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1.3 Théorie des récepteurs

1.3.2 Les modèles mécanistiques

Le modèle opérationnel a été conçu pour faire des prédictions d'effet et simuler l'agonisme, mais il ne décrit pas spécifiquement le mécanisme d’action du médicament. D'autres modèles plus complexes ont été conçus pour ce faire. Pour les besoins de cette thèse, nous allons brièvement décrire ces modèles afin de montrer la progression qui a eu lieu avant d’arriver à la notion de sélectivité fonctionnelle définie plus bas. De plus amples informations sur tous ces modèles sont très bien décrites dans la récente revue de Kenakin [331].

1.3.2.1 Modèle à deux étapes

Il a été établi en utilisant comme élément de base l'équation de la liaison d'action de masse avec deux variantes importantes, en particulier l'incorporation de la liaison en deux étapes et l'introduction de deux états du récepteur [332]. Si le ligand (L) se lie au récepteur (R) et le fait changer à la forme (R*), le processus peut être décrit comme :

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LR : représente un complexe intermédiaire inactif LR* : représente le complexe actif

Le ligand induit alors un changement conformationnel sur le récepteur qui donne la réponse du système. Cela se fait en deux étapes : tout d’abord le ligand forme un complexe intermédiaire inactif avec le récepteur (LR), ensuite, plus la vitesse du changement de conformation du récepteur est grande, plus la quantité du complexe LR* sera grande et la réponse aussi. Un agoniste induit facilement la transformation conformationnelle du récepteur alors qu’un antagoniste en est incapable. Le modèle ne peut pas expliquer l’action des agonistes inverses, mais au moins, à l’époque, il a ouvert la nouvelle piste de changement conformationnel nécessaire pour la réponse.

1.3.2.2 Modèle à deux états

Ce modèle propose que le récepteur soit en équilibre entre une conformation active et une conformation inactive selon une constante d’équilibre. Un agoniste possède une plus grande affinité pour la conformation active alors que l’agoniste inverse préfère la forme inactive. L’antagoniste n’a pas de préférence et lie les deux états de manière équivalente. Ainsi, les agonistes favorisent un déplacement de l’équilibre vers l’état actif, les agonistes inverses vers l’état inactif et les antagonistes ne changent pas l’équilibre à l’état basal [333].

1.3.2.3 Modèle ternaire

Ce modèle, émis au début des années 80, était propre aux RCPG. Il a vu le jour suite à la découverte que les nucléotides de guanine pourraient affecter l'affinité des agonistes à travers des changements dans l'interaction entre les récepteurs et les protéines G. Cela suggère que la liaison se fait en deux étapes : liaison du ligand au récepteur et ensuite la complexation avec la protéine G [331]. Il existe alors un équilibre entre 4 états : un premier état constitué de l’agoniste, du récepteur inactif et de la protéine G dissociée (L+Ri+G), un deuxième état constitué d’un complexe agoniste-récepteur inactif dissocié de la protéine G (LRi+G), un troisième constitué du complexe agoniste-récepteur actif dissocié de la protéine G (LRa+G) et finalement, un quatrième état constitué d’un seul complexe agoniste-récepteur actif-protéine G (LRaG) (figure

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14). Ce modèle explique aussi l’activité constitutive du récepteur par engagement spontané de la protéine G par le récepteur.

Figure 14. Modèle ternaire

L : ligand, Ri : récepteur inactif, Ra : récepteur actif, G : protéine G

Le modèle ternaire fut par la suite modifié pour y intégrer la notion d’activité basale du récepteur, ce qui explique l’action des agonistes inverses. Deux autres états ont vu le jour : un état constitué de l’agoniste, du récepteur activé et de la protéine G dissociée (LRa) et un état constitué du complexe récepteur activé-protéine G (RaG) (figure 15). Ce nouveau modèle donne naissance au complexe ternaire étendu [331].

Figure 15. Modèle ternaire étendu

L : ligand, Ri : récepteur inactif, Ra : récepteur actif, G : protéine G

Ce modèle étendu ne permet pas d’obtenir les informations nécessaires pour comparer tous les types de ligands et c’est dans ce contexte que le complexe ternaire cubique a vu le jour,

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permettant d’expliquer la possibilité au récepteur de lier la protéine G en présence d’antagonistes, en cas d’absence du ligand, ou en présence d’agonistes inverses. Les deux nouveaux états sont alors composés d’un complexe récepteur inactif-protéine G (RiG) et d’un complexe agoniste-récepteur inactif-protéine G (LRiG) (figure 16) [331].

Figure 16. Modèle ternaire cubique

L : ligand, Ri : récepteur inactif, Ra : récepteur actif, G : protéine G

1.3.2.4 Modèle probabiliste

Les modèles déjà cités représentent l’avantage d’en tirer une formule mathématique permettant de quantifier l’effet des différents ligands. Cependant, ils reposent sur la théorie que les RCPG ne possèdent qu’une seule conformation active responsable de tous les effets qu’un récepteur puisse donner. Le développement de différentes méthodes permettant de mesurer l’activité de différentes voies de signalisation, dépendante ou indépendante de l’activation de la protéine G, a donné naissance à un modèle élaboré à partir du calcul de probabilité et basé sur

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la capacité de protéines d’adopter plusieurs conformations selon leur environnement [334]. En d’autres mots, le modèle probabiliste affirme que l’état du récepteur est représenté par une multitude de conformations différentes. La distribution de ces conformations est modifiée par la liaison d’un ligand, l’engagement de la protéine G et l’intervention des effecteurs. Un ligand stabilisant une distribution contenant des conformations plus actives ou plus de conformations actives par rapport à l’état basal est un agoniste pour la voie considérée. Un ligand stabilisant une distribution contenant des conformations moins actives ou en contenant moins sera un agoniste inverse. Un antagoniste ne change pas l’efficacité détectée sur une voie par rapport à l’efficacité basale. Ce modèle était fortement validé par de nombreuses études démontrant la présence de multiples conformations actives pour plusieurs RCPG [335-338] et a donné naissance durant la dernière décennie au nouveau concept pharmacologique de la sélectivité fonctionnelle des ligands [339].