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Chapitre II: Le macrophage

I- Les macrophages pulmonaires

1- Le macrophage alvéolaire (MA)

Les MA représentent une grande fraction des cellules de la lumière alvéolaire. Ils sont en

contact avec les CEA et sont directement exposés aux polluants environnementaux (Joshi et

al., 2018). Elles sont dotées d’une grande taille, d’une forte granulosité et de capacité

phagocytaire. Ainsi, le MA est très caractéristique et facilement identifiable (Fathi et al.,

2001). Au niveau phénotypique, le MA de souris est caractérisé par l’expression de MerkTK

(Mer proto-oncogène Tyrosine Kinase), CD64, CD68, CD206 et F4/80. De plus, ces

macrophages expriment fortement l’intégrine CD11c et la Siglec F (Sialic acide-binding lectin)

mais n’expriment ni CX3CR1 ni CCR2 (Gibbings et al., 2015, 2017). Chez les humains sans

pathologie respiratoire inflammatoire, le MA est identifié par l’expression de CD11c,

HLA-DR, CD68, CD206 et CD169 (siglec1, Sialoadhesin) (Byrne et al., 2016).

1.1- Ontogénie du macrophage alvéolaire

Historiquement, Van Furth et coll ont suggéré que tous les macrophages tissulaires sont

issus du monocyte circulant (van Furth and Cohn, 1968). Cette théorie a été réfutée suite à des

études récentes qui montrent que les macrophages tissulaires résidents ont une origine

embryonnaire. En effet, les MA sont issus de précurseurs embryonnaires du sac vitellin « yalk

sac » ou des monocytes du foie fœtal (Guilliams et al., 2013). Contrairement aux autres

macrophages qui occupent l’organe durant la phase prénatale, les précurseurs embryonnaires

du MA occuperaient la niche alvéolaire immédiatement après la naissance (Guilliams et al.,

2013). La migration trans-épithéliale et l’implantation de ces précurseurs au niveau alvéolaire

est dépendante de l’expression de la L-plastin (Todd et al., 2016). Cependant, leur

différenciation en MA est assurée par le facteur de croissance GM-CSF (Granulocyte

Macrophage Stimulating Factor), qui est principalement sécrété par les CEAII (Schneider et

al., 2014). In vivo, les souris déficientes en GM-CSF ne produisent pas de MA même si les

monocytes sont bien présents au niveau du tissus pulmonaire. Ceci démontre que le GM-CSF

est primordial pour la différenciation du monocyte résident en MA et pour sa maturation chez

la souris saine (Guilliams et al., 2013). Une fois différenciée, cette population de MA est

dotée d’une durée de vie longue. Leur maintien serait assuré par un auto-renouvèlement in

situ résultant de leur prolifération, avec une contribution minimale du monocyte circulant

chez le sujet sain (Guilliams et al., 2013; Hashimoto et al., 2013).

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1.2- Fonctions générales du macrophage alvéolaire chez le sujet sain

Une des fonctions clef du MA est d’assurer l’homéostasie du surfactant, une lipoprotéine

qui réduit la tension superficielle air-liquide afin d’éviter tout collapsus alvéolaire. Le

surfactant contribue aussi aux défenses immunitaires lors des infections microbiennes. Ces

différents constituants assurent notamment l’opsonisation des agents microbiens et

l’inhibition de l’entrée virale dans la cellule hôte. Ainsi l’homéostasie du surfactant est

essentielle pour la fonction et l’immunité pulmonaire. La synthèse du surfactant est assurée

par les CEAII et sa dégradation est contrôlée par le MA et les CEAII après sa recapture (Garbi

and Lambrecht, 2017). Le catabolisme du surfactant par le MA est dépendant du GM-CSF.

Les patients ayant des mutations du récepteur au GM-CSF (GM-CSFR) présentent une

réduction du nombre de MA matures, des concentrations élevées de surfactant à l’origine

d’une protéinose alvéolaire et sont plus susceptibles de développer des infections pulmonaires.

L’expression du peroxisome proliferator activated receptor-gamma (PPARγ), induite par le

GM-CSF, est essentielle pour le bon développement des MA et pour le catabolisme du

surfactant (Garbi and Lambrecht, 2017). Chez le sujet sain, en l’absence de processus

inflammatoire, le MA présente une activité de phagocytose beaucoup plus faible que les

autres cellules de l’immunité innée. Dans cette situation, le MA est immuno-réprimé et

présente une tolérance immunitaire contrôlée notamment par le récepteur Signal Regulatory

Protein alpha (SIRPα) (Garbi and Lambrecht, 2017). Une fois activé par ses ligands CD47,

SP-A (Surfactant Protein A) et SP-D (Surfactant Protein D), le récepteur SIRPα inhibe la

sécrétion des cytokines pro-inflammatoires et l’activation de la phagocytose par les MA

(Garbi and Lambrecht, 2017).

2- Le macrophage interstitiel (MI)

Le MI représente une population peu abondante de macrophages pulmonaires. Ils sont

localisés au niveau de l’interstitium pulmonaire et sont en contact avec les CEA et les cellules

endothéliales vasculaires (Garbi and Lambrecht, 2017; Liegeois et al., 2018). Contrairement

au MA, les MI sont des cellules de petite taille. Leur morphologie est proche du monocyte

circulant (Fathi et al., 2001). Le MI est peu étudié du fait d’une accessibilité réduite, et son

ontogénie reste encore mal comprise. Néanmoins selon Scott et coll (2014), à la naissance, les

MI pourraient dériver de macrophages embryonnaires issus du sac vitellin « yalk sac » et de la

différenciation de monocytes circulants d’origine médullaire (Scott et al., 2014). À l’âge

62

2018). À noter que ces MI possèdent une demi-vie plus courte que celle des MA (Cai et al.,

2014). La figure 18 résume l’origine du macrophage pulmonaire.

Figure 18: Ontogénie du macrophage pulmonaire (Byrne et al., 2015).

Le MI de souris est caractérisé par l’expression de CMHII (Complexe Majeur

d’Histocompatibilité de classe II), MerkTK, CD64, CD206 et l’absence de l’expression de

Siglec F. De plus ces macrophages expriment fortement CD11b (Byrne et al., 2016). Chez les

humains sains, le MI est identifié par l’expression de HLA-DR, CD68, CD206 et CD11b

(Byrne et al., 2016). Le MI représente une population très hétérogène. Une étude récente sur

souris a suggéré que les MI identifiés comme MerTK

+

CD64

+

CD11b

+

CX3CR1

+

SiglecF

-

peuvent être subdivisés en trois sous-types (Gibbings et al., 2017). Cette classification est

définie selon leur niveau d’expression en CMHII, CD206, CCR2, Lyve-1 (Lymphatic vessel

endothelial hyaluronic acid receptor 1), et CD11c. Ces populations sont nommées MI-3

(CMHII

+

CD206

Lo

CCR2

+

Lyve-1

-

CD11c

+

), MI-2 (CMHII

+

CD206

+

CCR2

-

Lyve-1

+/-

CD11c

-

) et

MI-1 (CMHII

Lo

CD206

+

CCR2

-

Lyve-1

+

CD11c

-

). Concernant la localisation, les auteurs

suggèrent que les MI-3 se développent à proximité des monocytes et sont issus de la

population monocytaire tandis que les MI-1 et les MI-2 sont des macrophages plus matures.

Le profil transcriptomique de ces populations suggère qu’elles représentent un continuum de

la différenciation du MI, allant de l’infiltration du monocyte circulant (MI-3) au MI

différencié mature (MI-1 et MI-2) (Gibbings et al., 2017). Cependant, selon Chakarov et coll

(2019), il n’y aurait que deux sous populations de MI différenciées à partir des monocytes

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une population CMHII

Lo

Lyve-1

Hi

et une autre CMHII

Hi

Lyve-1

Lo

(Chakarov et al., 2019). Les

MI peuvent phagocyter les bactéries et autres microorganismes et possèdent une fonction

immuno-régulatrice. En effet, ces cellules sécrètent davantage de cytokines que les MA, de

nature pro-inflammatoire et immunosuppressive comme l’IL-10 (Liegeois et al., 2018). Les

caractéristiques du MA et MI sont résumés dans le tableau 1.

Tableau 1: Résumé des caractéristiques du macrophage alvéolaire et du macrophage interstitiel (Byrne et al., 2016).

À l’âge adulte, et lors de l’exposition à différents agents chimiques, physiques et biologiques

(polluants, particules et microorganismes), le tissu pulmonaire est rapidement infiltré par des

monocytes de sang périphérique qui se différencient en MI et/ou MA au cours d’un processus

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Figure 19: Développement du macrophage alvéolaire au cours de la vie (Morales-Nebreda et al., 2015).