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Il en fut quelques-unes, qui furent déterminantes non seulement dans l’économie de l’histoire de la mission, mais également dans les enjeux liés à la diffusion du texte de l’História da Etiópia. Des enquêtes élargies, un passage à la loupe du manuscrit offrit l’occasion de relever les détails qui donnèrent les moyens de lire les à propos du manuscrit.

À quel moment de son périple éthiopien Pedro Páez s’était-il mis à l’écriture de son Histoire ? C. Beccari, en 1903, en publiant le premier volume de la RÆSOI, et exposant ainsi l’ensemble documentaire qui allait constituer la collection339, présentait le texte de l’História da Etiópia et avançait l’idée que Pedro Páez aurait rédigé son manuscrit vers 1620 pour l’achever en 1622340. Une hypothèse qu’il reprenait lors de l’édition intégrale du texte en 1905 dans l’introduction critique, en n’apportant pas d’informations supplémentaires, voire au contraire, de l’imprécision : « Le père Páez a écrit son œuvre au cours des dernières années de sa vie »341. Les dernières années de sa vie de missionnaire auraient été consacrées à la mise en œuvre et en écrit, cette dernière proposition faite par C. Beccari laissant la place à une interprétation assez vague. Quant à Alberto Feio qui éditait le manuscrit de Braga en 1945-46, il signalait dans l’introduction critique que Pedro Páez aurait commencé son ouvrage en 1607, tirant argument d’une lettre de Luis de Azevedo au provincial de Goa, du 22 juillet 1607 dans laquelle ce missionnaire raconte quelles étaient les occupations du père Pedro Páez : « parce qu'il se trouvait très fatigué à cause de beaucoup d'écriture »342. Autant dire qu’aucun des érudits n’apporta des précisions pertinentes quant à la

339 Beccari, C. (éd.), Notizia e saggi di opere e documenti inediti riguardante la storia di Etiopia durante i secoli XVI, XVII e XVIII, con otto facsimili e due carte geografiche, RÆSOI 1, 1903. Voir chapitre 2. 340 Beccari, C. (éd.), RÆSOI 1, 1903, p. 3. 341 Beccari, C. (éd.), RÆSOI 2, 1905, p. XXX. 342 Beccari, C. (éd.), RÆSOI 11, 1911, p. 134.

période susceptible d’avoir été mobilisée par le missionnaire pour la rédaction de ce travail.

Une enquête prenant en compte non seulement le manuscrit de Pedro Páez mais également une documentation de lui-même et de ses contemporains permettait de saisir au mieux le moment pendant lequel Pedro Páez se serait mis à écrire. Tout d’abord, deux lettres autographes. La première du 4 juillet 1615, écrite de Gorgora (Éthiopie) et adressée au provincial de Goa, le père Francisco Vieira, dans laquelle Pedro Páez demandait si le sommaire des témoignages réunis à partir des lettres afin de réfuter ce que dit « le religieux de Valence » (le religieux dont il est question est de toute évidence Luis de Urreta) et envoyé l’année passée était bien arrivé343. Ce fut donc en 1614, probablement aux alentours du mois de juillet que le père Pedro Páez adressait au commanditaire de cette réfutation, le provincial Francisco Vieira, un premier état de ses travaux, dont les archives ne possèdent aucune trace. Il était donc en possession des ouvrages de Urreta à cette date-là. Le second indice se trouve dans une lettre que Pedro Páez écrivit le 20 juin 1615, au père Thomas de Ituren, où il écrivait : « Étant sur le point de terminer cette lettre, j'en ai reçu une de votre part datant de 1614, grâce à laquelle je suis bien réconforté d'avoir des nouvelles si fraîches. Mais je ne peux pas répondre à cette lettre, parce que le porteur me presse beaucoup. Ensuite il se peut que Votre Révérence ait la relation achevée des choses de cet empire, parce que l’obédience me commande maintenant de répondre à deux livres, qui furent publiés à Valence [en 1610 et en 1611] concernant l'Éthiopie : lesquels livres condamnent les informations que donnèrent d'ici aux souverains pontifes le patriarche dom André de Oviedo et les autres pères de la compagnie qui moururent ici, et subséquemment celles que j'ai données »344. 343 ADB, Ms. 779, doc. XIb, fol. 154. 344 Beccari, C. (éd.), RÆSOI 11, 1911, pp. 359-60.

Au mois de juin 1615, Pedro Páez laissait sous-entendre à celui qui avait été un des ses professeurs en Europe qu’il travaillait à une réponse à la « relation des choses de cet empire », suite à une récente commande (« maintenant » donc en 1615). On peut donc facilement concevoir qu’entre 1613 et 1614 le père ait reçu les ouvrages de Urreta via Goa et qu’une lettre lui demandait de fournir un rapport détaillé à leur propos. Il avait effectivement, comme on l’a vu, envoyé un premier état de la question à Goa en 1614, puis, ce rapport ayant emporté l’avis favorable du provincial, il fut chargé officiellement de rédiger une réfutation des ouvrages en 1615. L’objectif était clairement énoncé : répondre à deux livres publiés à Valence concernant l’Éthiopie ce qui laisse entendre qu’il s’agissait de ce qui devint l’História da Etiópia. Une autre lettre du 2 juin 1621 de Diogo de Mattos et adressée au préposé général de la compagnie, permet d’établir un lien entre le travail auquel se livrait Pedro Páez en 1615 et l’Historia de Ethiopia : « À présent, le père António Fernandes, supérieur de la mission345, et le père Pedro Páez se trouvent [à la résidence de Gorgorrâ], lesquels travaillent beaucoup dans l'administration de cette église et dans la formation des catholiques portugais et abyssins de tout le royaume du Dambiâ, qui sont nombreux et très éparpillés et ils sont occupés, l'un [Pedro Páez] à [écrire] l'histoire de l'Éthiopie et l'autre [António Fernandes] dans la réfutation de leurs erreurs346 […] »347.

Ainsi la réfutation des livres de Luis de Urreta que Pedro Páez annonçait au père Thomas de Ituren en 1615, n’était pas encore achevée en 1621 ni même en

345 Ce personnage fut l’un des compagnons du père Páez arrivé un an après lui en 1604 (Beccari, C. (éd.), RÆSOI 3, 1906, p. 269 ; P. Pais 3, 1946, p. 58). En 1619, il occupait la fonction de supérieur de la mission éthiopienne fonction occupée précédemment par le père Páez (Beccari, C. (éd.), RÆSOI 11, 1911, p. 484). 346 Il ne s’agit pas ici de la réfutation des livres de Urreta, commandée à Pedro Páez, mais de la réfutation théologique de ce que les jésuites considéraient comme des erreurs, ouvrage à part entière dont l’édition se fit en 1642. 347 Beccari, C. (éd.), RÆSOI 11, 1911, p. 484.

1622, puisque l’Historia comporte elle-même à plusieurs reprises cette année-là comme référence348. Cette enquête plus précise et fouillée donnait à voir le/les missionnaire/s sur son terrain, à saisir davantage les contraintes matérielles et intellectuelles du travail de certains des membres de cette communauté, mais également mettait en relief ce qu’avait pu être une des activités de mission. L’autre aubaine était de percevoir le type de relation entre les jésuites d’Éthiopie. Pedro Páez et António Fernandes, deux grandes figures missionnaires de cette période apparaissaient au fur et à mesure de l’avancement de l’enquête comme ayant occupé deux rôles fondamentaux qu’il convenait de restituer. Les événements postérieurs à la mort de Páez permettaient de souligner toute l’importance de la part occupée par António Fernandes, devenu, à partir de 1620, supérieur de la mission. Un passage à la loupe du manuscrit de Páez (et en particulier de la page dédicatoire) envisageait certaines hypothèses.