sans vecteur (par la graine, le pollen ou par multiplication végétative,…) ou avec vecteur
(arthropodes, champignons du sol, nématodes, homme, …). Les polérovirus ne sont ni transmis
mécaniquement, ni transmis par la graine mais comptent exclusivement sur les pucerons pour
assurer leur propagation dans l’environnement. C’est en effet grâce à leur appareil buccal, de type
« piqueur-suceur », que les pucerons peuvent ingérer et inoculer les particules virales qui circulent
via les canaux alimentaire et salivaire délimités par les stylets maxillaires (Figure 20). Les stylets
mandibulaires, quant à eux, protègent les stylets maxillaires et ont un rôle de « forage » pour
accéder aux cellules du phloème. Ainsi, les stylets du puceron sont parfois comparés à des aiguilles
très fines, à la fois flexibles pour passer entre les cellules et accéder aux cellules du phloème, et
solides pour percer les parois des cellules végétales.
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La transmission des polérovirus est qualifiée de circulante et non multipliante (Figure 21). Elle est
hautement spécifique puisque chaque espèce virale est préférentiellement transmise par une espèce
de puceron (Herrbach, 1999). Le virus est acquis lorsque le puceron s’alimente dans le phloème
d’une plante infectée. Les particules virales ingérées vont être confrontées au niveau intestinal à la
barrière épithéliale qui va être le premier lieu de discrimination des espèces vectrices et non
vectrices. Cette barrière est cependant peu discriminante car de nombreux virus non transmis se
retrouvent dans l’hémolymphe des pucerons. Au niveau de l’intestin, le lieu d’acquisition du virus est
variable : il se fait au niveau de l’intestin moyen pour le PLRV (Garret et al., 1993) et le TuYV
(Reinbold et al., 2001), et de l’intestin postérieur pour le BYDV et le CYDV (Gildow, 1999). Le CABYV
est un cas particulier puisqu’il peut être acquis au niveau des deux sites (Reinbold et al., 2003). Le
mécanisme de transcytose au niveau des cellules intestinales commence au niveau de la membrane
apicale par la formation de vésicules à clathrine (Figure 22) et fait probablement appel à la présence
de récepteurs encore non identifiés (cf paragraphe B.3.c). Les vésicules vont ensuite fusionner pour
former des endosomes contenant plusieurs particules virales. Des vésicules tubulaires, bourgeonnant
des endosomes et proches de la membrane plasmique basale, ont été observées dans des cellules de
M. persicae porteuses du TuYV et pourraient donc être responsables de la libération des virions dans
l’hémolymphe (Reinbold et al., 2001).
Figure 21 : Représentation schématique du mécanisme de la transmission circulante des virus par puceron. Les hexagones représentent des particules virales cheminant dans le corps du puceron (selon un trajet schématisé par les flèches).
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Figure 22 : Modèle pour le transport des polérovirus à travers les cellules intestinales et les cellules des glandes salivaires accesoires (GSA) (Brault et al., 2007). Les virions présents dans la lumière intestinale sont internalisés grâce à des puits à clathrine (cp). Dans le cytoplasme, les virions sont localisés dans des vésicules à clathrine (cv), des vésicules lisses (vs), des vésicules tubulaires (tv), des endosomes (endo) et des lysosomes (lys). Les virions sont ensuite libérés dans l’hémolymphe après fusion des vésicules tubulaires avec la membrane plasmique basale (bpl) puis passage à travers la lamelle basale (bl). Une fois dans l’hémolymphe, les virions sont probablement protégés par la symbionine (sy) et atteignent les cellules des GSA. Ils traversent alors la lamelle basale (bl) qui entoure la cellule et sont ensuite internalisés à partir de la membrane basale grâce à des vésicules à clathrine et à des vésicules tubulaires (tv). Le mécanisme précis permettant aux virions d’atteindre la membrane plasmique apicale (apl) n’étant pas élucidé deux voies sont présentées sur ce modèle (I et II). Une fois la membrane plasmique apicale des cellules des GSA atteinte, les vésicules fusionnent avec celle-ci ce qui permet la libération des virions dans le canal salivaire (sc).
Les virions, une fois dans l’hémolymphe, s’associeraient à une protéine d’origine endo-symbiotique :
la symbionine. Cette interaction démontrée in vitro (van den Heuvel et al., 1997) n’a cependant pas
été confirmée in vivo. Cette protéine chaperone est supposée protéger les virions des mécanismes
de défense du puceron mais un certain nombre d’études récentes remettent en question le rôle de
cette protéine dans la transmission des virus de la famille des Luteoviridae (Bouvaine et al., 2011).
Les virions atteignent ensuite les glandes salivaires accessoires (GSA) et sont confrontés à deux
barrières qui vont jouer un rôle au niveau de la spécificité de vection : la lamelle basale entourant les
cellules des glandes salivaires et la membrane plasmique basale. Il a en effet été démontré que
certains virus peuvent se trouver bloqués au niveau de l’une ou l’autre de ces barrières ce qui aboutit
à une absence de transmission (Peiffer et al., 1997). Les mécanismes d’endo- et d’exocytose qui se
déroulent au niveau des cellules des GSA sont similaires à ceux observés au niveau des cellules de
l’épithélium intestinal mais se déroulent dans un sens inverse. Les particules virales ayant traversé la
cellule et atteint le pôle apical peuvent être libérées dans le canal salivaire puis inoculées à une
nouvelle plante au cours d’une prise alimentaire. Le temps de latence (temps écoulé entre l’ingestion
et l’inoculation) nécessaire pour ce type de transmission est de l’ordre de 24 h (Tableau 11). Bien que
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le virus ne se multiplie pas dans l’insecte vecteur, le pouvoir virulifère des pucerons est conservé
pendant plusieurs semaines, voire toute la vie du puceron, mais les virions ne sont jamais transmis
aux générations suivantes.
Caractéristiques de
la transmission Type de transmission Non
persistante persistante Semi- Persistante-circulante Persistante-Réplicative Temps
d’acquisition Secondes-minutes Minutes-heures Heures Heures Temps de rétention Minutes-Heures Heures-Jours Jours à vie Jours à vie
Passage transtadial Non Non Non Oui Virus dans
l’hémolymphe Non Non Oui Oui Durée de latence Aucune Aucune Heures semaines Jours à
Réplication Non Non Non Oui Exemple CMV CaMV CABYV LNYV Tableau 11 : Caractéristiques des différents types de transmission de virus par Hémiptères.