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II- Généralités sur la fibrose pulmonaire idiopathique (FPI)

5- Physiopathologie de la FPI

5.1. d- La transition épithélio-mésenchymateuse (TEM)

Figure 9: Les différents facteurs moléculaires influençant le phénotype pro-fibrotique des CEAII (Tanjore et al., 2012).

5.1.d- La transition épithélio-mésenchymateuse (TEM)

La TEM est un processus biologique durant lequel la cellule épithéliale perd sa polarité

apico-basale et son adhérence. Elle acquière alors des caractéristiques mésenchymateuses

d’invasion, de migration et de synthèse de la MEC. Au niveau moléculaire, la TEM se traduit

par la diminution de l’expression des gènes codant des protéines épithéliales telles que la

E-Cadhérine et les cytokératines et par l’augmentation de l’expression des gènes codant des

protéines mésenchymateuses telles que la N-Cadhérine, la Vimentine, l’-Smooth Muscle

Actin (α-SMA) et la fibronectine (Salton et al., 2019). La TEM est induite par plusieurs

facteurs de croissance mais le TGF-β représente le ligand extracellulaire le plus étudié. Après

sa fixation sur son récepteur (TGF-β-R), le complexe TGF-β/ TGF-β-R active les protéines

SMAD2 et SMAD3. Le dimère SMAD2/SMAD3 forme un complexe trimérique avec

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SMAD4. Ce dernier est transloqué au noyau et participe à la régulation transcriptionnelle de

plusieurs gènes cibles. Le complexe SMAD diminue l’expression de l’E-Cadhérine via les

facteurs de transcription SNAIL et augmente l’expression de la N-Cadhérine, de la

fibronectine et de différentes métalloprotéinases (MMP) (voir figure 10) (Salton et al., 2019).

Le processus de TEM des CEA pourrait contribuer au développement de la FPI, mais le

rôle de ce mécanisme reste encore incertain (Jolly et al., 2018). Plusieurs arguments

soutiennent l’hypothèse selon laquelle le développement des fibroblastes au niveau du tissu

alvéolaire est induit, au moins en partie, par la TEM des CEA (King et al., 2011b). D’une part,

des études montrent que les CEA localisées dans les foyers fibroblastiques de tissus

pulmonaires de patients atteints de FPI expriment des marqueurs mésenchymateux et

épithéliaux (Willis et al., 2005; Yamaguchi et al., 2017). Par exemple, Varma et coll ont

démontré que les cellules de l’épithélium alvéolaire issues des patients atteints de FPI co

-expriment le marqueur épithélial GRHL2 (Grainyhead-like 2) et les marqueurs

mésenchymateux vimentine et Zinc finger E-box binding homeobox1 (ZEB1) (Varma et al.,

2013). De plus, les CEA isolées de tissus pulmonaires de patients atteints de FPI et cultivées

sur une matrice contenant de la fibronectine, perdent l’expression de marqueurs épithéliaux au

profit de marqueurs mésenchymateux tels que le collagène-1 ou -SMA (Marmai et al., 2011).

Enfin, in vivo, une étude de «Lineage Tracing» sur un modèle murin de fibrose pulmonaire a

démontré que 17 à 21 jours après l’administration intratrachéale de bléomycine, les CEAII de

souris expriment des marqueurs mésenchymateux dont la vimentine et l’α-SMA (DeMaio et

al., 2012). En revanche, la présence d’une co-expression des marqueurs épithéliaux et

mésenchymateux indique une transition incomplète des CEA en fibroblastes humains. Ceci

montre que les CEA présentent un phénotype hybride et que le processus de TEM au cours de

la FPI est incomplet. Des études supplémentaires sont nécessaires pour déterminer si les

cellules issues de la TEM peuvent se différencier de façon définitive en fibroblaste et en

myofibroblaste, notamment en secrétant les éléments de la MEC (Jolly et al., 2018). De plus,

on ne peut exclure que les cellules endothéliales et les fibrocytes subissent un processus de

transition mésenchymateuse favorisant la formation de ces foyers fibroblastiques (King et al.,

2011b).

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Figure 10: Le rôle de la TEM dans le mécanisme physiopathologique de la fibrose pulmonaire. Adapté selon (Salton et al., 2019).

5.2- Le fibroblaste et le myofibroblaste

Durant un processus physiologique de cicatrisation tissulaire, un dialogue spatio-temporel

entre l’épithélium et les cellules mésenchymateuses est primordial. En effet, la prolifération,

la migration et la différenciation des cellules épithéliales, sont coordonnées avec le

recrutement, la prolifération et la différenciation des cellules mésenchymateuses. Ces

évènements s’accompagnent d’un remodelage de la MEC et à la fin du processus de

cicatrisation d’une élimination des myofibroblastes par l’induction de leur apoptose

(Horowitz and Thannickal, 2006). Différentes études ont démontré que ce dialogue

intercellulaire est altéré durant la FPI.

Le fibroblaste pulmonaire, résident ou recruté, est une cellule mésenchymateuse majeure

de la FPI. Il assure le dépôt de la MEC lorsqu’il est différencié en myofibroblaste. Cependant

l’origine de ces fibroblastes durant le développement de la FPI reste incertaine et

possiblement multiple. Les fibroblastes pourraient proliférer et se différencier à partir i) de

fibroblastes résidents ou ayant migré et infiltré le tissu pulmonaire, ii) de fibrocytes ayant

migré du sang périphérique, et/ou iii) de cellules du tissu alvéolaire ayant subi une

transformation mésenchymateuse (épithéliale, endothéliale et mésothéliale) (King et al.,

2011b). Suite à un stress ou une stimulation, le fibroblaste (résident ou recruté) génère des

fibres de stress composées d’actine cytoplasmique. Le fibroblaste devient alors un

proto-myofibroblaste pouvant générer une force contractile. En présence de TGF-β (secrété par les

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le proto-myofibroblaste se différencie en myofibroblaste (Tomasek et al., 2002) (voir figure

11).

Figure 11: l’activation et la différenciation du fibroblaste en myofibroblaste (Tomasek et al., 2002).

Les myofibroblastes sont des cellules mésenchymateuses de phénotype hybride. Elles

regroupent des caractéristiques du fibroblaste et de la cellule musculaire lisse. En effet, son

cytosquelette est constitué de β et γ-actine comme le fibroblaste, mais aussi d’α-actine du

muscle lisse (α-SMA) (Tomasek et al., 2002). Comme toute cellule mésenchymateuse, les

myofibroblastes issus des patients atteints de FPI se caractérisent par leur phénotype

migratoire (Suganuma et al., 1995), leur capacité à sécréter des médiateurs pro-fibrotiques

incluant le TGF-1, et leur activité contractile (Hinz et al., 2007). Cette dernière est liée à la

formation des fibres de stress qui sont notamment composées de la protéine α-SMA (Hinz et

al., 2007). Au cours du processus de cicatrisation physiologique, l’activité contractile est

essentielle pour la fermeture de la plaie avant que le myofibroblaste ne soit normalement

éliminé.

Durant la FPI, et contrairement aux CEA, les myofibroblastes acquièrent une résistance à

l’apoptose cellulaire. Ce paradoxe de la mort cellulaire est considéré selon Thannickal et coll

comme un point essentiel de la physiopathologie de la FPI (Thannickal, 2006). Il peut

expliquer la présence des myofibroblastes au niveau du tissu alvéolaire lésé et la formation

des foyers fibroblastiques au niveau desquels des médiateurs de l’apoptose telle que la forme

clivée de la caspase-3 ou le récepteur Fas sont peu exprimés (Nho et al., 2013).

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