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Titre II. Les normes spécifiques de comportement comme approche de

Chapitre 4. Le caractère procédural des normes relatives à la

Les normes procédurales contribuent à préciser le comportement requis de l’État et des entreprises exerçant des activités dangereuses sous sa juridiction.

L’essor des normes procédurales reflète le phénomène croissant de

« procéduralisation » de la prévention en la matière.363 Ce phénomène se traduit par l’obligation qui est faite aux destinataires de ces normes de se conformer à un certain nombre de procédures dans la conduite de leurs activités. Nous distinguerons les normes procédurales à la charge exclusive de l’État (section I) des normes procédurales requérant l’implication des acteurs non étatiques (section II).

Section I. Les normes à la charge exclusive de l’État

Les normes procédurales à la charge exclusive de l’État reflètent une nouvelle dimension de la diligence en tant que mesures à prendre par l’Etat dans la conduite des activités à risque. Cette dimension s’apprécie non plus au travers de l’effort fourni par les États dans leur ordre interne, mais par rapport à leur comportement vis-à-vis des États riverains dans l’ordre international.364 Nous distinguerons entre les normes procédurales d’ordre général (I) et les normes procédurales spécifiques aux mesures projetées (II).

I. Les normes procédurales d’ordre général

Les normes procédurales d’ordre général se déclinent en obligation d’échange d’informations (A) et en obligation de notification en cas d’urgence (B).

A. L’échange de données et d’informations

L’échange de données et d’informations sur une base régulière est un préalable à l’application efficace des principes régissant l’utilisation des cours

363 Voir notamment, O. McIntyre, « The Proceduralisation and Growing Maturity of International Water Law: Case Concerning Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), International Court of Justice, 20 April 2010 », Journal of Environmental Law, vol. 22, 2010, pp. 475-497.

364 Sur ce point, Thiago Jardim Oliveira suggère une distinction entre le concept de « diligence due de la coexistence » et celui de « diligence due de la coopération ». À travers cette distinction, l’auteur appréhende notamment l’expansion du champ de la diligence due en matière de protection de l’environnement. Voir T. B. Jardim Oliveira, « La diligence due dans la prévention des dommages à l’environnement », op. cit., pp. 205- 242.

d’eau à des fins autres que la navigation.365 En tant qu’obligation, sa fonction de prévention de la pollution résulte du fait que les États peuvent, par le biais d’échanges, obtenir des informations leur permettant de comprendre la nature, l’étendue et les effets dommageables d’éventuelles pollutions transfrontières.

La bonne connaissance de l’état de la ressource permet aux États d’adopter des mesures pour prévenir l’aggravation d’une pollution naissante. Ce faisant, le défaut de transmission desdites informations peut être invoqué pour démontrer la mauvaise foi de l’État dans la prévention de la pollution des ressources en eau transfrontières.

L’obligation d’échange de données et d’informations sur une base régulière fait l’objet d’une pratique abondante.366 Elle est consacrée par l’article 9 § 1 de la Convention de New York dans les termes suivants :

« Les États du cours d’eau échangent régulièrement les données et les informations aisément disponibles sur l’état du cours d’eau, en particulier celles d’ordre hydrologique, météorologique, hydrogéologique, écologique et concernant la qualité de l’eau, ainsi que les prévisions s’y rapportant ».

L’article 9 § 2 dispose par ailleurs que, dans le cas où un « État du cours d’eau demande à un autre État du cours d’eau de fournir des données ou des informations qui ne sont pas aisément disponibles, cet État s’emploie au mieux de ses moyens à accéder à cette demande, mais il peut subordonner son acquiescement au paiement, par l’État auteur de la demande ».367 Cette obligation est renforcée par l’article 11 qui fait obligation aux États d’échanger des renseignements au sujet d’éventuels effets de mesures projetées sur l’état d’un cours d’eau international. Notons qu’un seuil d’effets imputables à l’activité en cause n’est pas requis pour enclencher la mise en œuvre de l’obligation. Il n’est fait mention que d’« effet éventuel ».368

365 Pour une vue d’ensemble de l’obligation voir, S.C.McCaffrey, « Troisième rapport sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation », op. cit., pp. 42-46 ;« Quatrième rapport sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation », op. cit., pp. 210-219.

366 Voir par exemple, l’art. 9, Convention de New York (1997) ; art. 4 § 1 (a), Protocole révisé de la SADC concernant les ressources en eau partagées (2000) ; art. 13, Convention d’Helsinki (1992) ; pour une vue d’ensemble voir notamment, S.C.McCaffrey, « Quatrième rapport sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation », op.cit., pp. 214-215.

367 Art. 9 § 2, Convention de New York (1997).

368 Voir sur ce point, M. M. Farrajota,« Notification and Consultation in the Law Applicable to International Watercourses », in L. Boisson de Chazournes et S.M.A.Salman(dir.), Les ressources en eau et le droit international, Martinus Nijhoff Publishers, Leiden/Boston, 2005, p. 294.

La Convention d’Helsinki apporte également des précisions sur le contenu de l’obligation. Ainsi aux termes de l’article 13 § 1 les Parties contractantes procèdent à l’échange de données sur les éléments suivants :

« a) État environnemental des eaux transfrontières ;

b) Expérience acquise dans l'application et l'exploitation de la meilleure technologie disponible et résultats des travaux de recherche-développement ;

c) Données relatives aux émissions et données de surveillance ; d) Mesures prises et prévues pour prévenir, maîtriser et réduire l'impact transfrontière ;

e) Autorisations ou dispositions réglementaires émanant de l'autorité compétente ou de l'organe approprié et concernant les rejets d'eaux usées ».

L’alinéa 3 fait également obligation aux États de faire preuve de la diligence nécessaire en cas de demande de renseignements spécifiques au besoin, en exigeant des frais de collecte et de traitement de ces informations.

Des dispositions similaires sont reprises dans les instruments conventionnels portant sur certains cours d’eau.369

L’échange de données et d’informations sur une base régulière peut se faire soit directement entre les États, soit être confié à un organisme mixte. La Commission mixte internationale entre le Canada et les États-Unis illustre cette dernière possibilité. L’article VII § 1 confie à la Commission la tâche de collecter, analyser et diffuser les données et renseignements relatifs à la qualité des eaux du bassin des Grands Lacs. À cet égard, elle « peut exiger » que les États lui transmettent ces données.370 En plus d’assurer la mise en œuvre effective de l’obligation d’échange de données et d’informations, l’existence d’un organe tiers facilite l’appréciation d’un manquement à cette obligation. Il est ainsi plus aisé d’établir le non-respect de la diligence requise d’un État qui refuse de transmettre à la Commission les données pertinentes relatives à sa portion du cours d’eau partagé.

369 Art. 4, Convention sur la protection du lac de Constance contre la pollution (1960) ; art. 8, Accord du 24 avril 1964 relatif aux eaux frontières (Finlande, U.R.S.S.) ; art. VII § 1, art. IX, Accord relatif à la qualité de l’eau dans les Grands Lacs (1978) ; art. 12, Convention sur la protection du Danube (1994) ; art. 7, Charte des eaux du fleuve Sénégal (2002) ; art. 19, Charte des eaux du bassin du Niger (2008).

370 Art. IX § 1, Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs (1978).

B. L’information en cas d’urgence

Largement consacrée en pratique,371 l’obligation d’information en cas d’urgence met à la charge de l’État sur le territoire duquel survient une situation d’urgence l’obligation d’alerter les autres États riverains le plus rapidement possible. Par situation d’urgence, il faut entendre, selon l’article 28

§ 1 de la Convention de New York,

« des situations qui causent, ou menacent de façon imminente de causer, un dommage grave aux États du cours d’eau ou à d’autres États et qui sont provoqués par des causes naturelles, telles que les inondations, la débâcle, les éboulements ou les tremblements de terre, ou par des activités humaines, en cas, par exemple, d’accident industriel ».

À la différence de l’obligation de notification applicable lorsque des activités projetées sont susceptibles de causer des dommages aux riverains et qui vise à les informer, l’obligation d’information, vise ici en dehors de toute activité, « à gérer une situation de crise environnementale qui s’est déjà produite ou qui risque de se produire et qui menace de façon imminente d’affecter d’autres États ».372 Il s’agit donc d’alerter d’urgence les États du cours d’eau afin qu’ils puissent adopter les mesures nécessaires pour prévenir tout dommage significatif ou, tout au moins, en réduire ses effets.

Cette obligation naît donc immédiatement lorsque l’État prend connaissance de la situation d’urgence.373 La Convention de New York fait état d’une information transmise « sans retard » et par les « moyens les plus rapides ». La violation de l’obligation, et donc le manquement de diligence, est appréciée ici à l’aune du délai de transmission de l’information après la prise de connaissance de la situation d’urgence. Ainsi, à la suite de l’accident des Mines de Baia Mare en Roumanie le 30 janvier 2000, la transmission rapide de l’information par les autorités roumaines a permis d’adopter des actions

371 Art. 14, Accord du 9 décembre 1948 (URSS, Finlande) ; art. 19, Traité du 24 février 1950 (Hongrie, URSS) ; art. 19-23, Accord du 6 février 1952 (Pologne, RDA) ; art. 11, Convention du 9 avril 1956 (Autriche, Hongrie) ; art. 19, Accord du 30 novembre 1956 (Tchécoslovaquie, URSS) ; art. 8, Accord du 5 décembre 1956 (Albanie, Yougoslavie) ; art.17, Accord du 23 juin 1960 (Finlande, URSS) ; art. 21, Traité 15 février 1961 (Pologne, URSS) ; art. 20, Traité du 13 juin 1963 (Hongrie, Roumanie) ; art. 11, Convention du 3 décembre 1976 (Chlorures) ; art.14 et 15, Convention d’Helsinki (1992) ; art. 16 et 17, Convention sur la protection du Danube (1994) ; art. 10, Accord de coopération pour le développement durable du bassin du Mékong (1995) ; Art. 28, Convention de New York (1997) ; art. 5 § 4 (e), Convention relative à la protection du Rhin (1999) ; art. 4 § 5, Protocole révisé de la SADC concernant les ressources en eau partagées (2000).

372 A. Garané,« Notification et consultation en droit des cours d'eau internationaux », in L. Boisson de Chazournes et S.M.A.Salman(dir.), op. cit.,p. 276.

373 Voir commentaire article 28, Projet CDI de 1994, op. cit., p. 137, § 3.

préventives en Hongrie et Yougoslavie de manière à réduire les conséquences de la catastrophe.374

Certaines conventions donnent des indications pour enclencher l’obligation d’information en cas d’urgence. Par exemple, l’article 11 de la Convention relative à la protection du Rhin contre la pollution chimique prévoit deux hypothèses où un État doit donner l’alerte. Il s’agit d’abord du cas où l’État concerné « constate dans les eaux du Rhin, un accroissement soudain et notable des substances relevant des annexes I et II ». C’est aussi le cas lorsqu’il a « connaissance d’un accident dont les conséquences sont susceptibles de menacer gravement la qualité de l’eau ». Dans l’affaire des usines de Sandoz qui ont pollué le Rhin en 1986 à Bâle, Alexandre Kiss soulignait que la responsabilité des autorités suisses aurait pu être engagée, sur le fondement de la deuxième hypothèse prévue par l’article 11 de la Convention. En effet, selon l’auteur,

« même si l’on admet que la première hypothèse formulée par cette disposition pouvait ne pas être remplie dans les heures qui suivaient l’accident, (…) il était indiscutable que les autorités avaient connaissance d’un accident dont les conséquences sont susceptibles de menacer gravement la qualité de l’eau des eaux du Rhin, ne fût-ce que par le dégagement de fumées toxiques ».375

Pour éviter que des évènements similaires à ceux de 1986 ne se reproduisent, la Convention pour la protection du Rhin adoptée le 12 avril 1999 a augmenté le niveau d’alerte en adoptant comme facteur déclencheur de l’obligation d’information en cas d’urgence la « connaissance d’un simple incident ».376 Ce facteur déclencheur a le mérite de permettre aux États de prendre des dispositions très tôt afin d’éviter qu’une pollution mineure ne s’aggrave.

374 M. Marmorat, Local Momentum for Global Governance : The Management of Transboundary Pollution-The Baia Mare Cyanide Spill, Romania 2000, Health and Environment N°1, 2008, pp. 15-18.

375 A. C. Kiss,« “Tchernobâle” ou la pollution accidentelle du Rhin par des produits chimiques », op.

cit, p. 723.

376 L’article 5 de la Convention pour la protection du Rhin (1999) se lit de la manière suivante : « Afin d’atteindre les objectifs (…) les parties contractantes s’engagent : 6) à avertir sans retard, en cas d’incidents ou accidents dont les effets pourraient présenter un risque pour la qualité des eaux du Rhin ou en cas de crues imminentes (…) ».

II. Les normes procédurales spécifiques en cas de mesures projetées

Comme normes procédurales spécifiques en cas de mesures projetées, il existe une obligation de notification, d’une part (A), et une obligation de consultation et de négociation, d’autre part (B)

A. La notification en cas de mesures projetées

L’obligation de notification en cas de mesures projetées est reconnue à ce jour comme un principe de droit international coutumier.377 En vertu de cette obligation, les États sont tenus d’informer suffisamment tôt les États susceptibles d’être affectés par les activités dangereuses qu’ils projettent de mettre en œuvre. L’obligation contribue de ce fait à prévenir le dommage de pollution transfrontière en permettant aux États de se concerter afin d’adopter les mesures adéquates. La Cour internationale de Justice a mis en évidence cet aspect dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentina v. Uruguay), en soulignant que l’obligation crée

« les conditions d’une coopération fructueuse entre les parties leur permettant, sur la base d’une information aussi complète que possible, d’évaluer l’impact du projet sur le fleuve et, s’il y a lieu, de négocier les aménagements nécessaires pour prévenir les préjudices éventuels qu’il pourrait causer ».378

Cependant, la mise en œuvre de l’obligation de notification peut soulever certaines difficultés en pratique. La première difficulté a trait à la détermination du facteur déclencheur de la notification. La Convention de New York et le Projet d’articles sur le droit des aquifères transfrontières proposent, comme éléments déclencheurs de l’obligation de notification, l’existence d’une activité projetée susceptible d’avoir des effets négatifs

377 Parmi les instruments notables traitant de l’obligation de notification, nous pouvons citer le Traité de 1960 sur les eaux de l’Indus (art. 7 (2)) ; l’Accord de 1964 entre la Pologne et l’URSS concernant l’utilisation des eaux frontières (art. 6) ; l’Accord de 1964 relatif à la Commission du fleuve Niger et à la navigation et aux transports sur le fleuve Niger (art. 12) ; le Statut du fleuve Uruguay de 1975 (art. 7) ; la Convention de 1994 sur la protection du Danube (art. 11) ; la Charte des eaux du fleuve Sénégal de 2002 (art. 10) ; la Charte de l’eau du fleuve Niger de 2008 (art. 20), etc. Pour une vue d’ensemble de la pratique, voir le commentaire de l’article 12, Projet CDI de 1994, op. cit., p. 94 et s. ; S. C. McCaffrey, « Troisième rapport sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau internationaux à des fins autres que la navigation », op cit., pp. 29-39 ; D. R Munro et J. G. Lammers, Environnmental Protection and Sustainable Development : Legal Principles and Recommandations, Martinus Nijhoff, Dordrecht, 1987, p. 99.

378 Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 58, § 113.

significatifs.379 L’existence de l’obligation dépend donc tant de l’activité projetée que du seuil de gravité du dommage.

S’agissant des activités qui déclenchent l’obligation de notification, les instruments conventionnels ne fournissent en général pas de liste exhaustive desdites activités. Dans ses commentaires sur le Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant des activités dangereuses, la CDI a justifié l’absence d’une liste déterminée d’activités potentiellement dangereuses par la rapidité de l’évolution technologique et la spécificité de certaines activités.380 Toutefois, la Convention d’Espoo sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière apporte des éléments pertinents. S’il est notable que la Convention ne concerne pas spécifiquement les cas de pollution des ressources en eau transfrontières, elle contient des dispositions générales applicables à toutes les activités susceptibles de causer des dommages transfrontières, y compris celles susceptibles de causer des dommages de pollution à ces eaux. La Convention d’Espoo énumère en son appendice I une liste d’activités qui requiert la notification préalable de l’État qui les projette. Cette liste inclut entre autres activités, les centrales thermiques, les installations destinées uniquement à la production ou à l'enrichissement de combustibles nucléaires, les grandes installations pour l'élaboration primaire de la fonte et de l'acier et pour la production de métaux non ferreux, les installations chimiques intégrées, les installations pour la fabrication de papier et de pâte à papier, l’exploitation minière à grande échelle, l’extraction et le traitement sur place de minerais métalliques ou de charbon. La Convention prend soin toutefois de préciser que

« les Parties concernées engagent, à l'initiative de l'une quelconque d'entre elles, des discussions sur le point de savoir si une ou plusieurs activités proposées qui ne sont pas inscrites sur la liste figurant à l'Appendice I sont susceptibles d'avoir un impact transfrontière préjudiciable important et doivent donc être traitées comme si elles étaient inscrites sur cette liste ».381

Concernant le seuil de gravité du dommage, il est intéressant de noter que l’expression « effet négatif significatif » retenue par la CDI renvoie à un degré de gravité inférieur à celui du terme « dommage significatif ». En effet, selon le commentaire de l’article 12,

379 Ce critère a été repris dans la pratique conventionnelle. Voir par exemple, l’art. 24 de la Charte des eaux du fleuve Sénégal (2002) ; art. 20, Charte de l’eau du bassin du Niger (2008) ; art. 52, Charte de l’eau du bassin du Lac Tchad (2012).

380 Commentaire de l’article 1er, « Projet d’articles sur la prévention des dommages transfrontières résultant d’activités dangereuses et commentaires y relatifs… », op. cit., p. 161, § 4.

381 Art. 2 § 5, Convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, Espoo, 25 février 1991, RTNU, vol. 1989, p. 309.

« [Un] “effet négatif significatif” peut donc ne pas atteindre le niveau du “dommage significatif” au sens de l'article 7. Le “dommage significatif” ne correspond pas au critère voulu pour déclencher les procédures prévues aux articles 12 à 19 (…) ».382

La CDI définit l’« effet négatif significatif » en référence au seuil de gravité de l’« effet sensible » employé par les Principes de conduite dans le domaine de l'environnement pour l'orientation des États en matière de conservation et d'utilisation harmonieuse des ressources naturelles partagées par deux ou plusieurs États.383 En effet, ces principes définissent l’« effet sensible » comme étant des « effets appréciables sur une ressource naturelle partagée à l’exclusion des effets de minimis ».384 Cette formulation du seuil de gravité du dommage possède plusieurs avantages. En effet, même si l’expression « effet sensible » demeure vague, elle a le mérite d’avantager l’État affecté qui peut ainsi exiger l’enclenchement de la procédure avant que ne soit atteint le seuil équivalent à un dommage significatif. En outre, en plaçant le seuil de gravité du dommage au niveau des « effets sensibles », l’approche choisie par les Principes ci-dessus mentionnés permet d’apprécier la diligence de l’État en dehors de tout dommage significatif, contrairement à celle, traditionnelle, qui subordonnait cette appréciation à la réalisation effective du dommage significatif censé être prévenu. En ce qui concerne l’appréciation de « l’effet négatif significatif », elle se fera probablement sur la même base que celle du

« dommage significatif », à savoir l’impact sur les biens et les personnes ainsi que sur le cours d’eau per se et son écosystème.

La deuxième difficulté que rencontre la mise en œuvre de l’obligation de notification a trait à l’initiative et au moment de la notification. L’initiative de la notification, elle, appartient en règle générale à l’État dans la juridiction de laquelle l’activité est planifiée. C’est à cet État qu’il revient d’informer les États concernés, même si le projet est initié par des entités privées. Du reste, l’Etat n’est pas libéré de son obligation, même si les entités privées informent les autorités compétentes du projet. La Cour internationale de Justice a mis en évidence cet aspect dans l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentina v. Uruguay). Pour rejeter l’argument de l’Uruguay selon lequel la CARU était informée des mesures projetées par le biais des entités privées, la Cour estima que :

« les informations sur les projets d’usines parvenues à la CARU de la part des entreprises concernées ou d’autres sources non

382 Voir commentaire à l’art. 12, Projet CDI 1994, op. cit., p. 117, § 2.

383 Nairobi, 19 mai 1978, Doc. PNUE/IG.12/2.

384 Définition, Principes de conduite dans le domaine de l'environnement pour l'orientation des États en matière de conservation et d'utilisation harmonieuse des ressources naturelles partagées par deux ou plusieurs États (1978).

gouvernementales ne peuvent tenir lieu de l’obligation d’informer (…) qui est à la charge de la partie qui projette de construire les ouvrages ».385

Pour éviter toutefois que l’initiative ne soit soumise à la seule appréciation de l’État qui est à l’origine de l’activité, la pratique reconnaît un droit

Pour éviter toutefois que l’initiative ne soit soumise à la seule appréciation de l’État qui est à l’origine de l’activité, la pratique reconnaît un droit