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Titre II. Les normes spécifiques de comportement comme approche de

Chapitre 5. Les modes de socialisation des acteurs économiques

Le phénomène de pollution des ressources aquatiques est la plupart du temps le fait d’acteurs non étatiques. C’est la raison qui justifie que l’obligation de diligence de l’État implique spécifiquement le contrôle administratif de ces entités.472 Afin de soutenir les États dans cet effort, la pratique est allée dans le sens d’une socialisation des acteurs non étatiques. Par phénomène de

« socialisation », il faut entendre avec Laurence Boisson de Chazournes :

« l’émergence, sinon la montée en puissance, de nouvelles valeurs à l’échelon international, consacrées notamment par la négociation d’instruments conventionnels, par la coutume ainsi que par l’adoption d’actes unilatéraux d’organisations internationales. Leur diffusion et leur respect doivent être assurés. Les standards et normes comptent parmi les véhicules utilisés à cette fin ».473

Cette socialisation se traduit par le développement de normes visant à orienter le comportement des opérateurs privés dans la conduite d’activités dangereuses.474 Pendant longtemps, le principe du pollueur-payeur a constitué la modalité minimale pour responsabiliser les acteurs privés dans la lutte contre la pollution des ressources en eau transfrontières (section I). De nos jours, la technique de l’« accountability » émerge comme une approche nouvelle pour encadrer l’activité des opérateurs économiques (section II).

472 Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 79, § 197.

473 L. Boisson de Chazournes, « Standards et normes techniques dans l'ordre juridique contemporain : quelques réflexions », in L. Boisson de Chazournes et M. Kohen (éds.), Le droit international et la quête de sa mise en oeuvre : Liber Amicorum Vera Gowlland-Debbas, Brill, Leiden, 2010. p. 358.

474 La Déclaration de Johannesburg sur le développement durable (2002) a notamment affirmé que

« dans l’exercice de ses activités légitimes, le secteur privé, y compris les grandes entreprises comme les petites, a le devoir de contribuer à l’évolution vers des communautés et des sociétés équitables et durables » (§ 27). Cette affirmation a été interprétée par André Nollkaemper comme un indicateur de la reconnaissance par la Communauté internationale de la « responsability to protect international public (environmental) values by influencing the private sector directly, not only throutgh States ». Voir A. Nollkaemper, « Responsability of Transnational Corporations in International Environmental Law: Three Perspectives », in G. Winter (éd.), Multilevel Governance of Global Environmental Change: Perspectives from Science, Sociology and the Law, Cambridge University Press, Cambridge, 2006, p. 193. Sur l’historique de l’idée de responsabiliser les entreprises en matière de protection internationale de l’environnement voir notamment, E. Morgera, Corporate Accountability in International Environmental Law, Oxford University Press, Oxford, 2009, pp. 9-18.

Section I. L’approche classique : le principe pollueur-payeur

Porté sur les fonts baptismaux par l’OCDE,475 le principe pollueur-payeur (P.P.P.) est un principe de coloration économique prônant l’internalisation des coûts associés à la lutte contre la pollution.476 Avant d’examiner sa portée et ses limites comme norme de prévention (II), nous analyserons d’abord sa prise en compte dans la pratique relative à la protection des eaux douces transfrontière (I)

I. Le principe pollueur-payeur dans la pratique

Principe plébiscité comme outil de lutte contre les atteintes à la qualité de l’eau, le principe P.P.P. comporte l’idée selon laquelle chaque pollueur doit supporter le coût des mesures qu’il est légalement tenu de prendre pour protéger l’environnement.477 Initialement, le P.P.P. suivait une approche qu’on peut qualifier de restrictive puisque le principe s’appliquait seulement aux coûts des mesures de prévention et de lutte contre la pollution adoptées par l’exploitant d’une installation industrielle polluante. Par la suite et progressivement, le P.P.P. a été étendu à d’autres catégories de coûts tels les coûts administratifs, ceux des dommages et des indemnisations ou ceux liés à d’autres situations telles les pollutions accidentelles, suivant en cela une approche plutôt extensive.478 Reconnu comme principe du droit international de l’environnement,479 le P.P.P. a été repris dans plusieurs instruments relatifs

475 La formulation du principe pollueur-payeur demeure à ce jour l’un des premiers résultats qui ont marqué les travaux de l’OCDE sur la politique de l’environnement. Sur les travaux de l’OCDE relatifs au principe pollueur-payeur voir, Recommandation C (72) 128 sur les principes directeurs relatifs aux aspects économiques des politiques de l'environnement sur le plan international (1972) ; Recommandation C (74) 223 sur la mise en œuvre du principe pollueur-payeur (1974) ; Recommandation C (89) 88 sur l’application du principe pollueur-payeur aux pollutions accidentelles (1989). Voir aussi, OCDE, Le principe pollueur-payeur : définition, analyse, mise en œuvre, OCDE, Paris, 1975, 123 p. ; OCDE, Le principe pollueur-payeur : Analyses et recommandations de l’OCDE, OCDE, Paris, 1992, 56 p. ; L. Boisson de Chazournes, « L’OCDE et la protection de l’environnement : entre innovation et maturation », inLe pouvoir normatif de l’OCDE, Pedone, Paris, 2013, pp. 56-58.

476 L. Boisson de Chazournes, « L’OCDE et la protection de l’environnement… », op. cit., p. 57.

477 OCDE, Le principe pollueur-payeur : Analyses et recommandations de l’OCDE, op. cit., p. 5.

478 Sur la question de la généralisation de l’internalisation voir, OCDE, Le principe pollueur payeur : Analyses et recommandations de l’OCDE, OCDE, Paris, 1992, 56 p. ; Guide to Implementing the Water Convention (2013), Doc. ECE/MP.WAT/39, p. 28 et s. ; H. Smets, «Le principe pollueur-payeur : un principe économique érigé en principe de droit de l’environnement ?», Revue générale de droit international public, t. 97, 1993, pp. 340-355.

479 Voir principe 16 de la Déclaration de Rio (juin 1992) ; également J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, 4e édition, Pedone, Paris, 2010, p.164 et s. ; P. Birnie, A. Boyle et C. Redgwell, International Law & the Environment, 3e édition, Oxford University Press, Oxford, 2009, p. 159 et s. ; H. Smets, «Le principe pollueur-payeur…», op. cit., p. 362.

aux ressources en eau transfrontières. Il figure ainsi en bonne place dans la Convention d’Helsinki de 1992 parmi les principes qui doivent guider les Parties dans l’adoption de mesures concernant la prévention, la maîtrise et la réduction de la pollution. En vertu de l’article 2 § 5 (b) de cette Convention :

« Lors de l’adoption des mesures visées aux paragraphes 1 et 2 [les mesures appropriées pour prévenir, maîtriser et réduire] du présent article, les Parties sont guidées par les principes suivants :

(….)

Le principe pollueur-payeur, en vertu duquel les coûts des mesures de prévention, de maîtrise et de réduction de la pollution sont à la charge du pollueur ».480

La définition du principe tel qu’il apparaît au paragraphe 123 du commentaire de la Convention peut paraître bien simple. En effet, il indique que :

« This provision [l’article 2 § 5 (b)] offers a primary basic definition of this principle as the one by virtue of which costs of pollution prevention, control and reduction measures shall be borne by the polluter ».481

Néanmoins, c’est bien l’approche extensive du P.P.P. qui est envisagée dans le cadre du régime de la Convention d’Helsinki. Le P.P.P. couvrirait la totalité du champ d’application des obligations de la Convention, y compris celle de prendre « toutes les mesures appropriées pour prévenir, maîtriser et réduire l’impact transfrontière », et par voie de conséquence tous les coûts associés.482 Dans le sillage de la Convention d’Helsinki, le P.P.P. a été inscrit dans un nombre croissant de conventions relatives aux ressources en eau partagées. L’article 2 § 4 de la Convention sur la protection du Danube (1994) en fait par exemple l’un des fondements de toutes les mesures destinées à protéger le Danube et les eaux de son bassin hydrographique. De même, la Convention pour la protection du Rhin483 et l’Accord de 2012 entre le Canada et les États-Unis relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs484 cite le P.P.P. parmi les principes devant orienter les actions des Parties.

Le principe est également repris dans les instruments relatifs aux bassins africains. La Charte des eaux du fleuve Sénégal exige que les États veillent « à

480 Art. 2 § 5 (b), Convention sur la protection et l’utilisation des cours d’eau transfrontières et des lacs internationaux (1992).

481 Guide to implementing the Water Convention (2013), Doc. ECE/MP.WAT/39, p. 28, § 123.

482 Ibid., § 125.

483 Art. 4 (d), Convention pour la protection du Rhin (1999).

484 Art. 2 § 4 (h), Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs (2012).

ce que le principe pollueur-payeur soit appliqué aux personnes morales et physiques ».485 Une disposition similaire est prévue dans la Charte de l’eau du bassin du Niger.486 Dans ces deux instruments, c’est une approche extensive du P.P.P. qui semble envisagée, à savoir le pollueur doit prendre en charge la totalité des coûts liés à la prévention, la maîtrise et la réduction de la pollution.

Cependant, l’article 18, paragraphe 2, laisse planer un doute. En effet, les États sont invités « à mettre en place des incitations fiscales destinées à aider les opérateurs économiques pratiquant des modalités d’utilisation de la ressource respectueuses de l’environnement ».487 Cette dernière disposition semble ouvrir la brèche à des aides publiques qui atténuent la prise en compte intégrale des coûts affectés au pollueur.

Or, il est intéressant de relever que lorsque le principe a été formulé à l’origine dans les travaux de l’OCDE, les aides de l’État y sont en principe proscrites, sauf quelques exceptions rigoureusement encadrées.488 Ne sont admises que les aides à la recherche et au développement sur les techniques de lutte antipollution et l’aide aux entreprises polluantes existantes soumises à de nouvelles exigences particulièrement sévères dans le domaine de la lutte contre la pollution.489 En outre, dans cette deuxième hypothèse, l’aide n’est admise qu’à condition que son montant soit limité dans le temps ; qu’elle soit nécessaire pour des raisons sociales ; et enfin qu’elle n’introduise pas de distorsions significatives dans le commerce et les investissements internationaux.490

La formulation ambiguë adoptée par la Déclaration de Rio semble également aller dans le sens d’une lecture restrictive des exceptions à l’application du P.P.P. Selon le principe 16 de la Déclaration de Rio,

« [l]es autorités nationales devraient s’efforcer de promouvoir l’internalisation des coûts de protection de l’environnement et l’utilisation d’instruments économiques (…) sans fausser le jeu du commerce international et de l’investissement ».

La brèche à des aides publiques observée dans la Charte des eaux du fleuve Sénégal et celle du bassin du Niger posent des interrogations. En effet,

485 Art. 17 § 3, Charte des eaux du fleuve Sénégal (2002).

486 Art. 8, Charte de l’eau du bassin du Niger (2008) : « Les États Parties devront prendre en compte le principe pollueur-payeur, appliqué aussi bien aux personnes morales, qu’aux personnes physiques et en vertu duquel les coûts de prévention, de maîtrise et de réduction de la pollution sont à la charge du pollueur (…) ».

487 Art. 18 § 2, Charte des eaux du fleuve Sénégal (2002) ; art. 8, Charte de l’eau du bassin du Niger (2008).

488 OCDE, Le principe pollueur payeur : Analyses et recommandations de l’OCDE, op. cit., 5.

489 Ibid.

490 Ibid.

elles ne définissent pas précisément les conditions de mise en œuvre de ces incitations publiques, laissant ainsi subsister de grandes incertitudes sur l’étendue de ces aides et leur impact sur la mise en application du principe pollueur-payeur. La Charte de l’eau du bassin du Lac Tchad adopte une formule encore plus ambiguë en prévoyant que les États Parties, dans la mise en œuvre de la Charte de l’eau, se conforment au principe pollueur-payeur

« en vertu duquel les coûts des mesures de prévention, de maîtrise et de réduction de la pollution sont intégralement ou partiellement à la charge du pollueur ».491 S’il ressort de cette disposition que le pollueur peut se voir attribuer tout ou partie des coûts liés à la prévention, à la maîtrise et la réduction des pollutions, la Charte ne fournit pas les critères qui permettent de décider dans quel cas le pollueur relèverait de l’une ou l’autre des situations.

Il ressort de ce qui précède que dans le domaine de la protection des ressources en eau transfrontières, l’application du P.P.P. varie dans la pratique.

Si cette dernière s’accorde en général sur l’étendue des coûts devant être imputés au pollueur, à savoir l’ensemble des coûts liés à la prévention, la maîtrise et la réduction de la pollution des ressources aquatiques, elle diverge sur les modalités de répartition des coûts à payer en vertu du P.P.P. Cette situation alimente les difficultés d’appréhension des contours exacts du principe en droit international de l’eau et par voie de conséquence de son application.492

II. La portée et les limites du principe en matière de prévention contre la pollution des ressources en eau transfrontières

Le recours au P.P.P. en matière de protection des ressources en eau transfrontières est généralement justifié pour sa contribution à la prévention contre la pollution. Les commentaires de la Convention d’Helsinki de 1992 mettent l’accent sur cet aspect. En effet, il a été souligné que les coûts liés à la prévention, à la maîtrise et à la réduction de la pollution telle que les envisage le P.P.P., visent avant tout à éviter les atteintes à l’environnement, d’où l’aspect préventif du principe. 493

Cet aspect préventif se manifeste de diverses manières en pratique. La manifestation la plus évidente est le pouvoir d’incitation que le principe peut opérer sur les opérateurs économiques. Le P.P.P. conduit à responsabiliser ces opérateurs en les incitant à investir dans les technologies de prévention et à

491 Art. 7 (d), Charte de l’eau du bassin du Lac Tchad (2012).

492 Sur la question de la détermination du contenu du P.P.P. voir notamment, J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., pp.164-165.

493 Guide to implementing the Water Convention (2013), Doc. ECE/MP.WAT/39, p. 28 § 126.

adopter des méthodes de production moins polluantes, sachant que les charges qu’ils doivent supporter lorsqu’ils polluent sont plus importantes que les bénéfices qu’ils tirent de l’activité polluante.494

C’est dans cette optique que le P.P.P. a servi de pierre angulaire pour la mise en place d’un régime de responsabilité environnementale au niveau de l’Union européenne. La Directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux établit en effet un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du « pollueur-payeur » en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux. Les dommages environnementaux incluent: « les dommages affectant les eaux, à savoir tout dommage qui affecte de manière grave et négative l'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux concernées ».495 Le considérant 2 du préambule de la Directive du 21 avril 2004 dispose expressément que

« Le principe fondamental de la présente directive devrait donc être que l'exploitant dont l'activité a causé un dommage environnemental ou une menace imminente d'un tel dommage soit tenu pour financièrement responsable, afin d'inciter les exploitants à adopter des mesures et à développer des pratiques propres à minimiser les risques de dommages environnementaux, de façon à réduire leur exposition aux risques financiers associés ».

Cependant, il convient de préciser que pour que le P.P.P. puisse jouer pleinement son rôle d’incitation à la prévention, il est important que les mesures décidées par les pouvoirs publics s’avèrent suffisamment dissuasives.

En effet, il revient aux autorités publiques de décider des modalités de mise en œuvre du P.P.P., notamment les mesures de prévention dont les coûts seront imputées aux opérateurs économiques.496 C’est une première limite à l’efficacité du P.P.P., en ce qu’il n’y a pas de garantie que les dispositions prises par l’État s’avèreront suffisantes pour préserver la ressource.497

Le P.P.P. joue également un rôle préventif en tant qu’outil de financement des mesures de prévention telles que la conduite de l’étude d’impact sur

494 Ibid., p. 29 § 131, 133 (b).

495 Art. 2 § 1 (b), Directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, Journal officiel n° L143 du 30/04/2004, pp. 0056-0075.

496 « Le principe Pollueur-Payeur signifie que le pollueur doit se voir imputer les coûts des mesures de prévention et lutte contre la pollution décidées par les pouvoirs publics, quelles qu’elles soient, qu’il s’agisse de mesures de prévention, de restauration, ou d’une combinaison des deux », OCDE, Le principe pollueur-payeur : définition, analyse, mise en œuvre, op. cit., p. 5.

497 H. Trudeau, « la responsabilité civile du pollueur : de la théorie de l’abus de droit au principe pollueur-payeur », Les cahiers de droit, vol. 34, n°3, 1993, p. 788.

l’environnement qui précède la délivrance d’autorisations des autorités publiques, ou l’utilisation des meilleures techniques disponibles. Cet aspect est particulièrement important dans les pays en voie de développement où les revenus procurés par les instruments économiques nécessaires à la mise en œuvre du P.P.P. contribuent à renforcer les politiques d’environnement ou d’autres politiques publiques.

Là apparaît la deuxième limite du principe. En effet, le risque majeur pris lorsque le P.P.P. est envisagé comme outil de financement est qu’il n’apparaisse en réalité que comme un nouveau moyen de fiscalité. La pratique dans le cadre juridique de l’Autorité du bassin du Niger est assez illustrative.

En effet, l’inclusion du P.P.P. dans le dispositif juridique de l’ABN est plus le résultat d’un processus de réflexion sur la politique de financement autonome de l’ABN que d’une vision de protection de l’environnement aquatique.

L’inclusion du principe a été notamment entérinée par la Décision n°5 du 9e sommet des Chefs d’État et de gouvernement relative au financement autonome et durable de l’ABN (2010).498 Cet extrait de la Décision du Sommet des Chefs d’État est illustratif:

« Considérant : (…)

Que les contributions des États, sous leur forme actuelle, doivent demeurer une composante essentielle des ressources budgétaires du Secrétariat exécutif, mais qu’elles doivent être complétées par des ressources alternatives fiables et raisonnables en termes de régularité, de pérennité et d’impact sur l’économie des pays ;

Que l’évolution de l’ABN lui permettant d’assumer certaines fonctions de la maîtrise d'ouvrage des infrastructures hydrauliques à impact transfrontalier nécessite des capacités au plan technique, financier et institutionnel.

Décide :

L’adoption des mécanismes de financement autonome et durable des activités de l’ABN que sont :

L’instauration de redevances (…) de type pollueur-payeur en direction des secteurs des mines et de l’industrie (…) ».

On pourrait certes objecter que le but poursuivi par l’ABN inclut la protection du bassin et de son environnement et que de ce fait le financement pérenne du mécanisme institutionnel contribue à atteindre cet objectif de protection. Il n’en demeure pas moins qu’il se dégage une forme d’exploitation de la pollution à des fins de recette fiscale.

498 Décision fournie directement par les agents de l’ABN lors de notre séjour de recherche au siège de l’organisation, Niamey, 12-15 novembre 2012.

Certains auteurs ont toutefois rejeté l’idée de l’achat d’un « droit de polluer », qui ressortirait des redevances perçus au titre du P.P.P., en rattachant sa mise en œuvre au principe de responsabilité.499 Cette dernière s’entendrait de l’obligation mise à la charge du pollueur par le P.P.P. de couvrir les conséquences des dommages causés par la pollution dont il est l’auteur.500 Quoique justifié, cet argument met en lumière la troisième limite du P.P.P. en tant que mesure de prévention. En effet, rattaché au principe de la responsabilité dans son acception classique, l’objectif poursuivi par le P.P.P.

est de répondre à l’atteinte de la ressource. Or, l’esprit même de la prévention réside dans l’anticipation du risque de réalisation de cette atteinte. Dans ce contexte, il apparaît que le P.P.P., hormis sa valeur incitative, qui par ailleurs est de portée indirecte, s’inscrit plus dans une dynamique réactive que proactive. Les limites du P.P.P. justifient l’émergence de nouvelles formes de mesures visant à responsabiliser les opérateurs économiques.

Section II. L’approche émergente : L’accountability des entreprises

La responsabilisation des entreprises connue sous le concept d’accountability501 est prise en compte dans le régime relatif à la protection des ressources en eau transfrontières par le truchement de la problématique de la protection des milieux naturels. Elle apparaît comme une norme spécifique de comportement en ce qu’elle impose aux acteurs privés d’adopter une attitude particulière, celle d’agir de manière transparente dans la conduite de leurs activités. Si le contenu de l’accountability reste à cerner avec précision (I), elle constitue toutefois un outil de plus en plus plébiscité dans la pratique internationale pour prévenir les dommages aux milieux aquatiques (II).502

I. La responsabilisation des entreprises comme moyen de prévention

Le concept de « responsabilisation » des entreprises a émergé dans le contexte du constat des limites des solutions traditionnelles, tant du droit interne que

499 Voir notamment, J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p.165.

499 Voir notamment, J.-P. Beurier, Droit international de l’environnement, op. cit., p.165.