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Catillus Meta

9.2 Les moulins de grand format

En réponse à de nombreuses découvertes récentes en Europe de l’ouest où l’archéologie préventive est dynamique, les structures de moulins ont fait l’objet d’un nouveau tour d’horizon à Lons-le-Saunier en 2011, et la synthèse qui en découle ne peut actuellement être plus exhaustive avant de nouvelles découvertes586. Nous ne rappellerons que les cas compris entre Seine et Rhin afin de comprendre la place qu’occupe la mouture de rendement dans le nord de la Gaule et en Germanie.

9.2.1 Stigmates d’entraînement périphérique sur les meules

Dans la péninsule ibérique, les moulins « poussés » de l’Âge du Fer sont dotés d’aménagements spé-cifiques destinés à la fixation de barres de traction. Il en va de même des moulins de type « Pompéi » dont les catillus sont équipés de deux oreilles latérales proéminentes qui doivent accueillir le cadre de suspension par lequel il est entraîné (fig. 194). Le relief du tombeau du boulanger Eurysacès daté du Ier siècle av. J.-C.587, mais aussi celui de « Vigna delle Tre Madonne » provenant d’un sarcophage du IIIe siècle découvert à Rome588, et d’autres représentations recensées par A. Wilson et K. Schörle, montrent très clairement une chaîne arrimée à ce cadre et tractée par un équidé. Le spécialiste des systèmes d’attelage G. Raepsaet, s’intéresse brièvement à l’entraînement de ces moulins et confirme la nécessité de recourir à un trait (lien de cuir, corde, chaîne) entre le bât et la bête pour éviter une trop grande rigidité des systèmes de traction589. Un attelage direct de la bête au bât empêcherait tout réglage en hauteur et contraindrait un même animal à toujours tourner le même moulin dont les faces actives ne s’useraient pas.

En Germanie romaine, les grands catillus cylindriques dits de type «  Haltern-Rheingönhiem  »

584 Fort, tisserand 2017, p. 784, fig. 5 ; p. 785 585 ManGartz 2007, p. 246-255

586 Outre les moulins fouillés tout au long du XXe siècle (Barbegal, Janicule à Rome…), plusieurs études de cas ré-centes ont été présentées lors du colloque de Lons-le-Saunier en 2011 (Jaccottey, rollier 2016). Une synthèse incontournable sur les moulins hydrauliques et à traction animale antiques a par ailleurs été proposée en 2014 comme une piste pour la reconnaissance des structures de mouture à la campagne (Brunet al. 2017).

587 CIL-I-1203-1205. Rome, Porta Maggiore. Brandt 1993

588 Vatican, Musée Chiaramonti, inv. 1370. Wilson, schörle 2009, p. 115, fig. 17 589 raePsaet 2002, p. 261-263

ne posent pas non plus de problème d’interprétation technique puisqu’ils sont creusés de deux encoches verticales en queues d’aronde dans la partie supérieure du flanc, destinés à recevoir un levier diamétral ou deux emmanchures diamétralement opposées. Une variante de ce type de mou-lin est représentée sur le sarcophage de L.

Annius Octavius Valerianusoù le levier ho-rizontal semble fixé à l’anille centrale et non pas sur le bandeau du catillus (fig. 195). Dans le nord de la Gaule, l’interprétation de moulins encore inédits en arkose gros-sière et en arkose rose est plus délicate car leurs aménagements techniques sont moins caractéristiques d’une mise en rotation pé-riphérique que les précédents. Quand leur système est conservé, il est en effet consti-tué de simples perforations verticales per-cées sur la face supérieure de part et d’autre de l’œil, à mi-chemin entre sa paroi et le

flanc (fig. 196). Au colloque de Lons-le-Saunier en 2011, nous avions d’abord interprété ces amé-nagements comme des logements d’anille-crampons associés à un entraînement central du mou-lin590. Par la suite, la fréquence d’enregistrement de ces moulins dans les établissements ruraux, et surtout la découverte d’Oisy-le-Verger (catillus à perforations verticales à côté d’une base de socle circulaire, fig. 198) ont permis de poser les bases de nouvelles possibilités. Certains de ces catillus ont par exemple livré des traces d’oxyde de fer sur le flanc, trahissant leur cerclage par des bandes métalliques et écartant définitivement l’idée d’un entraînement central au profit d’une traction périphérique.

590 Picavet 2016

0 50 cm

Figure 194 Schéma de principe du moulin à traction périphérique de type «Pompéi».

Figure 195 Sarcophage de L. Annius Octavius Valerianus, Rome. CIL-VI-11743. Vatican, Musée Gregoriano Profano, inv. 10536. Photo d’après GOMEZ-PALLARES 2009, p.149.

Quelques indices confortent encore cette idée, notamment certaines traces d’usure liées au mode d’entraînement du moulin. Disposées sur le flanc, sur le rebord ou sur la face supérieure du ca-tillus, ces stigmates témoignent directement du frottement des dispositifs utilisés. Plusieurs sys-tèmes peuvent alors être reconstitués : levier diamétral sur le modèle du moulin de type « Hal-tern-Rheingönheim » ou cadre périphérique ancré sur le flanc. Pour le premier système, plusieurs exemples montrent des traces d’usure déposées en larges plages, voire des creusements spécialement ménagés autour des perforations (fig. 197A). Pour le second, de faibles encoches à parois polies sont les témoins de la fixation de planchette et/ou de perches latérales fermement arrimées sur le flanc (fig. 197B).

Cependant la plupart du temps ces meules façonnées dans des roches très friables souffrent d’un mauvais état de conservation et empêchent d’aborder ces questions techniques.

9.2.2 Structures de grands moulins à traction musculaire

9.2.2.1 Moulins à traction périphérique

Les moulins rotatifs « poussés » attribués à la culture ibérique de l’Âge du Fer sont souvent associés à des socles maçonnés au sein des habitats591. Matériellement, ces supports sont par leur fonction les héritiers directs des tables de mouture « va-et-vient » identifiées par exemple dans l’habitat pri-vilégié de l’Âge du Fer de La Mata (Badajoz, Espagne)592. Ces tables sont tantôt constituées d’em-pierrements, de dalles, tantôt recouvertes d’argile crue séchée, et situées dans les pièces dévolues

591 alonso, Pérez-Jordà 2014, p. 247-253 ; alonsoet al. 2016, p. 600-612

592 rodriGuez-diaset al. 2014, p. 207, fig. 13, n° 3, 4 et 8

0 20 cm

Figure 196 Exemples de catillus en arkose grossière à traction périphérique de type «Brillon». Les perforations verticales servent à l’ancrage d’un levier diamétral pour l’entraînement périphérique du moulin. A. Catillus n° 1160, Steene (Nord) « le Château II ». B. Catillus n° 823, Lambres-lez-Douai (Nord) « les Marlières ».

à la préparation alimentaire domestique. À l’époque romaine, les socles et empierrements étant associés à des meules de grand format, ils sont plutôt localisés à proximité des édifices de stockage et des structures liées aux activités agraires alors que les moulins manuels restent cantonnés au cadre domestique.

Représentant un virage technologique et économique important, le développement des moulins à traction périphérique n’intervient en Gaule chevelue qu’après la conquête romaine alors que l’ur-banisation du dernier siècle avant notre ère aurait pu être l’occasion de leur développement pour l’alimentation des populations qui se regroupent. Sur le modèle des célèbres moulins à traction animale de Pompéi, d’Ostie ou d’Herculanum dont les hautes metas reposent souvent sur des em-pierrements et podiums circulaires593, plusieurs supports de moulins antiques ou leurs fondations ont été identifiés ces dernières années dans les villes et les villas de Gaule romaine où ils sont parfois associés à des meules de grand format594.

593 Peacock 1989, p. 211

594 À la campagne : Brunet al. 2017 ; dans la ville de Lyon : Bellonet al. 2016, p. 146

Catillus Meta Anille Socle et bac de récupération (hypothèse) Catillus Meta Anille Socle et bac de récupération (hypothèse) 0 20 cm 0 20 cm B. A.

Figure 197 Hypothèses de restitution du fonctionnement des moulins à traction périphérique de type « Oisy-le-Verger », vue de dessus et vue de face, dessins éch. 1/20. A. Levier diamétral horizontal fixé grâce aux mortaises verticales creusées dans la face supérieure du catillus. D’après les traces et les aménagements observées sur le catillus n° 1588 d’Oisy-le-Verger (Pas-de-Calais). B. Fixation d’un cadre périphérique en bois. D’après les traces d’usure observées sur le flanc du catillus n° 1561 de Marquion (Pas-de-Calais).

Ils sont pour le moment répertoriés dans les régions où les problématiques liées à la mouture sont exploitées par des spécialistes qui associent de frustes structures circulaires à des meules qui peuvent s’y adapter (essentiellement dans le quart nord-est de la France). Citons, pour le nord de la France, l’exemple d’Oisy-le-Verger (Pas-de-Calais) où un catillus à traction périphérique en arkose rose a été découvert aux côté d’une semelle de craie circulaire de 1,70 par 1,33 m (fig. 198)595. Mis au jour

595 notte, Marcy 2009, p. 38 : « Dans la pièce occidentale [du bâtiment] et légèrement décentré, a été dégagé un St. 356

St. 355

meule

5 m 0

d’après NOTTE, MARCY 2009

casemate Tr. 25

0 20 cm

A. B.

Figure 198 Plan du bâtiment 355 et du socle 356 du site 2 gallo-romain de Oisy-le-Verger (Pas-de-Calais). B. Catillus en arkose rose mis au jour au sud du socle 356, bâtiment 355.

Figure 199 - Structure circulaire en craie damée fouillée dans la villa gallo-romaine de Dourges (Pas-de-Calais). La partie centrale a été réemployée comme support de foyer après le IIe siècle mais la semelle de circulation de périphérique encavée est bien visible. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation de J. Georges, Archéopole ©.

lors d’un diagnostic préalable au creusement du Canal Seine-Nord Europe, ce site n’a pas fait l’objet d’une prescription de fouille et restera très largement attribué à la période romaine par le mobilier associé. Par ailleurs, seules les fondations en craie du bâtiment et de la structure sont apparues, ce qui empêche de comprendre le fonctionnement de l’ensemble et son insertion dans l’environne-ment de l’établissel’environne-ment auquel il se rattache.

À la lumière de cette découverte, une structure circulaire comparable, faite de craie et d’environ 2 m de diamètre, peut être interprétée de la même manière dans la villa de Dourges (Pas-de-Ca-lais – fig. 199). Abritée sous un appentis sur poteaux de bois, la semelle a été partiellement dallée de carreaux de terre cuite et réemployée comme support de foyer après le IIe siècle. Aucun fragment de meule ne peut donc y être directement associé dans ce contexte, mais le site a livré plusieurs frag-ments de meules à traction périphérique en arkose grossière réemployés et dispersés596.

9.2.2.2 Moulins à traction centrale

Plus difficile à interpréter et suivant le même principe de disponibilité de l’énergie motrice, la dé-couverte d’éléments de moulins hydrauliques ou de meules dites « hydrauliques » sur des éminences ou des lieux éloignés de tout cours d’eau amène souvent les archéologues à imaginer la possibilité d’un moulin « à manège » à traction animale centrale. Le cas le plus connu est celui des pièces de moulin, meules, anille et lanterne fixées au gros fer, issues d’un puits du fort romain de Zugmantel (Hesse) en 1912597. Commentant cette découverte, plusieurs historiens des techniques proposent l’adaptation à la traction animale du modèle de moulin à eau à engrenage de Vitruve598, remplaçant la roue verticale par un bât horizontal (fig. 200)599. Une bête de trait entraîne ce levier fixé à un axe vertical qui met en rotation l’anille et la meule via le gros fer. Le catillus est donc mis en rotation par le centre à l’étage sus-jacent, et une accélération de la rotation est rendue possible par l’installation d’un engrenage horizontal non coudé. Le fonctionnement et l’axe du mouvement approchent alors celui du moulin hydraulique à roue horizontale connu à Chemtou (Tunisie) à la fin du IVe et au début du Ve siècle600, sur le site antique de « Gannes » à Beaulieu-sur-Loire (Loiret)601, ou encore au Proche Orient à l’époque ommeyade602, ce qui rend son existence techniquement très probable au regard des compétences des ingénieurs romains. Le moulin à manège n’apparaît toutefois dans la littérature qu’au XIIIe siècle603 et les mentions se multiplient dans les traités techniques de la Renais-sance604. À l’époque moderne, il permet notamment aux troupes d’emporter en campagne un mou-lin mobile et de moudre à grande échelle sans avoir recours à l’eau courante ni au vent (fig. 201). Le système était encore utilisé au XXe siècle dans certaines régions du monde à l’économie vivrière (fig. 202).

Jusqu’ici, ce type de moulin ne devait pas être reconnu pour l’Antiquité car il n’apparaît dans aucun texte. Pourtant, de rares indices tendraient à évoquer leur existence. En Grande-Bretagne, la villa romaine de Stanwick (Northamptonshire) a livré un bâtiment circulaire interprété par le fouilleur

aménagement calcaire de fonction inconnue (st. 356) ; un fragment de meule mobile (catillus) gisait légèrement enfoncé dans les colluvions sous-jacentes et à l’interface avec le niveau d’abandon du bâtiment. Aucun autre aménagement de sol ou d’accès n’a été mis en évidence ».

596 Étude P. Picavet dans GeorGes (rapport en cours) 597 JacoBi 1912

598 vitruve, Les dix livres d'architecture, X, 5, 2

599 JacoBi 1912 ; Moritz 1958, p. 123-128 ; Johnson 1987 ; Baatz 1995 ; JunkelMan 2006 600 Wilson 1995

601 Brun, Borréani 1998, p. 313 et 315 602 Genequand 2016

603 coMet 1992, p. 408

comme le lieu d’un moulin à traction animale à étage dont il restitue une vue axonométrique605. Une meule énorme (« huge quern ») a été retrouvée à proximité606. Aucun élément supplémentaire n’est fourni et la meule n’est pas décrite dans la publication ; le bâtiment circulaire pourrait donc aussi bien accueillir un moulin à traction périphérique.

À Arras (Pas-de-Calais), une piste circulaire imprimée de traces de piétinement a été fouillée dans le camp militaire théodosien de la «  rue Baudimont  ». Creusée d’une vingtaine de centimètres et large d’environ 0,70 m, elle forme un cercle d’environ 3,50 m de diamètre extérieur (d’après photo : fig. 203). À proximité immédiate a été découvert un grand catillus à entraînement cen-tral en Grès de Macquenoise qu’il est tentant de lui associer (fig. 204)607. En effet, la rue Baudi-mont surplombe le cours actuel de la Scarpe (ancien cours de la Sensée avant la canalisation de la Scarpe608) d’un dénivelé de 20 m, à près de 500 m de distance, ce qui paraît écarter la possibilité d’un entraînement hydraulique. Rappelons néanmoins que légèrement en surplomb du site, des thermes bénéficient d’une adduction d’eau609 et que le réseau d’évacuation des eaux du quartier est entretenu au Bas-Empire610.

Une structure comparable à celle d’Arras mais datée d’époque moderne a été fouillée lors d’un dia-gnostic réalisé à Vermand (Aisne)611. Une piste circulaire large de 0,85 m pour 5,70 m de diamètre extérieur entoure un plot maçonné en calcaire

de 1,20 m par 1,40 m installé à 1,70 m de profondeur (fig. 205). Ces vestiges ont d’em-blée été interprétés comme ceux d’un moulin à manège  à traction animale  centrale, peut-être destiné à remplacer le moulin à eau dé-truit 250 m plus loin en 1639612.

Le principal contre-argument opposé à cette application de la traction animale au sys-tème vitruvien dans l’Antiquité réside en la possibilité d’approvisionner un moulin hydraulique par de simples canalisations, et non par un courant d’eau vive en fond de vallée. Songeons au texte de Fortunatus décrivant la villa de Nicetius sur la Moselle au VIe siècle : « L’onde sinueuse est apportée par des

conduits rigides, et elle entraîne une meule qui fournit sa nourriture à la population »613.

605 neal 1996, p. 42 606 neal 1989, p. 165

607 Arras( Pas-de-Calais) « rue Baudimont » (fouille A. Jacques) : meule n° 1324 608 deMolonet al. 1990

609 Jacques 2007, p. 67 610 coquelet 2011, p. 271 611 hosdez 2006

612 hosdez 2006, p. 10

613 Fortunatus, Poésies, III, XII, 37-38.

0 20 cm

Figure 200 Hypothèse d’adaptation de la traction ani-male au système de moulin à engrenage de Vitruve (De Arch., X, 5, 2) et aux meules gallo-romaines à

Figure 201 « Le moulin-manège pour moudre en campagne, inventé par Pompeo Targone, ingénieur d’Ambrosio Spinola, général de Sa Majesté Catholique [d’Espagne] en Flandre ». Dans zonca 1621, fig. 31.

Figure 202 Moulin-manège utilisé au Pendjab (Inde) au XXe siècle. Dans o’keLLy, forSter 1992, fig. 96. © FAO 162-A-10

C’est d’abord le cas des célèbres moulins de Barbegal (Bouches-du-Rhône)614, de ceux du Janicule à Rome615, probablement de ceux du Palatin616, ou encore de ceux d’Éphèse (Turquie) à l’époque byzantine617, dont les rangées de roues hydrauliques sont mues par le flot d’un aqueduc. Plus modestement, c’est aussi le cas du moulin de l’Agora d’Athènes au Ve siècle618, de celui de Champlitte (Haute-Saône)619, de la villa de Goif-fieux à Saint-Laurent-d’Agny (Rhône)620, du port de Toulon (Var)621, ou encore de celui de Saepinum (Samnium, Italie) aujourd’hui interprété comme un moulin à tan mais alimenté par un aqueduc et rejetant l’eau de fuite dans les égouts de la ville622. En remontant

dans le contexte écono-mique et climatique de

614 leveau 2007 615 Bell 1994, p. 80 616 Wilson 2003, p. 104 617 WeFers 2015 ; WeFers 2016

618 Parsons 1936, p. 78, fig. 9 et p. 81, fig. 12 et 13. 619 hervéet al. 2016, p. 152-153

620 Pouxet al. 2013, p. 144-146

621 Brun 2016, p. 31

622 Brun, Borréani 1998, p. 312 ; Brun 2016, p. 44

Figure 203 Piste circulaire excavée du camp théodosien de la rue Baudimont à Arras (Pas-de-Calais). Cliché reproduit avec l’aimable autorisation de C. Hosdez, Inrap ©.

Figure 204 Le catillus n° 1324 à entraî-nement central en Grès de Macquenoise de

la « rue Baudimont » à Arras (Pas-de-Ca-lais). Dessin éch. 1/10.

notre région d’étude, la villa du « Nouret » à Tremblay-en-France (Val-d’Oise) a livré un ensemble de meules de type « hydraulique » ainsi que les traces d’un aqueduc qui tendent à évoquer l’existence d’un moulin à eau non reconnu dans l’emprise de la fouille623.

Ainsi, et même si les vestiges du camp théodosien d’Arras sont des plus convaincants, les moulins à manège à entraînement central demeureront hypothétiques pour l’Antiquité jusqu’à ce que des fouilles soient menées sur ces aménagements avec autant de soin qu’en bénéficient les moulins à eau.

9.2.3 Structures de moulins hydrauliques

Dans la lignée du recensement exhaustif des moulins à eau antiques par O. Wikander624, plusieurs archéologues et historiens des techniques se sont lancés dans un exercice de revalorisation de la technologie gréco-romaine. En effet, le fameux article de M. Bloch625 dont l’on retient que

« d’in-vention antique, le moulin à eau ne connut son réel développement qu’au Moyen Âge », avait longtemps

instauré un certain blocage de la recherche en Histoire des techniques en instillant l’idée, largement répandue, que la pratique de l’esclavage aurait bloqué le progrès technique en Occident626.

623 Bauchet, lePareux-couturier 2016 624 Wikander 1984

625 Bloch 1935, p. 545

626 La controverse est particulièrement bien abordée d’un point de vue historiographique et critiquée par M.-C.

A B S-E N-O niveau de mortier 0 1 m A B 5 m 0 d’après HOSDEZ 2006

plot en blocs calcaires

blocs de calcaire

Figure 205 Vestiges du moulin-manège moderne fouillé à Vermand (Aisne). La piste circulaire entoure un plot installé à 1,70 m de profondeur pour accueillir le pivot central. DAO P. Picavet d’après HoSdez 2006, fig. 3.

Pourtant, Vitruve décrit dès la fin du Ier siècle av. J.-C. un système de moulin de grand format mis en rotation grâce à une roue verticale ins-tallée au fil de l’eau et entraînant un engrenage coudé (fig. 206)627. Depuis les années 1990, la multiplication des fouilles préventives a instau-ré une nouvelle dynamique et les vestiges de ces moulins ont fait l’objet d’une meilleure identifi-cation en Europe de l’Ouest. Ils sont désormais identifiés formellement dès le Ier siècle, voire légèrement avant notre ère si l’on considère l’exemple d’Art-sur-Meurthe (Meurthe-et-Mo-selle)628. De grands moulins approvisionnent des villes entières comme Rome, Arles ou Éphèse et jouent le rôle des grandes boulangeries urbaines connues à Ostie ou à Pompéi. Les traces de tels moulins sont très ténues au nord de la Gaule et en Germanie, mais la fréquence de décou-verte des meules de grand format en suggère l’activité. Prenons l’exemple du vicus d’Heerlen (Limbourg néerlandais), dont la plupart des grandes meules à entraînement central provient de terrains situés directement en contrebas des thermes629. Plusieurs roues peuvent y avoir été entraînées par les eaux d’évacuation des bains,

comme le suggère Palladius à la fin du IVe ou au début du Ve siècle630.

Parallèlement à cette mouture à grande échelle, de petits moulins hydrauliques sont présents en mi-lieu rural ou en périphérie des villes (Avenches et Hagendorn en Suisse). Leur nombre reste encore faible au regard de la quantité de grandes meules découvertes dans les villas, les relais routiers, les camps militaires et les agglomérations, mais leur répartition montre qu’ils sont présents dans tout le bassin méditerranéen et partout en Occident, du limes breton à la Narbonnaise en passant par la Franche-Comté, la Suisse ou le Centre de la France631. Dans la région de Toulon par exemple (Var), plusieurs villas voisines disposent de leur propre moulin à eau dès la fin du Ier siècle ap. J.-C. : celles de « Saint-Michel » et de « la Grande Chaberte » à La Garde, celle de « Reganas » à La Farlède, celle des « Mesclans » à La Crau, de « Saint-Pierre/les Laurons » aux Arcs, de « Saint-Martin » à Taradeau, etc.632

Quel que soit le mode de construction du moulin, en pierre ou sur structure légère en bois, le cour-sier est l’élément principal de son identification. C’est une fosse rectangulaire et profonde, creusée