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1.3 Théorie des récepteurs

1.3.1 Les modèles analytiques

Appelée aussi le modèle de Clark-Gaddum-Stephenson, la théorie de l’occupation a été émise au début du XXème siècle. Selon cette théorie, l’effet pharmacologique serait proportionnel au pourcentage de récepteurs occupés et l’effet maximal serait obtenu pour 100 % de récepteurs occupés. En effet, Clark et Gaddum, s’inspirant du modèle de Langmuir décrivant la loi d’action de masse, émirent les hypothèses que la vitesse d’association d’un ligand sur un tissu est proportionnelle à la quantité de ligands en solution ainsi qu’à la quantité de récepteurs libres et que la vitesse de dissociation d’un ligand de son récepteur ne dépend que de la quantité du complexe ligand/récepteur. À l’équilibre, quand les deux vitesses sont égales, le rapport des constantes de dissociation sur association, aussi appelé affinité à l’équilibre, est égal à la concentration du ligand lorsque la moitié des sites sont occupés. Dans son étude initiale, Clark proposa de substituer la fraction du récepteur liée par la fraction de la réponse maximale d’un tissu suite au traitement par un ligand et c’est comme ça que l’effet de la drogue est directement proportionnel à la quantité de drogue liée au récepteur [322]. Stephenson a montré que cette théorie n’est pas exacte puisque l’effet maximal peut être obtenu sans que tous les récepteurs disponibles soient occupés. En général, l’occupation d’une faible proportion de récepteurs suffit pour obtenir l’effet maximum. Les récepteurs non impliqués dans l’effet pharmacologique sont dits récepteurs de réserve [323]. La réponse n’est pas alors linéairement proportionnelle au nombre de récepteurs occupés. Stephenson a aussi démontré que différents ligands peuvent donner des réponses maximales distinctes d’où la naissance de la notion de

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l’efficacité du ligand. Ainsi on peut avoir des ligands qui démontrent une réponse partielle appelés agonistes partiels. Les ligands sans efficacité sont appelés les antagonistes. La théorie de l’occupation fut par la suite optimisée par d’autres groupes en incluant notamment une fonction décrivant la capacité du système à signaliser et une constante d’efficacité intrinsèque du ligand [324]. Le modèle se formule alors comme suit :

𝐸

𝐸𝑚𝑎𝑥 = 𝑓 [

[𝐿] × 𝜀[𝑅𝑡] [𝐿] + 𝐾𝑑 ] Où :

𝐸 : Efficacité d’un ligand à activer un effet dans un système, 𝐸𝑚𝑎𝑥 : Efficacité maximale,

𝑓 : Fonction qui décrit l’efficacité du couplage entre le stimulus et le système pour produire l’effet,

𝜀 : Efficacité intrinsèque d’un agoniste pour activer une voie de signalisation, [𝐿] : Concentration du ligand libre,

[𝑅𝑡] : Concentration totale du récepteur,

𝐾𝑑 : Constante de dissociation du ligand pour le récepteur.

Dans ce modèle, 𝜀 et 𝐾𝑑 sont des propriétés du ligand. Les paramètres 𝑓 et [𝑅𝑡] sont dépendants du système biologique étudié et doivent être déterminés pour pouvoir comparer l’effet des ligands dans différents systèmes biologiques.

1.3.1.2 Modèle opérationnel

Le modèle opérationnel, proposé par Black et Leff en 1983, représente une alternative au modèle de l’occupation [325]. Ces auteurs assument que l’effet de l’agoniste en fonction de la concentration se traduit toujours par une fonction hyperbolique. Grâce à cette fonction, la facilité de couplage du complexe ligand/récepteur (LR) à une voie de signalisation donnée se traduit par une constante de dissociation (Ke) définissant la transduction du complexe agoniste- récepteur en effet pharmacologique.

𝐸 𝐸𝑚𝑎𝑥 = [

[𝐿𝑅] [𝐿𝑅] + 𝐾𝑒] Où :

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𝐸 : Efficacité d’activation d’une voie de signalisation donnée, 𝐸𝑚𝑎𝑥 : Efficacité maximale,

[𝐿𝑅] : Concentration du complexe ligand/récepteur,

𝐾𝑒 : Constante de couplage du complexe LR à une voie de signalisation donnée.

La version utile de l’équation du modèle opérationnel est obtenue en substituant l’équation avec la loi d’action de masse optimisée, afin de pouvoir visualiser les paramètres expérimentaux :

𝐸 = [𝐿] × [𝑅𝑡] × 𝐸𝑚𝑎𝑥

[𝐿]([𝑅𝑡] + 𝐾𝑒)(𝐾𝑑 × 𝐾𝑒)

Afin de simplifier cette équation, les auteurs ont défini un paramètre pour l’efficacité par τ qui représente la capacité intrinsèque de la molécule à induire une réponse et aussi l’efficience du système à transformer la stimulation en une réponse cellulaire. Plus la valeur de τ est élevée, plus le complexe LR peut activer une voie de signalisation dans un système donné. Aussi, bien que cette valeur varie d’un système à l’autre pour un agoniste, les valeurs relatives entre les agonistes restent constantes, ce qui représente un grand avantage par rapport au modèle de l’occupation, car ça permet de comparer l’efficacité relative des agonistes.

τ =

[𝑅𝑡]𝐾𝑒 L’équation du modèle opérationnel devient alors :

Réponse = [𝐿]×τ×𝐸𝑚𝑎𝑥

{[𝐿]×(1+τ)×𝐾𝐴}

Où :

KA : affinité fonctionnelle du ligand

L’affinité fonctionnelle KA est dérivée des données fonctionnelles et non celles obtenues des expériences de liaison. C’est un paramètre qui représente la capacité du ligand à interagir avec le ou les états du récepteur qui donnent la réponse d'intérêt [326,327].

Le modèle opérationnel utilise la cellule comme une enzyme virtuelle, où le complexe LR fonctionne comme substrat et la réponse tissulaire fonctionne comme le produit. La réponse peut alors être modelée par l’équation de Michaelis-Menten :

Réponse = [𝐿𝑅]×𝐸𝑚𝑎𝑥

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Black et Leff ont également produit une version du modèle qui tient en compte de la pente de la courbe dose/réponse (la pente représente l'efficacité du système pour traduire l'occupation des récepteurs en une réponse). Si cette pente n est différente de l’unité, l’équation devient alors :

Réponse = [𝐿𝑅] 𝑛×𝐸

𝑚𝑎𝑥

[𝐿]𝑛+𝐾𝑒𝑛

La quantité de récepteurs activés est une fraction du nombre total des récepteurs et cette fraction est définie par le rapport [𝐿𝑅]𝑛

[𝑅𝑡]𝑛

.

La substitution de ces éléments dans l’équation du modèle opérationnel donne [324]:

Réponse = [𝐿]𝑛×τ𝑛×𝐸𝑚𝑎𝑥

[𝐿]𝑛×τ𝑛+([𝐿]+𝐾𝐴)𝑛

Cette méthode de mesure dépend alors simultanément du paramètre de position de la courbe (KA) et de la réponse maximale. Ainsi, en prenant les paramètres τ et KA comme indicateurs de réponse aux drogues, le biais de ligands peut être déterminé par des efficacités relatives (τ) distinctes sur différentes voies, ainsi que par leur affinité différentielle pour le ou les récepteurs donnant la réponse d'intérêt (KA). Définissons ce que c’est le biais.

C’est un terme qui décrit un type spécifique d’événements de signalisation dans lequel différents ligands agissant sur le même récepteur peuvent donner différentes réponses en engageant différents partenaires de signalisation (pour plus de détails, voir section 1.4) [328]. Kenakin et Christopoulos [326] proposent que toutes les possibilités de signalisation soient envisagées en calculant un coefficient de transduction consolidé (log (τ/KA)), qui décrit l'efficience avec laquelle un ligand évoque un effet particulier. Cette valeur numérique unique peut être utilisée pour comparer les ligands entre eux dans différentes réponses afin de déterminer s’ils présentent un biais et si oui, de quantifier son ampleur [326]. Cependant, il est important de noter qu'avec l'estimation de l'efficacité du ligand, les valeurs de τ intègrent également des variables dépendantes du système [325]. Comme l’efficacité peut varier entre différentes réponses, ces variations doivent être prises en compte lors de l'estimation de l'amplitude du biais en utilisant des coefficients de transduction. Pour ce faire, les ratios des ligands d’essai log (τ/KA) sont normalisés par rapport à l’efficience d’un standard choisi, ce qui donne des coefficients de transduction normalisés ou des valeurs Δlog (τ/KA). Puisque le standard et les ligands sont affectés de la même manière par les mêmes facteurs de confusion

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du système, les réponses normalisées annulent le biais du système. Δlog (τ/KA) est calculé en soustrayant le coefficient de transduction du standard de celui du ligand d'essai. Les coefficients de transduction normalisés peuvent être utilisés pour comparer statistiquement les efficiences de signalisation des ligands dans différentes voies, et pour déterminer à quel point un ligand peut être plus efficace (ou moins efficace) pour induire une réponse dans une voie par rapport à d’autres. Cette comparaison est établie en soustrayant les coefficients de transduction normalisés pour chaque voie (ΔΔlog (τ/KA)) afin d’établir le facteur de biais (10ΔΔlog (τ/KA)) [329]. Puisque les facteurs de biais résultent de comparaison des coefficients de transduction normalisés à un standard commun, le biais est toujours exprimé par rapport à cette norme et varie avec.

Pour conclure, cette méthode présente alors le grand avantage d’évaluer simultanément les paramètres de position et les réponses maximales et de quantifier le biais de façon indépendante des facteurs de confusion du système et de l’expérience [330]. C’est pour ces raisons que dans notre étude, nous avons utilisé le modèle opérationnel afin de quantifier de façon optimale le biais pour les agonistes du DOPr.