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1.2 Signalisation des récepteurs opioïdes delta

1.2.3 Les effecteurs du récepteur opioïde delta

1.2.3.3 Les canaux ioniques

1.2.3.3.1 Les canaux potassiques à rectification entrante de la famille Kir3

Les canaux Kir3 constituent un sous-ensemble spécifique des canaux ioniques sélectifs au potassium (K+). Ils sont activés via une cascade de transduction du signal par les RCPG stimulés par un ligand. Cette activation se fait par la protéine Gβγ qui se lie aux extrémités N et C-terminales du canal ce qui entraine leur ouverture et l’entrée de K+ induisant l’hyperpolarisation de la membrane cellulaire. Ces mécanismes de transduction sont utilisés par différents récepteurs, y compris les récepteurs de la somatostatine et de la 5-hydroxytryptamine- 1, le récepteur β2AR, le MOPr, le DOPr, les récepteurs dopaminergiques D2, les récepteurs glutaminergiques et gabaergiques dans les neurones et les cellules sécrétant des hormones ainsi que dans les cellules musculaires lisses. Ils jouent un rôle clé dans la maintenance du potentiel membranaire de repos et dans la régulation de la durée du potentiel d'action dans des cellules électriquement excitables telles que les cellules musculaires cardiaques [179].

Les techniques de clonage moléculaire ont identifié quatre sous-unités du canal chez les mammifères (Kir3.1, Kir3.2, Kir3.3 et Kir3.4). Diverses combinaisons (monomériques ou hétéromériques) de sous-unités forment différents canaux Kir3. Leurs activités et fonctions sont précisément réglées par leur localisation, leurs interactions protéine-protéine et une variété de petites substances. Les canaux fonctionnels sont des assemblages tétramériques de sous-unités de la famille Kir3. Le seul homotétramère fonctionnel est celui formé par 4 sous-unités Kir3.2.

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Kir3.2 peut également former un canal hétérotétramérique avec les 3 autres sous-unités [179]. L’hétérotétramère le plus abondant au niveau du cerveau est celui formé par Kir3.1/Kir3.2 [180]. De point de vue structure, les canaux Kir3 possèdent un motif commun formé par deux domaines transmembranaires (TM1 et TM2) liés par une région extracellulaire (H5) formant le pore de sélectivité ionique et deux domaines amino (N) et carboxy (C)-terminaux (figure 8). La structure cristallographique aux rayons X démontre que les extrémités N et C-terminales sont cytoplasmiques et associées les unes avec les autres pour former un domaine cytoplasmique qui est lié au domaine transmembranaire. Le domaine transmembranaire est principalement responsable de la perméabilité ionique alors que le domaine cytoplasmique est censé agir comme un régulateur d’activation.

36 Figure 8. Structure d’une sous unité du canal Kir.

L'architecture moléculaire d’une sous unité du canal Kir démontre qu’elle est divisée en domaines transmembranaires et cytoplasmiques (domaines N et C terminaux) (image modifiée de [179]).

L’ouverture des canaux par Gβγ qui se lie au domaine cytoplasmique induit un changement de conformation qui est transmis à la région inférieure du domaine TM2 résultant en l’ouverture du canal [181]. Outre leur activation par la protéine Gβγ, les canaux Kir3 sont soumis à une régulation médiée par les protéines RGS, le phosphatidylinositol 4,5-bisphosphate, l’ion sodium Na+ et les phénomènes d’acidification et d’oxydoréduction [179].

La capacité des DOPrs à activer les Kir3 a été démontrée in vitro [182] ainsi qu’in vivo [183]. Aussi, le rôle des canaux Kir3 dans l'analgésie opioïde a été clairement établi en utilisant des souris invalidées génétiquement pour différentes sous-unités du canal [184,185]. De plus, la

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contribution de Kir3 à la réponse clinique des analgésiques opioïdes a été confirmée par des études d'association montrant que les variations génétiques des différentes sous-unités Kir3 influencent les doses d'opioïdes pour la gestion de la douleur [186,187]. Pour les DOPrs en particulier, la contribution de Kir3 à l’analgésie périphérique [188] et spinale [184] a été clairement documentée dans les modèles précliniques. De plus, l'analyse par immunohistochimie a révélé que les sous-unités Kir3.1 et Kir3.2 étaient présentes dans les afférences non peptidiques [188] qui expriment également le DOPr [52]. La distribution postsynaptique des sous-unités Kir3.1/3.2 dans la lamina II de la corne dorsale de la moelle épinière [184] est similaire à l'expression du DOPr, telle que visualisée par autoradiographie [189] et dans les souris exprimant le DOPr-GFP [64]. Conformément à cette distribution, l'analgésie par administration intrathécale de la deltorphine II (un agoniste du DOPr) a été réduite chez les souris traitées à la tertiapine Q (bloqueur du Kir3) et chez les souris dépourvues des sous-unités Kir3.1 ou Kir3.2 [184]. Les DOPrs modulent également les Kir3 dans les sites de régulation nociceptive supraspinale [190].

1.2.3.3.2 Les canaux calciques voltage-dépendants

Les Cav sont des transducteurs clés des changements transitoires du potentiel membranaire qui déclenchent de nombreux événements physiologiques. Chez les mammifères, il existe 3 sous-familles des canaux Cav qui jouent des rôles distincts dans la transduction du signal cellulaire. La sous-famille Cav1 initie la contraction, la sécrétion, la régulation de l'expression génique, l'intégration de la stimulation synaptique dans les neurones et la transmission synaptique dans les cellules sensorielles spécialisées. La sous-famille Cav2 est principalement responsable de l'initiation de la transmission synaptique au niveau des synapses rapides. La sous-famille Cav3 est importante pour le déclenchement répétitif des potentiels d'action dans des cellules qui présentent une activité rythmique comme les cardiomyocytes et les neurones thalamiques [191]. Sur la base de propriétés électrophysiologiques, les Cav peuvent être subdivisés en deux classes : (1) les canaux à « bas seuil d’activation » (BSA) activés par de faibles dépolarisations membranaires et (2) les canaux à « haut seuil d’activation » (HSA) activés pour de plus fortes dépolarisations membranaires. La classe des canaux BSA regroupe exclusivement les canaux de type T alors que la classe des canaux HSA comprend les canaux

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de type L, P/Q, N, et R [192]. Les Cav1 (1.1-1.4) représentent les canaux de type L, les Cav2 (2.1-2.3) sont composées des types N, P/Q et R tandis que les Cav3 (3.1-3.3) sont composées des canaux de type T. Chacun de ces canaux présente des propriétés biophysiques et pharmacologiques propres. Au niveau structural, les Cav se composent d’une sous-unité principale α1 déterminant le sous-type du canal calcique, responsable ses propriétés fonctionnelles et centrée autour de sous-unités auxiliaires β, γ et α2δ dont les principales fonctions sont de moduler l’expression membranaire de la sous-unité α1, son comportement biophysique ainsi que ses propriétés pharmacologiques. La sous-unité principale α1 forme le pore ionique. Elle se compose de quatre domaines (domaines I à IV) constitués chacun par six segments transmembranaires (S1 à S6). Ces quatre domaines sont reliés entre eux par des boucles cytoplasmiques permettant l’interaction avec les protéines régulatrices et la modulation des seconds messagers (figure 9). Les canaux HSA sont des protéines hétéromultimériques tandis que les BSA sont composés uniquement de la sous unité α1 [193]. L’emphase sera mise sur la famille de Cav2, car c’est la seule famille modulée par la protéine G et constitue un des effecteurs de notre récepteur d’étude : le DOPr.

D’un point de vue régulatoire, les canaux Cav2 sont typiquement soumis à une modulation par l’intermédiaire du dimère Gßγ qui inhibe la sous unité α1 du canal Cav2α1 [194]. Cette liaison augmente le seuil d’activation du canal le rendant moins sensible aux changements du potentiel membranaire [195]. Le dimère Gßγ n’affecte pas de la même façon l’activité du canal. Alors que Gβ inhibe le canal, Gγ semble plus être impliquée dans la localisation du dimère à proximité du canal. En effet, les Gβ1 et Gβ2 sont les sous-unités qui inhibent le plus les canaux calciques [195] tandis que la Gγ2 semble la plus efficace pour localiser le dimère près du canal [196]. La liaison de la protéine Gβγ au canal se fait au niveau des régions N et C terminales cytoplasmiques de la sous unité α1 [197]. D’autres études ont démontré que la boucle connectant les domaines I et II de cette sous-unité y est aussi impliquée. Cette région détient la séquence QXXER retrouvée aussi au niveau des AC et des Kir [198] et constitue également la cible d’autres régulateurs des canaux Cav2 comme la PKC qui phosphoryle ce site induisant l’ouverture du pore [199].

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Figure 9. Structure des sous-unités du canal calcique [191].

Les hélices α sont représentées comme des cylindres, la longueur des lignes correspond approximativement à la longueur des segments polypeptidiques représentés et la ligne en zigzag sur la sous-unité δ illustre son ancrage glycophosphatidylinositol.

L'activation du DOPr exprimé de façon endogène dans le carcinome pulmonaire à petites cellules [200] et les lignées cellulaires NG108-15 [201] inhibe les HSA d'une manière indépendante de l'AMPc, mais sensible à la PTX, et l'effet a été progressivement atténué à des potentiels membranaires de plus en plus élevés [201,200]. Dans les neurones sensoriels des DRG, l'inhibition la plus importante par les agonistes du DOPr était sur les canaux de type N (Cav2.2) ainsi que les canaux de type P/Q (Cav2.1) [47].