : Gavroche est petit, mais il est malin.

Dans l’énoncé 1, Riegle, Pellat et Rioul (2006 : 117) montre comment le connecteur « mais » peut exprimer la concession par l’introduction d’arguments plus fort que celui de la proposition qui précède ».

Dans l’énoncé 2, la proposition 1 « Gavroche est petit » fait admettre que l’enfant « est vulnérable », néanmoins la proposition 2 introduite par le connecteur « mais » avance une idée opposée à la première : l’enfant n’est plus vulnérable du fait qu’il est malin.

Les valeurs de concession et d’opposition qui sont rendues par d’autres connecteurs tels que :

cependant, néanmoins, toutefois… ne figurent pas dans le programme du 1er cycle de l’enseignement de base. Ils ne seront donc pas pris en compte au cours de l’analyse des productions des élèves.

Connecteurs argumentatifs marqueurs de conclusion ou de conséquence

D’après Vigner (2004 : 70), ces connecteurs « dépendent pour une grande partie de contraintes sémantiques liées au contexte d’énonciation, à la visée que se donne le sujet énonciateur»

Ils n’ont pas voulu écouter nos propositions. Alors, nous avons préféré quitter la salle.

Je pense donc je suis (Adam, 2004 : 121)

On trouve souvent ce type de connecteur dans les productions des élèves surtout quand ils introduisent un élément perturbateur :

Exemple : « Tout-à-coup un chien arrive, alors ….. » (Ibid.)

Connecteurs argumentatifs exprimant une explication ou une justification

Les connecteurs qui expriment une explication sont nombreux. On se limitera aux connecteurs « car » et « parce que » du fait qu’ils sont étudiés par les élèves de 6e année de l’enseignement de base.

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Soit les énoncés (Riegle, Pellat et Rioul : 20):

E1 : « Il n’est pas venu parce qu’il est malade »

E2 : « Il faut rentrer le troupeau, car l’orage menace d’éclater.

Dans E1, le connecteur « parce que », introduit la cause de l’absence du sujet : la maladie. Dans E2, le connecteur « car » introduit une justification du fait énoncé dans la première proposition : l’arrivée d’un orage.

7.2.4. Les connecteurs énumératifs

Dans les textes narratifs, les scripteurs novices utilisent souvent des connecteurs énumératifs pour dénombrer divers éléments. Ils utilisent alors des connecteurs temporels (d’abord, ensuite, enfin), des marqueurs additifs tels que « et », aussi », « ou » …

Les connecteurs énumératifs « d’abord » et « tout de suite » peuvent marquer l’ouverture d’une séquence. D’autres comme « alors », « après », « ensuite », « puis » jouent le rôle de « relais intermédiaires ». La fin d’une séquence est indiquée par des connecteurs tels que « enfin », « voila ».

Exemple (Riegle, 2006 : 622):

Ainsi, le problème des bibliothèques se révèle-t-il un problème double : un problème d’espace d’abord, et ensuite un problème d’ordre (G. Perec).

Les connecteurs et les anaphores jouent un rôle important dans la structuration du texte. D’après Charolles (2012 :5),

ces expressions qui ont pour fonction d'indiquer des liens entre respectivement les états de choses dénotés par les énoncés et les référents participant à ces états de choses, codent des instructions interprétatives qui ne peuvent que guider les auditeurs-lecteurs dans le calcul de la cohérence.

Toutefois, comme nous l’avons signalé pour les expressions anaphoriques, les apprenants du primaire ne sont pas toujours capables d’utiliser correctement ces différents types de connecteurs vu leur âge et leur niveau d’étude. Généralement, ils utilisent des connecteurs temporels tels que « aujourd’hui, demain », des connecteurs énumératifs «d’abord, ensuite,

enfin » des connecteurs argumentatif marqueurs de l’explication comme « parce que, car », de

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Les expressions anaphoriques et les connecteurs contribuent certes à la cohésion du texte narratif mais ils ne sont pas les seuls. D’autres organisateurs textuels tel que les signes de ponctuation et les alinéas jouent également un rôle important dans l’organisation du texte. Ces signes qui sont souvent négligés par les scripteurs novices dans leurs productions concourent à la structuration du récit.