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Autour du massif de l’Eifel : Allemagne et Pays-Bas

DEUXIÈME PARTIE : LA FORME DE L’OBJET,

8.1.3 Autour du massif de l’Eifel : Allemagne et Pays-Bas

Dans le grand district volcanique de l’Eifel (Rhénanie-Palatinat, Allemagne), les productions des meulières du volcan Bellerberg ont assez tôt été caractérisées, chaque forme étant attribuée à une pé-riode particulière. O.G.S.Crawford et J. Röder ont ainsi, dès les années 1950, dressé un panorama des productions rhénanes entre le Néolithique et le Moyen Âge, faisant déjà le lien entre typologie et lithologie (fig. 175)485. La typologie est à peine complétée par F. Hörter en 1994486, avec l’ajout des meules hydrauliques romaines, et reprise telle-quelle par F. Mangartz en 2008487. Elle présente de manière globale et peu détaillée les différents types de meules en combinant les critères morpho-logiques et techniques propres à chacun. Signalons que cette absence de détail dans la typologie est en grande partie liée à l’extraordinaire standardisation des productions de l’Eifel dès le premier Âge du Fer. La plupart des travaux allemands récents concernent donc plus les gisements de roche volcanique et les carrières de meules que les productions elles-mêmes. Ce sont les travaux de T.M. Gluhak dans les années 2000 qui redynamisent fortement l’étude des meules d’un point de vue gé-ochimique, favorisant une analyse fine des réseaux de distribution des meules en roche volcanique. En Allemagne centrale et grâce aux déterminations de T.M. Gluhak, S. Wefers oppose les meules de l’Eifel à celles provenant du secteur de Lovosice en République Tchèque au Second Âge du Fer 488. Elle propose une typologie prenant en compte les catillus comme les metas, distinguant la forme des faces actives et celle des autres faces, et les aménagements techniques liés à l’entraînement et à la liaison des meules.

Une typologie simplifiée est utilisée pour les productions de l’Eifel aux Pays-Bas et se résume à une distinction des meules manuelles pré-romaines, dites de type « de Brillerij », et d’époque romaine dites de type « Westerwijtwerd ». Le premier groupe comprend des catillus cylindriques à face

supé-485 craWFord, röder 1955, p. 69, fig. 1

486 hörter 1994, p. 15, 24, 25, 27, 34, 39, 43 et 49. 487 ManGartz 2008, p. 27 et 28

488 WeFers 2011b, 2012

Figure 174 Extrait de la typologie alphanumérique des meules mise au point par S. Longepierre dans le sud de la France sur la base de 666 meules comprises entre l’Âge du Fer et le début du Moyen Âge. D’après LongePierre 2012, p. 450.

Figure 175 Typologie développée par Crawford et Röder sur la base des découvertes faites autour de Mayen dans le massif volcanique de l’Eifel (Allemagne). D’après crawford, röder 1955, fig. 1.

rieure en cuvette sans bandeau, au flanc vertical parfois évasé vers le haut, et à face active concave au galbe très marqué, et non rayonnée. Le second correspond à la « meule de légionnaire » bien connue des abords du limes rhénan et des établissements germano- et britanno-romains489. De forme égale-ment cylindrique, sa face supérieure est creusée en cuvette à section plane délimitée par un bandeau plat ; le flanc est strictement vertical et la face active rayonnée présente une courbe moins marquée qu’à l’Âge du Fer. Cette classification n’a pas évolué depuis l’étude des meules des provinces de Drenthe et de Groningue (nord des Pays-Bas) par O.H. Harsema dans les années 1960 et 70490. Elle est toujours la seule utilisée aux Pays-Bas pour la fin de l’Âge du Fer et l’époque romaine491.

Pour le haut Moyen Âge, l’étude de H. Kars dans l’emporium de Dorestad492 reste une référence essentielle qui présente par ailleurs l’intérêt d’être plus proche de l’école allemande tentant de ca-ractériser la production meulière du massif de l’Eifel d’un point de vue économique493. Géologue de profession, H. Kars y mène une étude archéologique et statistique précurseure. Il met en série les diamètres et les épaisseurs des meules et en tire d’intéressantes conclusions sur la fabrication et le commerce des meules à la charnière entre les périodes mérovingienne et carolingienne (voir § 13.6.2).

8.1.4 En Angleterre

La dynamique de l’école anglaise est impulsée dès les années 1930 par E.C. Curwen494 qui définit plusieurs types de meules manuelles en fonction de sites ou de régions éponymes. Cette méthode instille un premier classement des types de meules par roche si l’on considère l’éloignement de ces régions et l’approvisionnement qui leur est propre. Le Hunsbury type se distingue ainsi du Wessex

type ; le Puddingstone type s’en détache clairement par la lithologie. Curwen est suivi cinquante ans

plus tard par le géologue et archéologue D.P.S. Peacock qui voit dans le matériel de mouture un mobilier comparable au matériel céramique pour la restitution des systèmes économiques antiques. Ce dernier défend l’analyse microscopique de ces matériaux d’origine minérale pour en retrouver la provenance et reconstituer les réseaux commerciaux. D’abord attiré par la sphère méditerra-néenne, les amphores et les célèbres moulins de Pompéi, il est amené en parallèle à s’intéresser à la production de meules protohistoriques et antiques en Angleterre495. Il en dresse de premières typo-logies qu’il met lui aussi immédiatement en lien avec la lithologie.

Par la suite, c’est au tour de R. Shaffrey de traiter tous les aspects, dont la typologie des meules tail-lées dans un grès particulier, le Old Red Sandstone496. Ses activités, comme celles de C. Green, associé de Peacock qui s’intéresse plus aux matériaux qu’à la typologie497, sont principalement localisées dans le quart sud-est de la Grande-Bretagne.

Très tôt pratiquée par des géologues, la typologie anglaise aborde donc systématiquement les ques-tions liées aux matériaux et s’approche du concept de « lithocorpus » développé depuis les années 2000 par le Groupe Meule en France. Chaque atelier confectionne des produits qui lui sont propres mais qui laissent transparaître en filigrane les grandes évolutions morphologiques déterminées par les sauts technologiques successifs.

489 Jodry 2010, 2011 ; Green 2016b, p. 169-172 490 harseMa 1967 et 1979

491 van der sanden 1998 ; hoPMan 2013, p. 78 ; études dans les rapports de fouille, par ex. : M. Melkert dans BloM et al. 2012b p. 102 ; M. Niekus dans nieuWhoF 2007, p. 90 ; R.A. Houkes dans vander FeiJst, veldMan 2011, p. 87 492 kars 1980 et 1983b 493 kars 1983a 494 curWen 1937 et 1941 495 Peacock 1987 et 2013 496 shaFFrey 2006 497 Green 2011 et 2016